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http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/10/20/lola-islam-motion-de-censure-ukraine-mais-a-quoi-joue-le-rn.html

 

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Donc, d’un côté, celui de la rue et du peuple, le RN ne manifestera pas pour la petite Lola parce qu’y seront présents tous ces fâcheux fachos d’extrême-droite que sont les soutiens et militants de Zemmour ou de Philippot, et, dans un autre cadre, celui plus respectable et prestigieux des institutions « républicaines », sous les lambris dorés auxquels on s’habitue si facilement, le RN ne votera pas avec la Nupes la motion de censure pour virer enfin ce gouvernement de désaxés.

« RN, NUPES : chacun dépose sa petite motion de censure pour faire croire qu’ils est un opposant tout en précisant soigneusement qu’il ne votera pas la motion de l’autre ! Ce qui signifie laisser le pouvoir à Macron et ils le savent ! C’est affligeant, c’est trahir la France ! » (Florian Philippot).

Le député RN du Loiret Thomas Ménagé est interrogé par un journaliste de Boulevard Voltaire le 19 octobre :

« Le but d’une motion de censure, c’est de dire que nous ne faisons pas confiance au gouvernement, de dénoncer les agissements du pouvoir, n’est-il pas de dépasser les clivages partisans contre le gouvernement ? »

Réponse bien évasive et prudente du député :  « Là, en l’occurrence, il y a un exposé des motifs, des raisons de cette motion de censure. Les électeurs qui nous font confiance ne nous ont pas élus pour aller dans la même direction, au niveau budgétaire, que La France Insoumise ».

Non, ils vous ont élus d’abord pour vous opposer à ce gouvernement et le virer, coûte que coûte.

Ukraine : le choix de l’ennemi

Enfin, dernier grief et non des moindres à l’égard d’un parti qui avait été élu pour s’opposer à ce gouvernement dont l’unique but est de détruire le pays qu’il dirige.

Il s’agit de la position pro-ukrainienne adoptée par le RN ; ne nous trompons pas ; ce conflit n’est pas une guerre qui ne nous concerne pas ; au contraire, l’Europe et surtout la France sont intéressées au premier chef pour plusieurs raisons que nous allons évoquer.

D’abord, sur le plan strictement matériel dont se soucie tant MLP (quand elle n’intervient pas à l’Assemblée pour réclamer la stérilisation des chats que, paradoxalement, elle aime tant). En effet, les sanctions anti-russes dont Bruno Le Maire prédisait qu’elles allaient mettre la Russie à genoux n’ont finalement été néfastes qu’aux pays européens. Et ce n’est qu’un début.

Ensuite, sur le plan géopolitique, nous savons désormais que cette affaire ukrainienne a été préfabriquée de longue date par les USA, l’UE, l’Otan, la CIA ou l’Ordre mondial, comme vous préférez (mais considérez tous ces organismes ou Etats comme une seule entité).

Le Système mondial représenté par les USA n’a qu’un objectif : faire perdurer sa suprématie en supprimant tous ceux qui pourraient y porter atteinte ; un axe Europe-Russie qui pourrait se mettre en place serait létal pour l’Empire mondial qui doit à tout prix le bloquer ; l’affaire des Balkans, les bombardements meurtriers sur la population serbe, la création de l’État islamique du Kosovo n’avaient pas d’autre but que d’empêcher ce rapprochement. L’affaire ukrainienne est une autre tentative du Système pour réaliser son projet impérialiste. L’ennemi de l’Europe n’est pas la Russie, ce sont les USA qui ne cachent pas leur hostilité à l’égard des Européens et de toute nation qui viendrait contrarier leur projet de main-mise sur le monde. Voir à ce sujet l’excellent ouvrage de Lucien Cerise: Ukraine, la guerre hybride de l’OTAN.

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Les positions sont claires désormais : le vrai combat réside, partout dans le monde, entre les mondialistes/uniformisateurs et les traditionalistes/identitaires attachés à leur sol, à leur culture, à leurs traditions, entre les fausses élites mafieuses, perverses et psychopathes, soumises à l’Ordre mondial, qui sont au pouvoir dans une grande partie de la planète (et spécialement en Europe, et plus spécialement en France) et les peuples qu'elle veulent conditionner en permanence et réduire en esclavage in fine, car c'est bien le but recherché.

Pour ne pas se tromper de camp, il suffit de prendre les positions exactement inverses de celles assénées quotidiennement ad nauseam par les médias aux ordres, et par tous les relais de la secte mondialiste: les groupes de pression, associations antinationales grassement subventionnées, promigrants, faux experts télévisuels en conflit d'intérêt permanent, groupes transgenres LGBT, islamoféministes, syndicats corrompus, ploutocrates, partis politiques collabos, artistes dégénérés et nombrilistes, organismes internationaux et "Européens" soumis aux USA, les ONG, les relais gouvernementaux, etc..

Il n'y a pas de "communauté internationale", le monde n'est pas unipolaire comme ces déments le souhaiteraient.

Les Français qui ont encore un peu de dignité n'ont pas à hurler avec les loups qui sont plutôt des hyènes : Biden, Schwab, Soros, BHL, Macron et sa clique, Lagarde, Trudeau, von der La Hyène (en chef), Zizilensky, Fauci, Gates, etc., mais nous devons les chasser coûte que coûte et au plus vite pour retrouver la vraie vie, notre vie !

Le RN a choisi son camp : le camp de l’anti-France, le camp du mondialisme, des ordures qui veulent nous voir disparaître, qui veulent voir disparaître nos terroirs, nos patries charnelles européennes, le RN a choisi le camp de toute cette racaille en col blanc précitée. C’est ignoble.

Pierre-Emile Blairon

[1] Voir mon article du 17 juin 2022 sur ce même site : Élections législatives 2022 : la revanche du Titanic et le triomphe de l’inertie

 

 

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L'ambition de ce livre est de fournir à la philosophie de Péguy l'« appareil » capable de manifester le plus fidèlement possible le « profond ordre intérieur » qui tient ensemble la multitude de textes qui a jailli génialement de sa plume. Loin de pointer les contradiction d'un homme, il s'agit alors de suivre la continuité et la cohérence d'un chemin, par-delà toutes les ruptures apparentes, qui se déroule selon un drame chrétien : L'état d'innocence, d'abord, la pureté de son combat socialiste et une jeunesse saisie par l'événement de l'Affaire Dreyfus et tenue par la venue imminente de la cité harmonieuse ; la chute, ensuite, avec l'histoire de la décomposition du dreyfusisme et l'enfer du monde moderne ; le salut, enfin, avec le retour de la foi catholique et les nouvelles ressources que lui prodigue la vertu d'espérance.

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https://www.lhistoire.fr/livres/france-quas-tu-fait-de-ton-bapt%C3%AAme

 

Saint Jean-Paul II, France qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ?***

 

Dans les années 1960, la société française a vécu une rupture radicale, en cessant d'être encadrée par la religion chrétienne. Guillaume Cuchet l'explique notamment par les changements de pratiques engendrés par Vatican II. Une démonstration magistrale.

Il y a trente ans, Henri Mendras consacrait un ouvrage, chez Gallimard, à ce qu'il appelait La Seconde Révolution française, démarrée en 1965. Il démontrait qu'au coeur des sixties un tournant de civilisation s'était amorcé et, dans une partie traitant de la « désacralisation des institutions », il faisait une large part au « recul de l'Église ». Guillaume Cuchet, qui s'est fait connaître par ses travaux sur le purgatoire, devenu un de nos meilleurs spécialistes d'histoire religieuse, reprend cette thématique en profondeur dans un ouvrage dont le sous-titre est sans équivoque : Anatomie d'un effondrement.

