INTERVIEW - Pour Hervé Morin, président du conseil régional de Normandie, il faut mettre hors d'état de nuire tous ceux qui sont potentiellement dangereux. Rendre pénalement responsables les réseaux sociaux qui laissent circuler de la propagande djihadiste, et lancer des procédures judiciaires sur tous ceux qui consultent ces sites.


LE FIGARO. - Connaissiez-vous le père Jacques Hamel, le prêtre égorgé mardi matin?

Hervé MORIN. - Pas directement, mais des amis élus de Saint-Étienne-du-Rouvray m'en parlaient comme d'un saint homme, qui avait toujours un mot gentil pour tout le monde. Sur les lieux, un adjoint au maire communiste qui était particulièrement triste me disait à quel point il était aimé dans le quartier.

Cette commune abrite-t-elle des foyers d'islamisme?

C'est une ville avec des quartiers défavorisés, mais la Normandie n'est pas la terre où les phénomènes de radicalisation sont les plus forts. Il y aurait autour de 80 fichés S en Seine-Maritime. Malheureusement, c'est largement assez pour qu'émergent la violence et la barbarie.

Tous les fichés S soupçonnés de lien avec le terrorisme doivent-ils être soumis à des mesures de rétention administrative?

La France a vécu en paix pendant des décennies. Elle vit une grande période de tourmente qui va durer. Il ne faut pas hésiter à s'inspirer de ce qui a été fait dans les pays durement frappés par le terrorisme - je pense notamment à Israël. Il nous faut «israéliser» notre sécurité.

C'est-à-dire, concrètement?

Mettre hors d'état de nuire tous ceux qui sont potentiellement dangereux. Rendre pénalement responsables les réseaux sociaux comme Facebook et consorts qui laissent circuler de la propagande djihadiste, faire en sorte que des procédures judiciaires soient lancées à l'encontre de tous les individus qui consultent ces sites et de tous ceux qui reviennent de terres de djihad.

La pénalisation de l'hébergement des sites djihadistes mise à part, ces mesures ne sont-elles pas déjà en application?

Non, pas systématiquement et depuis pas assez longtemps. Mais je n'ai pas envie d'entrer dans une quelconque polémique. Dire suffit, après chaque Français tirera les conséquences de ce qui aura été fait ou pas.

Le Parlement doit-il siéger cet été pour adopter de nouvelles mesures, comme le demande Éric Ciotti?

Je ne suis plus parlementaire, mais si c'est nécessaire, oui, bien sûr. La rétention administrative doit être mise en œuvre à chaque fois que c'est utile. Je suis également favorable à l'expulsion des étrangers après un certain nombre de condamnations, et à une plus large application de la double peine, motivée par le juge bien sûr.

Finalement, vous êtes d'accord avec Nicolas Sarkozy quand il demande d'arrêter les «arguties juridiques»?

Les risques de fragmentation de la société sont trop graves pour que l'on ne réagisse pas à l'enchaînement des actes terroristes. Sinon, tout cela risque de finir en guerre civile.

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 27/07/2016. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

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Par Judith Waintraub .... FIGARO PREMIUM Mis à jour le 26/07/2016 à 19h24 | Publié le 26/07/2016 à 19h11

 

 


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Lutte antiterroriste: le modèle israélien  >>>>>>>>

Face aux risques terroristes et depuis sa création, le pays vit sous le régime de l'état d'urgence qui autorise les détentions administratives. En plus d'une armée en alerte, de vigiles et de policiers, 200.000 civils jouissent d'un port d'arme et les réseaux sociaux sont aussi surveillés.

Dans la lutte antiterroriste, Israël tend à se présenter comme un modèle. L'État hébreu est aussi confronté à la menace de «loups solitaires»: la plupart des auteurs d'attentats, qui ont tué 34 Israéliens en dix mois, ne sont pas membres d'une organisation qu'il est possible d'infiltrer. Il s'agit de Palestiniens, hommes et femmes, qui tuent avec un couteau, une voiture-bélier et plus rarement des armes à feu. Leurs motivations sont variées: par idéologie, pour se suicider à la suite d'un conflit familial ou d'une déception sentimentale. Bref, un nouvel ennemi imprévisible.

Face à cette menace, les services de sécurité, pris au début par surprise, ont réagi. Les réseaux sociaux, en particulier Facebook, ont été placés sous très haute surveillance pour repérer les messages suspects. Israël, considéré comme une superpuissance pour le cyberespace, a mobilisé ses cerveaux civils et militaires pour tenter de trouver les algorithmes permettant d'établir des profils d'individus jugés «dangereux» sur les réseaux sociaux. Mais cette surveillance n'a rien d'une sinécure: 1 million de Palestiniens de 16 à 30 ans entrent dans la catégorie «à risques».

Port d'arme

Sur le terrain, les stations d'autobus ont été entourées de blocs de béton pour dévier des voitures-béliers. Mais la vigilance de la population est un atout décisif. Les voyageurs sont sur le qui-vive pour dénoncer tout comportement «suspect». Une armée de soldats, de vigiles, de policiers et 200.000 civils jouissant d'un port d'arme - l'équivalent de 2 millions de personnes à l'échelle française - quadrillent les villes.

