Quand la « blanche robe d’églises » recouvre l’Europe médiévale, les ouvriers des chantiers s’organisent en confréries, où l’on raconte que le métier de maçon existe depuis l’origine du monde. Retour sur l’histoire des premiers bâtisseurs, à l’occasion de la Nuit des cathédrales.

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Publié hier 14.05.22 à 09h00, mis à jour hier à 09h00

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Vers 1460, Jean Fouquet, peintre, enlumineur, proche des familiers de Charles VII (1403-1461) et plus tard portraitiste à la cour de Louis XI (1423-1483), illustre les Antiquités juives et la Guerre des Juifs de Flavius Josèphe (37-100). Dans une curieuse miniature, aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France à Paris, il dépeint le chantier du Temple de Jérusalem décrit dans Le Livre des Rois.

Salomon, reconnaissable à la couronne qui orne son front, installé sur une sorte de balcon, désigne l’édifice en construction à un homme placé en retrait – peut-être l’architecte du Temple, le mythique Hiram, qui reçoit les observations de son maître. En bas, une troupe brillante, sans doute constituée de conseillers et de courtisans, s’apprête à entrer dans le bâtiment.

Dans un joyeux désordre, des ouvriers taillent des pierres, sculptent des statues, préparent du mortier ou transportent des matériaux. Au sommet du Temple en construction, trois hommes achèvent de hisser de volumineux blocs à l’aide d’une grue en bois.

Ce tableau si exact et si vivant rappelle les nombreux chantiers d’églises, qui se multiplient à l’époque de Fouquet. Il est cependant plus singulier qu’il n’y paraît : il est supposé représenter un édifice bâti vingt-cinq siècles plus tôt. Or, le Temple de Jérusalem – qui devait plutôt ressembler à quelque sanctuaire égyptien – s’élève ici sous l’aspect d’une magnifique cathédrale du gothique flamboyant, dans le genre de celle de Notre-Dame-de-Cléry (Loiret).

On peut certes invoquer la méconnaissance de l’archéologie au temps de Fouquet. Mais il faut surtout comprendre que, pour les hommes du Moyen Age, la conscience historique, c’est-à-dire le sens de l’écoulement du temps, de la relativité des cultures et de l’évolution des mentalités, des usages, des mœurs et des représentations, n’existe pratiquement pas.

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Pour eux, seul compte le sens profond des choses – et particulièrement des choses sacrées, comme une église. Or, ce sens est pérenne, intangible, immuable : le Temple de Salomon, qui abrite dans l’obscurité du saint des saints l’arche d’alliance, où réside l’ombre solitaire du dieu d’Israël, n’est en fait pas très différent, à leurs yeux, d’une cathédrale du XVe siècle où trône, sous la lumière du tabernacle, près du chœur, l’ostensoir de la présence réelle du Seigneur.

 

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