L'auteur constate et analyse en historien les réalités d'un phénomène qui a changé la face de notre société si longtemps dominée par la religion catholique. Si l'affaiblissement de celle-ci en France remonte très haut, au moins jusqu'à la Révolution, il note son accélération brutale dans les années 1960. Bien des commentateurs avant lui avaient observé une rupture de la pratique religieuse et en avaient attribué la cause soit aux conséquences de 1968, soit à l'encyclique Humanae vitae de Paul VI contre la contraception. Pour Guillaume Cuchet, cette rupture est antérieure à ces deux événements, même si ceux-ci ont pu amplifier la tendance. A ses yeux, il faut considérer les effets du concile Vatican II, commencé en 1962 sous le pontificat de Jean XXIII et achevé en 1965 sous Paul VI, si l'on veut comprendre ce qui s'est passé.

L'analyse repose d'abord sur des statistiques. Le chanoine Boulard, à qui nous devons la carte de la pratique religieuse dont la première édition date de 1947, montre qu'avant les années 1960 94 % de la génération est baptisée ; que plus de 80 % des enfants font leur communion solennelle ; que 25 % des Français participent à l'office du dimanche (cf. L'Histoire n° 443). Aujourd'hui, ce sont seulement 30 à 35 % de la génération qui sont baptisés, et le taux de pratique de la messe dominicale est tombé aux environs de 3 %.

Les symptômes de l'effondrement sont tous notables dans les années 1960 : outre la chute de la pratique, l'augmentation des mariages civils, la raréfaction des vocations sacerdotales, l'abandon accru par les prêtres de leur ministère, la déliquescence des mouvements de jeunesse catholique, la remise en cause généralisée des dogmes. Tous ces signaux de crise ont pu être observables de longue date. Le livre des abbés Godin et Daniel La France pays de mission ? date de 1943, et l'auteur rappelle que bien avant ce cri d'alarme on a pu se plaindre (ou se réjouir) de « l'indifférence en matière de religion », selon l'expression de Lamennais, au début du XIXe siècle. Cependant, ce qui se passe dans les années 1960 est nouveau : ce n'est plus un mouvement lent de désaffection religieuse, mais une rupture brutale.

Vatican II en a été non le créateur, mais le déclencheur. On pourrait dire en termes simples que le concile a changé la face de la religion traditionnelle à laquelle les catholiques français étaient habitués. Il y eut d'abord la réforme de la liturgie, la fin de la messe en latin. Les prêtres ont jeté leur soutane aux orties. On a cessé à l'église de parler du diable et de l'enfer. Dieu s'est arrêté d'être un super-juge, inflexible, pour devenir un Dieu-Amour, miséricordieux. Le péché a perdu sa charge de peur, qui contraignait à suivre les pratiques séculaires, la confession notamment. En profondeur, l'esprit du concile visait à rendre la religion plus exigeante. Elle ne devait plus être un folklore, une habitude familiale ou régionale, un comportement de routine. Il fallait désormais, aussi bien pour le baptême que pour le mariage religieux, que les fidèles élèvent leur foi à la hauteur des sacrements. On ne devait plus aller à la messe par accoutumance, mais y participer pleinement.

On assista à une réaction des partisans de la « religion populaire », celle du grand nombre, pour qui les rites, les prières, les processions, constituaient l'être catholique. Le nouveau clergé, lui, sensible aux leçons du concile, défendait une religion épurée ; sommait les chrétiens de s'engager dans les oeuvres de la Cité. Toute cette préparation à un renouveau de la foi a déconcerté une majorité de fidèles.

A ces causes proprement religieuses, Guillaume Cuchet ne manque pas d'ajouter les bouleversements de la société. C'est dans la décennie 1960 que l'on commence à parler de la société de consommation. Une « civilisation des loisirs » est alors en train de se mettre en place, avec les week-ends, l'automobile, les vacances, tandis que la télévision devient la fée du logis. Une nouvelle génération, celle des baby-boomers, arrivés à l'âge adulte, est la première à décrocher massivement de la religion. La philosophie des yéyés n'est plus celle de Charles Trenet et de ses abbés à bicyclette ni même de Georges Brassens qui, entre deux gaudrioles, écrivait la chanson de L'Auvergnat. L'hédonisme devient la marque d'une société, d'abord juvénile, qui, au fort des Trente Glorieuses, ne se satisfait plus d'un bonheur dans l'au-delà.

Peut-être faudrait-il ajouter à tous ces facteurs le rôle déchristianisant de la science. Les Écritures paraissent des légendes, à l'heure où l'homme va bientôt marcher sur la Lune. La création du monde en sept jours ; le dogme du péché originel, dont Adam et Ève seraient les coupables ; la dogmatique catholique, si riche de merveilleux : l'Immaculée Conception, la Vierge Mère, l'Assomption, autant de croyances qu'il devient difficile de faire admettre à une jeunesse plus instruite...

L'ouvrage de Guillaume Cuchet n'est pas seulement celui d'un sociologue de la religion, mais d'un historien. Le phénomène qu'il a pris à tâche d'expliciter, non sans la modestie du savant, qui avance prudemment ses hypothèses, l'auteur l'a inscrit dans la longue durée. C'est une des raisons pour lesquelles il a consacré toute une partie de son livre aux travaux du chanoine Boulard qui, avec Gabriel Le Bras, ont été les pionniers de cette historiographie. Nous avons affaire à un livre passionnant, qui, au-delà du fait religieux, éclaire l'extraordinaire mutation que nous vivons depuis un demi-siècle.

* Conseiller de la direction de L'Histoire

Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement, Guillaume Cuchet Seuil, 2018, 283 p., 21 E.

 

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France, qu'as-tu fait de ton baptême ?

.https://www.infocatho.fr/saint-jean-paul-ii-france-quas-tu-fait-des-promesses-de-ton-bapteme/

En ce 2 avril, date anniversaire du décès de saint Jean-Paul II (2 avril 2005), la rédaction vous propose de redécouvrir l’homélie désormais célèbre du pape au Bourget le 1er juin 1980.

A relire à la lumière des mouvements sociaux impulsés par des chrétiens, du renouveau de prière et de vie spirituelle qui couvre la France, ce texte revêt un caractère prophétique.

Je commencerai par remercier du fond du cœur tous ceux qui ont tenu à se rassembler ici ce matin, en venant même des lointaines provinces de la France. A tous, mes souhaits les plus fervents, et en particulier aux mères de famille, en ce jour de la fête des mères. Je vous convie maintenant à vous recueillir avec moi.

1. Les paroles que nous venons d’entendre ont une double signification : elles terminent l’Evangile comme temps de la révélation du Christ, et en même temps elles l’ouvrent vers l’avenir comme temps de l’Eglise, celui d’un devoir incessant et d’une mission.

Le Christ dit : Allez !

Il indique la direction de la route : toutes les nations.

Il précise la tâche : Enseignez-les, baptisez-les.

L’Eglise se remémore ces paroles en ce jour solennel, où elle veut tout spécialement adorer Dieu dans le mystère intérieur de la Vie de la Divinité : Dieu comme Père, Fils et Saint-Esprit.

Que ces paroles constituent le fondement essentiel de notre méditation, alors que nous nous trouvons tous, par une disposition admirable de la Providence, tout près de Paris, qui est la capitale de la France, l’une des capitales de l’Europe, une parmi bien d’autres, certes, mais unique en son genre, et l’une des capitales du monde.

Dans la dernière phrase que rapporte l’Evangile, le Christ a dit : « Allez dans le monde entier » [1].

Je suis aujourd’hui avec vous, chers Frères et Sœurs, en un de ces lieux depuis lesquels, d’une manière particulière, on voit « le monde », on voit l’histoire de notre « monde » et on voit le « monde » contemporain, le lieu d’où ce monde se connaît et se juge lui-même, connaît et juge ses victoires et ses défaites, ses souffrances et ses espérances.