Sur le front juridique, Israël n'a pas non plus lésiné.

Sur le front juridique, Israël n'a pas non plus lésiné. Depuis sa création, le pays vit sous le régime de l'état d'urgence, qui autorise les détentions administratives. Cette mesure, dénoncée comme arbitraire par les organisations de défense des droits de l'homme, permet d'incarcérer des suspects palestiniens pour une période allant jusqu'à six mois renouvelables sans inculpation. Les autorités détruisent aussi les maisons des auteurs d'attaques à titre de représailles, mais aussi pour dissuader d'autres apprentis terroristes et encourager leurs familles à livrer celui ou celle qui semble sur le point de commettre un attentat.

«Nous ne sommes pas forcément plus intelligents que les autres, mais nous avons une longue expérience dans la guerre antiterroriste et nous disposons de meilleurs outils», explique Arieh Amit, un ancien chef de la police à Jérusalem. Selon lui, un attentat comme celui de Nice n'aurait pas pu avoir lieu en Israël. Dans les cas de rassemblements importants, toutes les rues ou routes sont fermées avec des autobus ou des véhicules de pompiers placés en travers. «Même un policier de base comprend cela», explique-t-il, tout en admettant que «la sécurité à 100 % n'existe pas».

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 28/07/2016.



Morin s'arrange pour quitter l'Assemblée en évitant une législative partielle

LE SCAN POLITIQUE - Le nouveau président de la région Normandie devrait démissionner suffisamment tard pour empêcher une nouvelle élection dans sa circonscription.

C'est une manœuvre rondement menée. Élu président de la nouvelle grande région Normandie en décembre dernier, le député-maire UDI d'Épaignes (Eure), Hervé Morin, s'était engagé lors de la campagne à démissionner de l'Assemblée nationale en cas de victoire. S'il compte bien renoncer à son mandat, l'ex-ministre de la Défense va faire en sorte d'empêcher la tenue d'une élection intermédiaire, procédure normalement prévue pour le remplacer sur les bancs de l'hémicycle.

L'article LO178 du code électoral prévoit qu'il «n'est procédé à aucune élection partielle dans les douze mois qui précèdent l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale», soit juin 2017. Pour les élus qui démissionnent avant juin 2016, comme l'ont fait ces dernières semaines Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Christian Estrosi, respectivement élus présidents les Républicains (LR) des régions Île-de-France, Hauts-de-France - Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et Provence-Alpes-Côte d'Azur, une élection partielle a ou va être organisée.

Imbroglio

En janvier dernier, interrogé sur LCP, il s'était engagé à démissionner «en temps et en heure», avant juin, ajoutant faire «confiance» à ses électeurs pour que son camp «gagne» l'élection partielle à venir.

 

Mais Hervé Morin semble avoir depuis changé d'avis. «Je ne souhaitais pas provoquer une législative partielle. En effet, si j'avais démissionné en début d'année, j'aurais pris le risque, à travers un scrutin partiel, de faire entrer un nouvel élu FN ou de gauche à l'Assemblée nationale. Je pense que mon électorat peut comprendre mon cumul très provisoire des mandats», a-t-il annoncé au JDD ce jeudi. Une sortie dont s'est félicité son entourage jeudi matin, assurant qu'il «(assumait) parfaitement la démarche».

Contacté aussitôt, le groupe UDI à l'Assemblée n'était pourtant pas au courant de l'annonce faite par Hervé Morin dans son interview à l'hebdomadaire. Puis, Philippe Vigier, président du groupe UDI à l'Assemblée, s'est directement entretenu par téléphone avec l'ancien ministre. «Il m'a dit qu'il ne démissionnait pas pour l'instant, et je lui ai dit que nous avions besoin de lui», a-t-il raconté au Scan en début d'après-midi.

Son siège va rester vacant

À la suite de cette discussion, Hervé Morin est à son tour sorti du silence pour expliquer ne «jamais avoir changé de version» depuis janvier. «J'ai toujours dit la même chose. J'ai mon rythme, et c'est celui du Conseil d'État, dont mon avocat m'a dit qu'il ne rendrait pas sa décision avant juin», a-t-il expliqué, jurant toutefois qu'il ne «sera plus député d'ici à la fin de la mandature actuelle». Un argumentaire qui diffère de celui de son entourage, qui louait quelques heures plus tôt son «honnêteté à assumer les véritables raisons de son départ plutôt que de se servir des recours comme d'un prétexte pour faire blocage».

Conséquence inévitable de cette décision: son siège devrait rester vacant et l'Assemblée ne compter plus que 576 députés jusqu'aux prochaines législatives, qui se tiendront dans le courant du mois de juin 2017.


Le FN dénonce «un bras d'honneur à ses propres électeurs»

Interrogé sur les propos tenus dans le JDD par Hervé Morin, le secrétaire général du FN, Nicolas Bay - qui a affronté l'ancien ministre lors des élections régionales en Normandie - s'est montré très prompt à critiquer la démarche. «C'est incroyable», s'est-il d'abord étonné. «Il va geler sa circonscription et priver ses propres électeurs de toute représentation à l'Assemblée nationale. C'est un bras d'honneur pur et simple qu'il leur fait là», a sèchement taclé l'élu normand.