Permettez que je me laisse prendre, avec vous, à l’éloquence inouïe des paroles que le Christ a adressées à ses disciples. Permettez qu’à travers elles nous fixions les yeux, au moins un instant, sur le mystère insondable de Dieu, et que nous touchions ce qui, dans l’homme, est durable et par conséquent le plus humain.

Permettez que nous nous préparions de cette façon à la célébration de l’Eucharistie, en la solennité de la Sainte Trinité.

2. Le Christ a dit aux Apôtres : « Allez…, enseigne toutes les nations… ». De même qu’aujourd’hui je me trouve pratiquement dans la capitale de la France, de même, il y a un an, en ce même jour du premier dimanche après la Pentecôte, je me trouvais dans une grande prairie de l’ancienne capitale de la Pologne, à Cracovie, dans la ville où j’ai vécu et d’où le Christ m’a appelé au Siège romain de l’Apôtre Pierre. J’ai eu là-bas devant les yeux les visages connus de mes compatriotes, et j’ai eu devant les yeux toute l’histoire de ma nation, depuis son baptême. Cette histoire riche et difficile avait commencé, d’une manière admirable, presque exactement au moment où a été réalisée la dernière parole du Christ adressée aux Apôtres : « Enseignez toutes les nations, baptisez-les… ». Avec le baptême la nation est née et son histoire a commencé.

Cette nation ― la nation dont je suis le fils ― ne vous est pas étrangère. Dans les périodes les plus difficiles, surtout, de son histoire, elle a trouvé chez vous l’appui dont elle avait besoin, les principaux formateurs de sa culture, les porte-parole de son indépendance. Je ne peux pas ne pas m’en souvenir en ce moment. J’en parle avec gratitude…

Bien plus tard qu’ici, les voies missionnaires des successeurs des Apôtres ont atteint la Vistule, les Carpates, la Mer Baltique… Ici, la mission donnée par le Christ aux Apôtres après la Résurrection a trouvé très vite un commencement de réalisation, sinon de manière certaine dès l’époque apostolique, du moins dès le second siècle, avec Irénée, ce grand martyr et père apostolique, qui fut évêque de Lyon. Par ailleurs, dans le Martyrologe romain, on fait très souvent mention de Lutetia Parisiorum

D’abord la Gaule, et ensuite la France : la Fille aînée de l’Eglise !

Aujourd’hui, dans la capitale de l’histoire de votre nation, je voudrais répéter ces paroles qui constituent votre titre de fierté : Fille aînée de l’Eglise.

Et j’aimerais, en reprenant ce titre, adorer avec vous le mystère admirable de la Providence. Je voudrais rendre hommage au Dieu vivant qui, agissant à travers les peuples, écrit l’histoire du salut dans le cœur de l’homme.

Cette histoire est aussi vieille que l’homme. Elle remonte même à sa « préhistoire », elle remonte au commencement. Quand le Christ a dit aux Apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations… », il a déjà confirmé la durée de l’histoire du salut, et en même temps il a annoncé cette étape particulière, la dernière étape.

3. Cette histoire particulière est caché au plus intime de l’homme, elle est mystérieuse et pourtant réelle aussi dans sa réalité historique, elle est revêtue, d’une manière visible, des faits, des événements, des existences humaines, des individualités. Un très grand chapitre de cette histoire a été inscrit dans l’histoire de votre patrie, par les fils et les filles de votre nation. Il serait difficile de les nommer tous, mais j’évoquerai au moins ceux qui ont exercé la plus grande influence dans ma vie : Jeanne d’Arc, François de Sales, Vincent de Paul, Louis-Marie Grignion de Montfort, Jean-Marie Vianney, Bernadette de Lourdes, Thérèse de Lisieux, Sœur Elisabeth de la Trinité, le Père de Foucauld, et tous les autres. Ils sont tellement présents dans la vie de toute l’Eglise, tellement influents par la lumière et la puissance de l’Esprit Saint !

Ils vous diraient tous mieux que moi que l’histoire du salut a commencé avec l’histoire de l’homme, que l’histoire du salut connaît toujours un nouveau commencement, qu’elle commence en tout homme venant en ce monde. De cette façon, l’histoire du salut entre dans l’histoire des peuples, des nations, des patries, des continents.

L’histoire du salut commence en Dieu. C’est précisément ce que le Christ a révélé et a déclaré jusqu’à la fin lorsqu’il a dit : « Allez…. enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ».

« Baptiser » veut dire « plonger », et le « nom » signifie la réalité même qu’il exprime. Baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit veut dire plonger l’homme dans cette Réalité même que nous exprimons par le nom de Père, Fils et Saint-Esprit, la Réalité qu’est Dieu dans sa Divinité : la Réalité tout à fait insondable, qui n’est complètement reconnaissable et compréhensible qu’à elle-même. Et en même temps, le baptême plonge l’homme dans cette Réalité qui, comme Père, Fils et Saint-Esprit, s’est ouverte à l’homme. Elle s’est ouverte réellement. Rien n’est plus réel que cette ouverture, cette communication, ce don à l’homme du Dieu ineffable. Quand nous entendons les noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ils nous parlent justement de ce don, de cette « communication » inouïe de Dieu qui, en lui-même, est impénétrable à l’homme… Cette communication, ce don est du Père, il a atteint son sommet historique et sa plénitude dans le Fils crucifié et ressuscité, il demeure encore dans l’Esprit, qui « intercède pour nous en des gémissements ineffables » [2].

Les paroles que le Christ, à la fin de sa mission historique, a adressées aux Apôtres, sont une synthèse absolue de tout ce qui avait constitué cette mission, étape par étape, de l’Annonciation jusqu’à la Crucifixion… et finalement à la Résurrection.

4. Au cœur de cette mission, au cœur de la mission du Christ, il y a l’homme, tout homme. A travers l’homme, il y a les nations, toutes les nations.

La liturgie d’aujourd’hui est théocentrique, et pourtant c’est l’homme qu’elle proclame. Elle le proclame, parce que l’homme est au cœur même du mystère du Christ, l’homme est dans le cœur du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et cela depuis le début. N’a-t-il pas été crée à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Hors de cela, l’homme n’a pas de sens. L’homme n’a un sens dans le monde que comme image et ressemblance de Dieu. Autrement il n’a pas de sens, et on en viendrait à dire, comme l’ont affirmé certains, que l’homme n’est qu’une « passion inutile ».

Oui. C’est l’homme qui est proclamé lui aussi par la liturgie d’aujourd’hui.

« A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, / la lune et les étoiles, que tu fixas, / qu’est donc l’homme, que tu en gardes mémoire, / le fils d’Adam, que tu en prennes souci ? / A peine le fis-tu moindre qu’un dieu, / le couronnant de gloire et de splendeur ; / tu lui as donné pouvoir sur les œuvres de tes mains, / tout fut mis par toi sous ses pieds » [3].

5. L’homme… l’éloge de l’homme… l’affirmation de l’homme.

Oui, l’affirmation de l’homme tout entier, dans sa constitution spirituelle et corporelle, dans ce qui le manifeste comme sujet extérieurement et intérieurement. L’homme adapté, dans sa structure visible, à toutes les créatures du monde visible, et en même temps intérieurement allié à la sagesse éternelle. Et cette sagesse, elle aussi, est annoncée par la liturgie d’aujourd’hui, qui chante son origine divine, sa présence perceptible dans toute l’œuvre de la création pour dire à la fin qu’elle « trouve ses délices avec les fils des hommes » [4].

Que n’ont pas fait les fils et les filles de votre nation pour la connaissance de l’homme, pour exprimer l’homme par la formulation de ses droits inaliénables ! On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont-là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme.

Pour nous, l’alliance intérieure avec la sagesse se trouve à la base de toute culture et du véritable progrès de l’homme.

Le développement contemporain et le progrès auxquels nous participons sont-ils le fruit de l’alliance avec la sagesse ? Ne sont-ils pas seulement une science toujours plus exacte des objets et des choses, sur laquelle se construit le progrès vertigineux de la technique ? L’homme, artisan de ce progrès, ne devient-il pas toujours plus l’objet de ce processus ? Et voilà que s’effondre toujours plus en lui et autour de lui cette alliance avec la sagesse, l’éternelle alliance avec la sagesse qui est elle-même la source de la culture, c’est-à-dire de la vrai croissance de l’homme.

6. Le Christ est venu au monde au nom de l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Au nom de cette alliance, il est né de la Vierge Marie et il a annoncé l’Evangile. Au nom de cette alliance, « crucifié… sous Ponce Pilate » il est allé sur la croix et il est ressuscité. Au nom de cette alliance, renouvelée dans sa mort et dans sa résurrection, il nous donne son Esprit…

L’alliance avec la sagesse éternelle continue en Lui. Elle continue au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle continue comme le fait d’enseigner les nations et de baptiser, comme l’Evangile et l’Eucharistie. Elle continue comme l’Eglise, c’est-à-dire le Corps du Christ, le peuple de Dieu.

Dans cette alliance, l’homme doit croître et se développer comme homme. Il doit croître et se développer à partir du fondement divin de son humanité, c’est-à-dire comme image et ressemblance de Dieu lui-même. Il doit croître et se développer comme fils de l’adoption divine.

Comme fils de l’adoption divine, l’homme doit croître et se développer à travers tout ce qui concourt au développement et au progrès du monde où il vit. A travers toutes les œuvres de ses mains et de son génie. A travers les succès de la science contemporaine et l’application de la technique moderne. A travers tout ce qu’il connaît au sujet du macrocosme et du microcosme, grâce à un équipement toujours plus perfectionné.

Comment se fait-il que, depuis un certain temps, l’homme ait découvert dans tout ce gigantesque progrès une source de menace pour lui-même ? De quelle façon et par quelles voies en est-on arrivé à ce que, au cœur même de la science et de la technique modernes, soit apparue la possibilité de la gigantesque autodestruction de l’homme ; à ce que la vie quotidienne offre tant de preuves de l’emploi, contre l’homme, de ce qui devait être pour l’homme et devait servir l’homme ?
Comment en est-on arrivé la ? L’homme en marche vers le progrès n’a-t-il pas pris un seul chemin, le plus facile, et n’a-t-il pas négligé l’alliance avec la sagesse éternelle ? N’a-t-il pas pris la voie « spacieuse », en négligeant la voie « étroite » [5] ?

7. Le Christ dit : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » [6]. Il le dit alors que le pouvoir terrestre ― le Sanhédrin, le pouvoir de Pilate ― a montré sa suprématie sur Lui, en décrétant sa mort sur la croix. Il le dit aussi après sa résurrection.

« Le pouvoir au ciel et sur la terre » n’est pas un pouvoir contre l’homme. Ce n’est même pas un pouvoir de l’homme sur l’homme. C’est le pouvoir qui permet à l’homme de se révéler à lui-même dans sa royauté, dans toute la plénitude de sa dignité. C’est le pouvoir dont l’homme doit découvrir dans son cœur la puissance spécifique, par lequel il doit se révéler à lui-même dans les dimensions de sa conscience dans la perspective de la vie éternelle. Alors se révélera en lui toute la force de baptême, il saura qu’il est « plongé » dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il se retrouvera complètement lui-même dans le Verbe éternel, dans l’Amour infini.

C’est à cela que l’homme est appelé dans l’alliance avec la sagesse éternelle.

Tel est aussi ce « pouvoir » qu’a le Christ « au ciel et sur la terre ».

L’homme d’aujourd’hui a beaucoup augmenté son pouvoir sur la terre, il pense même à son expansion au-delà de notre planète.

On peut dire en même temps que le pouvoir de l’homme sur l’autre homme devient toujours plus lourd. En abandonnant l’alliance avec la sagesse éternelle, il sait de moins en moins se gouverner lui-même, il ne sait pas non plus gouverner les autres. Combien pressante est devenue la question des droits fondamentaux de l’homme !

Quel visage menaçant révèlent le totalitarisme et l’impérialisme, dans lesquels l’homme cesse d’être le sujet, ce qui équivaut à dire qu’il cesse de compter comme homme. Il compte seulement comme une unité et un objet !

Ecoutons encore une fois ce que dit le Christ par ces mots : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre », et méditons toute la vérité de ces paroles.

8. Le Christ, à la fin, dit encore ceci : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » [7] ; cela signifie donc aussi : aujourd’hui, en 1980, pour toute époque.

Le problème de l’absence du Christ n’existe pas. Le problème de son éloignement de l’histoire de l’homme n’existe pas. Le silence de Dieu à l’égard des inquiétudes du cœur et du sort de l’homme n’existe pas.

Il n’y a qu’un seul problème qui existe toujours et partout : le problème de notre présence auprès du Christ. De notre permanence dans le Christ. De notre intimité avec la vérité authentique de ses paroles et avec la puissance de son amour. Il n’existe qu’un problème, celui de notre fidélité à l’alliance avec la sagesse éternelle, qui est source d’une vrai culture, c’est-à-dire de la croissance de l’homme, et celui de la fidélité aux promesses de notre baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit !

Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger :
France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?

Permettez-moi de vous demander :
France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ?

Pardonnez-moi cette question. Je l’ai posée comme le fait le ministre au moment du baptême. Je l’ai posée par sollicitude pour l’Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l’homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père Fils et Saint-Esprit.

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https://www.homocoques.com/aaa_aaa_des_PARADIGMEs_COQ-COQUES.htm

 

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  • « Satan est le singe de Dieu ». Cette remarque peut aider grandement à comprendre quelques-unes des plus sombres énigmes du monde moderne, énigmes que lui-même nie d'ailleurs parce qu'il ne sait pas les apercevoir, bien qu'il les porte en lui, et parce que cette négation est une condition indispensable du maintien de la mentalité spéciale par laquelle il existe : si nos contemporains, dans leur ensemble, pouvaient voir ce qui les dirige et vers quoi ils tendent réellement, le monde moderne cesserait aussitôt d'exister comme tel, car le « redressement » auquel nous avons souvent fait allusion ne pourrait manquer de s'opérer par là même ; mais, comme ce « redressement » suppose d'autre part l'arrivée au point d'arrêt où la « descente» est entièrement accomplie et où « la roue cesse de tourner », du moins pour l'instant qui marque le passage d'un cycle à un autre, il faut en conclure que, jusqu'à ce que ce point d'arrêt soit atteint effectivement, ces choses ne pourront pas être comprises par la généralité, mais seulement par le petit nombre de ceux qui seront destinés à préparer, dans une mesure ou dans une autre, les germes du cycle futur. Il est à peine besoin de dire que, dans tout ce que nous exposons, c'est à ces derniers que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement, sans nous préoccuper de l'inévitable incompréhension des autres ; il est vrai que ces autres sont et doivent être, pour un certain temps encore, l'immense majorité, mais, précisément, ce n'est que dans le « règne de la quantité » que l'opinion de la majorité peut prétendre à être prise en considération.

 

 

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«J’avais le besoin fou d’un espace que moi seul occuperais.»

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Yanis, Marine et Sarah ont découvert l’histoire de leurs aïeux avec leurs cours de lycée sur la guerre d’Algérie. Un sujet souvent tabou dans les familles et que l’école peine à faire émerger.

par Nina Jackowski

publié le 9 janvier 2022 à 19h04
 

«Madame, les harkis, ce sont des vendus ?» Il peut être difficile d’être descendant de ces ex-supplétifs algériens enrôlés dans l’armée française pendant la guerre (1954-1962). Elève en classe de terminale professionnelle au lycée Maurice-Genevoix de Marignane, près de Marseille, Salim, 16 ans, n’en démord pas : «Moi, mon grand-père, il était du côté du FLN [Front de libération nationale, ndlr]. Et il m’a dit que les harkis, c’est des traîtres.» Seul Enzo, survêt bleu électrique, baskets acier, ose le contredire. «Ton grand-père, il aurait pu être du côté des harkis, tu sais pas frérot !» Valérie Durey, leur professeure d’histoire-géo, vingt-cinq ans devant le tableau, confirme que ce chapitre sur le conflit est toujours «difficile à aborder».

«Cette histoire est totalement méconnue des Français», soutenait le 18 novembre à l’Assemblée la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants, Geneviève Darrieussecq. Elle précisait travailler avec le ministre de l’Education nationale pour «sensibiliser davantage les professeurs […] afin qu’ils puissent transmettre cette histoire à leurs élèves», lors de l’examen du projet de loi de «reconnaissance et de réparation» envers les harkis. Mercredi, la commission des affaires sociales du Sénat se penchera dessus à son tour.

 

«A l’école, le sujet est très douloureux, et des idées tronquées restent», remarque la rapporteure Patricia Mirallès, députée LREM de l’Hérault, pointant une crainte ressentie par les enseignants depuis l’assassinat de Samuel Paty. Parmi une vingtaine de lycées contactés, seul celui de Marignane, et son rectorat, a accepté de nous recevoir en mars. Valérie Durey encourage ses élèves à s’exprimer. «Il faut lever les tabous en enseignant toute l’histoire», souffle-t-elle. «Vous n’êtes pas d’accord, c’est normal, mais parlez. Même si chez vous, il y a des morts, de la souffrance.» Ou des silences. «Mon grand-père m’a raconté tous ses combats, commence Salim, fier. “J’ai défendu l’Algérie ici, là…”» Enzo réfléchit à voix haute. «Moi, je sais que je suis français et algérien. Mais c’est tout. Il faut que je demande à ma famille.»

«En paix avec l’héritage»

Yanis, étudiant en langue et culture berbère, a toujours imaginé que son grand-père, aujourd’hui décédé, avait combattu côté algérien. Il a maintenant 24 ans, et sourit par-dessus sa courte barbe. «Mon grand-père était harki et je l’ai découvert grâce à l’école, lâche-t-il. Je ne sais pas si c’était une honte, mais dans ma famille, tous étaient restés silencieux.» En classe de première, il se passionne pour le chapitre sur le conflit. Cogite. Et finit par questionner son père. «Ce cours a été un déclencheur. J’avais besoin de creuser.» S’il baigne dans la culture kabyle avec la cuisine et les arts, Yanis s’est toujours senti à part. Des «zones de flou» ? Plutôt des «trous béants» dans son identité. L’étudiant tombe dans une «boulimie de culture» et ingurgite quantité d’auteurs maghrébins. «Je voulais en apprendre le plus possible sur mon pays d’origine que je n’ai jamais vu», se souvient-il.

Sa mère apprend que Libération l’interroge sur sa famille. Il est temps. Elle lui confie avoir caché l’origine de son mari à son propre paternel, combattant du FLN, pour pouvoir se marier. «Il a fallu tellement de temps à ton père pour être en paix avec cet héritage», admet-elle. Son fils : «Papa est dans le rejet, ok. Mais moi, comme immigré de troisième génération, j’ai un pied dedans et l’autre en lévitation.» Yanis s’est juré de se rendre à Imellahen, en Kabylie, sur les traces de son aïeul, rapatrié en France dans les années 60.

«Culture du secret»

Marine (1) est très proche de son grand-père. L’étudiante en communication de 21 ans, boucles aux oreilles, anneaux au nez, s’est même fait tatouer son surnom au-dessus de son cœur : «Mon chéri». L’homme de 86 ans ne lui a jamais raconté son histoire. Celle du jour où des soldats français ont toqué à sa porte, dans le village de Biskra, pour l’enrôler dans l’armée. «C’est la culture du secret. Je suis sa petite-fille, il ne va pas me raconter tout ce qu’il a vécu», souffle la jeune femme.

C’est en classe que l’adolescente a vu sa curiosité aiguisée par son professeur d’histoire-géographie, lorsqu’elle étudiait au lycée Léonard de Vinci de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) il y a quelques années. Elle poursuit sa quête chez elle, à la maison, et retrouve un livre de témoignages dans lequel son oncle a raconté l’histoire de son grand-père qui ne sait ni lire ni écrire, rapatrié dans les années 60. Le thème tombe au baccalauréat. A la sortie des épreuves, la jeune fille l’appelle. «Papi, j’ai écrit sur toi !» A l’autre bout du fil, elle entend juste un rire.

A la fin de l’année scolaire, Marine offre le livre à son enseignant. «C’est précieux pour un prof», s’émeut Samuel André-Bercovici. Il met un point d’honneur à enseigner ce chapitre. Avant la réforme des programmes scolaires de 2019, les professeurs avaient le choix entre les mémoires de la Seconde Guerre mondiale et celles de la guerre d’Algérie. Résultat : 80 % faisaient l’impasse sur le conflit colonial, d’après les recherches du docteur en histoire contemporaine Sébastien Ledoux. Si le thème est devenu obligatoire, le fond du problème ne bouge pas. «L’enseignant a la liberté de choisir le temps consacré à ce chapitre», précise l’historien.

«ADN de guerre»

«Dégoût» : c’est le premier sentiment que Sarah, 28 ans, a éprouvé envers la France en découvrant l’histoire de son grand-père, sergent-chef dans l’armée française pendant la guerre. Traumatisé, ce dernier a fini par trouver un exutoire dans l’alcool, mixé à la violence. Au collège, à Clermont-Ferrand, une camarade de classe de Sarah crache sur la «trahison» de ses ancêtres. Plus tard, à Sciences-Po, les insultes reviennent. Sa grand-mère lui livre un autre récit, celui d’un exil amer. «J’étais en colère, dit Sarah. Comme si cet ADN de guerre était en moi. J’ai détesté l’Etat français d’avoir abandonné ma famille.»

Obsédée par le conflit, la jeune femme tente de «[se] soigner» en creusant le sujet. Elle consacre son projet d’étude à analyser comment la guerre d’Algérie est enseignée dans les programmes scolaires. Rien n’y fait. «Je détestais mon histoire, comme si j’étais comptable des actions passées. Je préférais être d’une autre origine que harki. C’était une identité qu’on m’avait attribuée sans que je n’aie rien demandé.» Avec le temps, son conflit de mémoire s’est apaisé. Il l’a même forgée. «Aujourd’hui, je suis très fière de mes origines et je veux travailler pour l’Etat», sourit-elle. Sarah voudrait que chacun connaisse son histoire, ses nuances. Et ne rejoue pas l’affrontement. Comme les lycéens de Marignane : Enzo et Salim. Le cours s’achève dans les rires. Valérie Durey glisse à sa collègue : «Ma plus grande victoire, c’est que Salim ait lâché : “Finalement, peut-être que les harkis ne sont pas des traîtres.”»

(1) Le prénom a été changé

 
 

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https://www.liberation.fr/societe/education/la-guerre-dindependance-algerienne-sujet-sensible-a-lecole-de-part-et-dautre-20220827_GDBT43NRYFDUJB5CBZU57NCTXA/?redirected=1

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Guerre d'Algérie (1954-1962), un conflit historiquedossier
Enseigné au collège et au lycée en France, et tout au long de la scolarité en Algérie, le conflit fait toujours l’objet d’une attention particulière de la part des professeurs d’histoire.

par Violette Vauloup et Rania Hamdi, (à Alger)

publié le 27 août 2022 à 11h51
 

Deux heures de cours en terminale dans les lycées français, contre la moitié du manuel d’histoire en Algérie : de part et d’autre de la Méditerranée, l’enseignement de la guerre d’indépendance est évidemment asymétrique. Et toujours extrêmement sensible, soixante ans après la signature des accords d’Evian. Pas pour les mêmes raisons, toutefois, dans les classes françaises et algériennes.

Côté français, «on ne retrouve pas l’importance qu’a eue l’Algérie pour la France dans les programmes scolaires», estime Kamel Chabane, professeur d’histoire dans un collège parisien. De l’installation d’un million de colons européens dans ces trois départements français, au retour de Charles de Gaulle au pouvoir en passant par la fin de la IVe République, les histoires nationales algériennes et françaises sont intimement liées. Le sujet est «majeur», rappelle Christophe Cousseau, qui enseigne l’histoire depuis trente-cinq ans dans un lycée de Vendée.

 

Pourtant, un élève peut traverser le collège sans entendre parler de l’Algérie si son professeur ne choisit pas d’illustrer les thèmes de «la conquête et la colonisation» (en quatrième) puis de «l’indépendance et la construction de nouveaux Etats» (en troisième), par l’occupation du territoire algérien ou la guerre d’indépendance qui s’est étirée de 1954 à 1962. Il faut attendre le lycée pour que l’étude de la colonisation (en première) et de la décolonisation de l’Algérie (en terminale) ne devienne obligatoire. Le nombre d’heures passé sur la question varie selon les professeurs, qui peuvent choisir de s’attarder ou d’évacuer le sujet. En général, en terminale, «pour les élèves qui choisissent la spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, on parle de la guerre d’Algérie environ six heures par an et on aborde les mémoires, on va au-delà des simples faits. Mais dans le tronc commun, qui concerne l’immense majorité des élèves, ça ne représente que deux heures, alors forcément l’approche est superficielle», regrette Christophe Cousseau.

Un intérêt des élèves «sans commune mesure»

Pourtant, l’intérêt des élèves pour le sujet est «sans commune mesure avec n’importe quel autre», assure l’enseignant. «En début d’année, il y a toujours une main levée pour demander quand est-ce qu’on verra la guerre d’Algérie», confirme Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie dans un collège à Saint-Denis. Dans son rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, rendu en janvier 2021, l’historien Benjamin Stora estimait qu’en France, plus de sept millions de personnes sont concernées par la mémoire de l’Algérie.

Parmi elles, il faut compter les enfants issus de l’immigration algérienne, descendants de harkis ou de combattants du FLN. Mais aussi ceux dont les grands-parents ont été appelés pour combattre du côté de l’armée française. «Pour certains élèves, c’est peut-être la seule fois qu’on parle d’eux, de ce qu’ils ont entendu parler en famille», souligne Iannis Roder. Et puis ce sont des références communes, liées à une actualité plus ou moins récente, qui attisent la curiosité des adolescents, comme «le match de foot France-Algérie, en 2001, [interrompu après l’envahissement de la pelouse par des supporteurs algériens, ndlr] dont les élèves parlent tous les ans», illustre Christophe Cousseau.

Enseigner pour tourner la page

«Aucun sujet n’est facile à aborder, mais comme celui-ci est particulièrement sensible, il faut un bagage de connaissances scientifiques très solide pour le traiter avec confiance et pouvoir déminer les stéréotypes que peuvent avoir les élèves», explique Kamel Chabane. Parmi ces représentations, l’idée, par exemple, que les harkis sont des «traîtres». Car la guerre sous-tend, encore aujourd’hui, des questionnements liés à l’identité, notamment chez les plus jeunes, héritiers d’une situation traumatisante qui se transmet de génération en génération. Pour déminer les stéréotypes, «rien de plus efficace que de confronter les enfants à des destins individuels. En faisant venir des anciens combattants, en montrant des photos ou des lettres, on arrive à leur faire comprendre que les prises de position s’ancraient dans un contexte particulier et ils finissent par saisir la complexité de la situation», raconte l’enseignant.

Mais faute de connaissances suffisantes, certains sujets restent tabou. Il y a une trentaine d’années, Christophe Cousseau parlait peu de la torture à ses élèves. «J’y allais piano, avec peu d’audace. Et puis il y a eu les confessions [du général] Aussaresses [en 2000, ndlr] et des travaux d’historiens. Aujourd’hui, c’est facile d’en parler», assure-t-il. Pour l’historien Benoît Falaize, certaines notions, comme le racisme colonial, restent méconnues des enseignants. «On n’en parle quasiment pas et c’est un sujet sensible car il renvoie à des phénomènes de discrimination que les élèves peuvent ressentir», souligne le chercheur.

Galerie de portraits des martyrs

En Algérie, en revanche, la guerre de libération nationale est omniprésente dans le cursus scolaire. Dès la première année d’école primaire, l’élève apprend par cœur la date de déclenchement de la guerre de libération nationale. A partir de la troisième année, l’histoire commence à être enseignée en tant que matière. La guerre est abordée dès l’année suivante, dans la classe des 9-10 ans. Près de la moitié du livre d’histoire lui est consacrée. L’apprentissage est d’abord focalisé sur la période de la colonisation (1830-1962), l’appropriation des terres, les violences et les discriminations dont sont victimes les Algériens. Les chapitres suivants portent sur les insurrections, essentiellement celles de l’émir Abdelkader et de Mokrani (1871) ; le massacre du 8 mai 1945 de Sétif, Guelma et Kherrata ; le congrès de la Soummam en 1956, qui va structurer la révolution algérienne ; les accords d’Evian et enfin l’indépendance. L’annexe du manuel est une galerie de portraits des martyrs de la révolution.

A la fin du cycle secondaire, la séquence de la préparation du déclenchement de la guerre de libération en 1954 est à nouveau abordée, en insistant cette fois sur le réseau de soutien international du FLN. Certaines figures historiques de l’indépendance considérées comme dissidentes et qui avaient été effacées des manuels, comme Messali Hadj, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella ou Krim Belgacem, ont refait surface à partir des années 90.

«Au temps de Boumediene, il était interdit au professeur d’histoire de parler de Messali Hadj ou de Ben Bella, rappelle Mohand Arezki Ferrad, historien et ancien député du Front des forces socialistes, vieux parti d’opposition. L’occultation de certains faits controversés était justifiée par le souci de préserver la cohésion sociale.» Encore aujourd’hui, «les problèmes survenus durant la guerre de libération ne doivent pas être enseignés au primaire ni au collège, mais seulement les grandes lignes honorables», reconnaît l’historien. «Bien entendu des vides et lacunes subsistent dans les manuels scolaires, dit-il. Mais le but de la révolution était de retrouver la souveraineté. Elle est synonyme d’unité nationale et reste sacralisée.»

 
 
 

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https://www.liberation.fr/livres/2017/11/03/le-don-de-l-amour-correspondance-de-casares-et-camus_1607713/

Le don de l’amour : correspondance de Casarès et Camus

par Frédérique Roussel

publié le 3 novembre 2017 à 18h36
 

C'est un fabuleux paquet de lettres serrées les unes contre les autres : 865 au total avec les télégrammes et les bristols, datés de juin 1944 au 30 décembre 1959. Il y en a parfois deux par jour. Certaines ont été commencées le matin et achevées le soir. S'il y a des jours sans, c'est parce que la distance rend aléatoire l'arrivée du courrier. Ou alors que c'est dimanche. Ou que ces deux-là sont ensemble. La correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès, publiée ces jours-ci, éclate au grand jour après presque soixante ans sous le boisseau. Elle raconte leur intense relation amoureuse, à travers la simple vivacité du récit quotidien. Elle dessine l'évolution parallèle de leur carrière, pour laquelle ils se sont constamment soutenus : elle deviendra une des plus grandes tragédiennes de son temps, lui un écrivain célèbre et nobelisé. L'amour entre ces deux exilés, la Galicienne et l'Algérien, fut parfois tendu et douloureux, victime de sa clandestinité obligatoire et du manque de temps de sa jouissance. Peut-être aussi que son déploiement alternatif l'aura fait durer. Etrange destin, dira Maria Casarès, qui se voyait avec Albert Camus comme les trapézistes qui travaillent sans filet. «Là-haut, toujours là-haut, toujours tendus, accrochés l'un à l'autre, tenus par l'autre, et en bas, le gouffre.»

La liaison entre l'écrivain et l'actrice est connue. Le 19 mars 1944, ils se rencontrent chez Michel Leiris lors de la représentation du Désir attrapé par la queue de Pablo Picasso. Albert Camus vit à Paris depuis octobre 1942 ; son épouse Francine, institutrice à Oran, n'a pas pu le rejoindre en raison de l'occupation de la zone sud par les Allemands. Il vit dans un studio rue Vaneau qu'il loue à André Gide. Maria Casarès, 22 ans, habite à Paris en exil depuis fin 1936 avec sa mère et son père, Santiago Casares Quiroga, ancien Premier ministre de la République espagnole. Passée par le cours Simon et le Conservatoire d'art dramatique, cette brune mince et piquante s'est déjà fait remarquer avec le premier rôle dans Deirdre des douleurs que Marcel Herrand, grand découvreur de talents, a repris au Théâtre des Mathurins en 1942. Il choisit de nouveau la jeune femme pour incarner Martha dans le Malentendu d'Albert Camus. Le 5 juin 1944, trois semaines avant la générale, le bel écrivain aux yeux clairs emmène Maria à une soirée organisée par Sartre et Beauvoir chez le metteur en scène Charles Dullin rue de la Tour-d'Auvergne. Maria «portait une robe de Rochas à rayures violettes et mauves, elle avait tiré en arrière ses cheveux noirs ; un rire un peu strident découvrait par saccades ses jeunes dents blanches, elle était très belle» (Simone de Beauvoir, la Force de l'âge). Le jour même du D-Day, le 6 juin 1944, Albert et Maria deviennent amants.

 

Les quelques lettres de cette année 1944 sonnent comme un monologue : il n'y a plus que celles écrites par Albert Camus, qui signe du nom de Michel. Il supplie Maria de le rejoindre à Verdelot, où il s'est réfugié chez Brice Parain après la dénonciation du réseau Combat. Il dit se sentir «seul et désert». «Tu ne t'es pas rendu compte que tout d'un coup j'ai concentré sur un seul être une force de passion qu'auparavant je déversais un peu partout, au hasard, et à toutes les occasions» (17 juillet 1944). Elle ne viendra pas. Et en octobre 1944, c'est la rupture. Maria Casarès a tranché dans le vif, au moment du retour de Francine Camus à Paris.

Donne inchangée

Après ce bref prologue amoureux, le lien se renoue quatre ans plus tard. Un 6 juin encore, en 1948, ils se croisent par hasard boulevard Saint-Germain. «Pourquoi le destin nous aurait-il mis l'un en face de l'autre une fois ? Pourquoi nous aurait-il réunis de nouveau ? Pourquoi cette nouvelle rencontre au moment où il fallait ?» s'interroge Maria Casarès (16 août 1949). La donne n'a pas changé. L'auteur, qui vient de connaître un succès littéraire avec la Peste paru chez Gallimard le 10 juin 1947, vit à Paris avec Francine et ses jumeaux nés en 1945, Catherine et Jean. La comédienne se sépare de son dernier amant, Jean Bleynie. Tous deux ont décidé de rester ensemble malgré tout. «Oui, il est bien vrai que nous revenons l'un à l'autre, plus vrais et plus profonds peut-être que nous ne l'étions. Nous étions trop jeunes (moi aussi, vois-tu) et nous ne sommes pas trop vieux pour tirer profit de ce que nous savons : cela est merveilleux» (Albert Camus, 21 août 1948). Selon lui, l'amour d'orgueil a échoué, les voilà embarqués dans l'amour-don.

Après la passion des retrouvailles, les deux amants ont parfois du mal à gérer cet «amour si déchiré qui nous est imposé». « J'ai rêvé d'une vie avec toi et je te jure que cela me coûte d'y renoncer, mais justement parce que cela m'est si pénible tu dois me croire» (Maria Casarès, le 18 juillet 1949). Ne supportant pas la situation, elle lui fait parfois des scènes dont transparaissent les blessures au détour de phrases. Lui-même confesse avoir du mal avec la dissimulation. «J'étouffe littéralement. Des phrases de toi qui me poursuivent encore, l'angoisse du départ, le mensonge surtout - car c'est une vie mensongère que celle-ci et je voudrais crier, quelque fois», lui écrit-il le 26 juin 1949, alors qu'ils viennent de se séparer pour deux mois, car l'écrivain donne une série de conférences en Amérique du Sud. Parfois, il évoque sa vie familiale, la «neurasthénie» de Francine et ses enfants. Parfois, elle le questionne délicatement, sans trop insister.

La passion du théâtre les lie. Après Martha dans le Malentendu, puis Victoria dans l'Etat de siège en 1944, Maria incarne Dora dans la pièce suivante de Camus, les Justes, créée au théâtre Hébertot le 15 décembre 1949, quelques semaines après le tournage d'Orphée de Jean Cocteau où elle joue la mort, «l'entité» comme elle dit. L'année où sont donnés les Justes, elle livre la température des représentations à Albert, avec franchise et humour. Pendant quinze ans, elle ne cessera de lui chroniquer la vie théâtrale, ses rencontres, ses tournées. Rapidement, après quelques années où elle fait beaucoup d'enregistrements à la radio qui la «dépannent considérablement» (financièrement), elle enchaîne les rôles, travaille à la Comédie-Française, puis au TNP de Jean Vilar. Ses lettres, enjouées en diable, lucides sur les coulisses de cet univers un peu mondain, parfois cruel, font revivre toute une époque, Gérard Philipe, Barrault-Renaud, Michel Bouquet, Pierre Reynal (le «triton»)… La distribution ressemble à un défilé sans fin et a été minutieusement reconstituée dans les notes de bas de page grâce à un travail de bénédictin. Maria sacrifie parfois aux cancans pour distraire son dulciné : Simone Valère qui quitte son mari pour vivre avec Jean Desailly, Simone Signoret qui a avorté («J'ai vu Montand bien déçu et bien cafardeux»), Gérard Philipe qui saque un jeune comédien… Devenue adulée, toujours par monts et par vaux en tournée à travers le monde, l'URSS, les Etats-Unis, l'Amérique du Sud, l'Algérie chère à Camus, l'actrice détaille ses tribulations à son destinataire chéri quand elle a un peu de temps, puis de moins en moins, parfois par cartes postales et télégrammes.

Son engagement sur les planches est total. Elle a une lucidité de tous les instants sur ses interprétations et le dit quand elle pense qu'elle a «joué comme un ange». Ainsi de Dora, dans les Justes : «Je lui donne tout et elle y est pour beaucoup dans mon hébétude. Elle me pompe, elle me vide ; elle le sait aussi et elle m'aime. C'est ma meilleure amie.» Rarement, toutes ces années, elle se départ de son humour. «Public chaud, parfois, enrhumé. Ce soir, j'ai failli quitter la scène pour offrir à un monsieur de premier rang des pastilles Valda, un mouchoir pour étouffer sa toux ou bien deux places pour revenir une autre fois, quand il irait mieux. Je me suis retenue» (7 janvier 1950). Tous deux débattent du potentiel remplaçant de Serge Reggiani, pris par un film. Ce sera Jacques Torrens, qui déplaît aux autres. «Tout risque de finir dans le sang.» Camus refuse de dédicacer la pièce à Jacques Hébertot qui le lui demande. Claudel dans le même cas, fait remarquer perfidement Casarès, a fini par monnayer sa dédicace.

Nouvelle cure

L'année 1950 apparaît comme une acmé. Ils se verront peu, s'écriront assidûment. Albert Camus souffre de tuberculose, comme le père de Maria, qui meurt le 17 février. La voilà désormais orpheline. L'écrivain part en janvier pour trois mois se soigner à Cabris, près de Grasse, avec son épouse dans une maison prêtée par Pierre Herbart, romancier ami de Gide. «Moi, je suis l'amoureux couché, enchaîné, avec son vautour diurne et nocturne» (9 janvier 1950). Il se concentre sur son essai l'Homme révolté, lit le matin, rédige l'après-midi. Il aura travaillé, note-t-il un an plus tard, «comme un fou sur ce livre». Leurs retrouvailles fin mars sont de courte durée. Toujours malade, Camus repart pour une nouvelle cure. Le désespoir de l'attente frustrée enflamme les lettres de l'actrice.

Sans doute plus qu'il ne l'a jamais fait, Albert Camus se laisse aller à des confidences sur ses angoisses et ses doutes, loin de son image publique et de la rhétorique de ses textes politiques, réédités ces jours-ci (1). Une forme de hiatus que Simone de Beauvoir avait ressenti, comme le rapporte Herbert R. Lottman dans sa biographie (2) : «La vérité, telle que l'entrevit Beauvoir, c'était qu'il existait chez Camus "un fossé plus profond que chez beaucoup d'autres entre sa vie et son œuvre". […] Camus lui-même, concluait-elle, savait que son image publique ne coïncidait pas avec sa vérité personnelle.» Albert Camus se plaint auprès de Maria de sa soudaine insensibilité. «Et je me sens couler sur une pente que je connais bien au bout de laquelle je retrouverai la solitude absolue, le dégoût de vivre et l'incapacité de voir un visage humain» (15 janvier 1950). En décembre 1952, il se rend en Algérie, à Oran «qui décidément sent l'Espagne à plein nez», voit sa mère et son frère, va à Tipasa puis part en périple dans le sud du pays. Après l'exaltation du voyage, il flanche. «Bien sûr, je n'espérais pas tout régler en partant. On ne résout pas les problèmes en leur tournant le dos. Mais on peut aller recueillir un peu de forces, retrouver une élasticité. Ensuite, on revient au combat. De ce point de vue, je crois avoir retrouvé une partie de mes forces. Mais je me retrouve maintenant vers les problèmes qui se posent à moi, comme écrivain, et en général comme homme, et leur immensité m'angoisse un peu. Comme toujours en pareil cas, je me sens dépassé, insuffisant» (23 décembre 1952).

Eternelle exilée

Quand elle le sent mollir, Maria le morigène et le pousse gentiment. S'il lui arrive à elle aussi de faiblir, son goût pour l'action prend vite le dessus. Les souvenirs du fracas de la guerre civile vécue à 13 ans à Madrid l'assaillent parfois. «Maintenant je vois et j'entends les cris du monde qui hurle. Personne autour de moi pour me raisonner.» Comme la hantise de n'être qu'une éternelle exilée, sans patrie pour s'y attacher jusqu'à la fin (3). La plupart du temps, Maria Casarès mène sa vie quotidienne tambour battant. Elle travaille d'arrache-pied ses textes («ce brasier magique qu'est le théâtre»), tout en régentant avec attention sa vie personnelle, indispensable à son équilibre. Elle soigne le décor de son appartement du 148, rue de Vaugirard qui domine les toits de Paris, son «pigeonnier». Elle relate ses achats de plantes pour son balcon ou de meubles pour son intérieur. «Je t'écris, assise à mon écritoire, dans ma chambre jaune et rouge qu'on pourrait appeler dorénavant, si tu y consens, la serre. Elle est, en effet, remplie de fleurs, de plantes et de fruits.» (25 février 1951) Elle liste son emploi du temps, les jolies tenues qu'elle s'achète, les pièces à voir absolument. Elle connaît ses ressources : «Le goût, la passion de la vie se suffisent à eux-mêmes, et les animaux comme moi qui ne sont faits que de vitalité mettront autant de cœur à retourner profondément un lopin de terre qu'à se débattre avec les mystères de la recréation en cherchant à donner vie au personnage de Chimène» (6 avril 1958).

La jalousie affleure entre les deux amoureux, excessivement sollicités. On s'étonne qu'il choisisse Catherine Sellers et pas son égérie pour le rôle de Temple Drake-Stevens dans Requiem pour une nonne (1956). Ce sera un crève-cœur pour Maria Casarès, qui n'en laisse pourtant rien paraître. On a beaucoup dit d'Albert Camus qu'il était un homme à femmes, et de fait il aura avec Catherine Sellers - repérée dans le rôle de Nina dans la Mouette mise en scène par André Barsacq à l'Atelier - une liaison amoureuse.

Lui décrit ses humeurs au gré de la météo et de la nature. Sa fameuse sensibilité revit quand sa chambre est inondée de soleil, elle dépérit aux jours gris. «Le temps a changé brusquement. Il pleut, un vent aigre s'est levé et la température s'est tout à coup refroidie. Les pauvres cyprès que je vois de mon lit sont chiffonnés et mouillés» (16 mars 1950). Elle lui rend compte sans détour des lectures qu'il lui conseille (le journal de Tolstoï, la correspondance de Dostoïevski, les Pâturages du ciel de Steinbeck, le Nègre du «Narcisse» de Joseph Conrad, les Grandes Espérances de Dickens, etc.) Elle lui dit avoir commencé l'Histoire des Treize de Balzac, un Hemingway et les mémoires du cardinal de Retz : «Je ne vois vraiment pas en quoi les aventures et les mésaventures de ce monsieur peuvent passionner qui que ce soit.» Il l'écoute car il reconnaît chez elle une lucidité sans fard : «Je suis content que tu lises le Curé de village, lui répond-il, le 21 août 1948. C'est le livre de Balzac que je préfère : la vraie grandeur. Quand à Retz, ce que tu m'as dit m'a fait réfléchir. […] Ta réaction directe me pousse à le relire. Un raté ! C'est bien possible. Hemingway ? C'est bien fait pour toi. Pourquoi lire ces truqueurs sans génie ?»

Dès 1949, Albert Camus lui a parlé de son projet de roman qui «réécrirait l'Envers et l'Endroit», son essai paru en 1937. Il n'entreprendra la rédaction du Premier Homme, qu'il considère comme son Guerre et Paix, que dix ans plus tard. Le 18 octobre 1953, il lui raconte s'être relevé à 4 heures pour travailler. «Devine quoi ? au plan de mon futur roman.» Le Premier Homme, resté inachevé à sa mort, le 4 janvier 1960 dans un accident de voiture avec son ami Michel Gallimard, sera publié par sa fille en 1994.

Cette correspondance, gonflée d'un amour irradiant, transporte jusqu'au bout. «Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger simplement parce qu'ils ont existé», écrit Catherine Camus dans son avant-propos. Ces deux âmes qui se sont idéalement trouvées avaient compris que c'était à la vie à la mort. «Il y a bien longtemps que je ne lutte plus contre toi et que je sais, quoi qu'il arrive, que nous vivrons et mourrons ensemble», écrit Maria à son cher amour le 17 octobre 1956. L'ultime missive de cet échange exceptionnel, signée d'Albert à sa «superbe» est datée du 30 décembre 1959. Tombe alors un silence à pleurer.

(1) Conférences et discours, 1936-1958, Folio, 384 pp., 7,70 €.

(2) Albert Camus d’Herbert R. Lottman, traduit de l’américain par Marianne Véron, Le Seuil, 1978.

(3) Maria Casarès achète le manoir de La Vergne à Alloue (Charente) en 1961, qu'elle a légué à sa mort en 1996 à la commune «pour remercier la France de continuer à accueillir les étrangers comme [elle l'a] été».

 
 
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