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 Beaucoup de travaux éclairent le rôle majeur que les parents peuvent jouer pendant l'adolescence en favorisant les apprentissages qui seront utiles au jeune plus tard. Adobe Stock

 

PSYCHOLOGIE - Connaître les particularités de cette période permet de mieux soutenir les jeunes dans des changements parfois difficiles.

Les adolescents cherchent beaucoup plus l'approbation et l'acceptation de leurs parents que de leurs pairs. Ce résultat surprenant, issu d'une étude de 2021 qui montre un alignement entre l'activité cérébrale des enfants et celle des parents face à une situation donnée, vient s'ajouter à de nombreux travaux récents qui démontent de nombreux mythes sur les adolescents.

 

«On a longtemps considéré qu'ils étaient soit des grands enfants, soit des mini-adultes, indique le Pr Ludovic Gicquel, responsable du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHU de Poitiers. Les données actuelles montrent au contraire qu'il s'agit d'une période très spécifique où leur cerveau connaît les bouleversements développementaux les plus importants depuis leur naissance». Ces connaissances éclairent de plus en plus la prise en charge psychologique des adolescents qui ont du mal à traverser cette période. La majorité de ces observations ont également été faites chez de nombreux mammifères qui connaissent également une adolescence, avec un nombre de disputes accru avec leurs parents...

L'arrivée de l'IRM avait déjà permis de confirmer, dans le début des années 2000, qu'un véritable «élagage» se produisait dans le cerveau des adolescents, en particulier dans le lobe frontal, entre la puberté et 25 ans chez les humains. Les IRM fonctionnelles, qui permettent de voir le cerveau en fonctionnement, ont révélé que cette zone, où se trouve le siège des fonctions cognitives les plus élevées comme le contrôle rationnel des émotions ou le raisonnement abstrait, était en réalité la moins avancée dans la maturation qui se produit continuellement depuis l'enfance pour arriver au cerveau adulte.

Tout au long de l'adolescence, le lobe frontal perd une masse importante de matière grise, les neurones, remplacée par de la matière blanche, la myéline. Celle-ci permet de renforcer et d'accélérer les circuits synaptiques les plus fréquemment utilisés, probablement pour améliorer les compétences utiles à l'âge adulte. Elle fige néanmoins d'autres circuits et l'élagage se fait au détriment des compétences et capacités moins mobilisées. Les expériences que vivent les adolescents à ce moment-là peuvent donc être déterminantes pour leur avenir. Beaucoup de travaux éclairent ainsi le rôle majeur que les parents - et d'autres adultes - peuvent jouer à cette période très particulière en favorisant les apprentissages qui leur seront utiles plus tard.

Récompenser plutôt que râler

Ainsi, non, les adolescents ne deviennent pas soudainement sourds aux injonctions de leurs parents pour trouver une place auprès de leurs pairs mais, pour la première fois de leur vie, ils sont capables de prendre en compte les voix venues d'un autre groupe social que leur famille. Encore faut-il que la voix des parents soit audible, un véritable défi à l'heure actuelle avec le bruit de fond constant des réseaux sociaux sur internet.

D'autres travaux montrent, en parallèle, que le système limbique des adolescents - siège des émotions, par exemple - réagit très peu aux influx négatifs (comme la colère) mais se montre très sensible au renforcement positif, surtout lorsque la récompense est immédiate. Pas la peine, donc, de s'époumoner contre un adolescent mais offrir des récompenses (comme le droit de faire la fête ou d'inviter des ami(e)s) lorsque les devoirs sont faits ou que la chambre est rangée permet d'entretenir de bons apprentissages et de renforcer l'estime de soi. L'hyper-réactivité du système limbique démultiplie en outre les effets inhibiteurs du stress, du manque de sommeil ou encore des émotions fortes sur le fonctionnement du cortex préfrontal et donc des performances scolaires. Un enfant parfaitement à l'aise en classe en primaire peut, surtout entre 10 et 14 ans, se sentir «bête» et voir ses résultats scolaires diminuer - surtout s'il est soumis à une forte pression de réussite et encore plus si ses échecs déclenchent la colère ou la frustration des parents.

Il ne faut pas les protéger de tout, mais les laisser faire leurs expérimentations dans des limites de sécurité

Pr Ludovic Gicquel, responsable du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHU de Poitiers

Autre source d'inquiétude des pères et des mères, la fameuse impulsivité des ados, associée aux conduites à risque. Elle est en fait la conséquence d'un système dopaminergique - le circuit de la récompense - qui favorise le système limbique, plus mature et donc plus réactif chez le jeune que le cortex préfrontal, un peu mou pendant les travaux de ravalement... Chaque stimulation excitante est ressentie plus fort et fournit une récompense instantanée très puissante, qui encourage à chercher à nouveau ces sensations, particulièrement intenses si elles sont associées à la perception d'un interdit. Ces stimulations peuvent être encouragées en limitant le danger, à la fois sur le plan physique et mental.

Une éducation sexuelle complète et ouverte, abordant autant la sécurité sanitaire que mentale, leur permet ainsi de faire - ou pas - leurs premières expériences sexuelles sans se mettre en danger. Pratiquer un sport «à risque» dans un cadre sécurisé, participer à des compétitions à fort enjeu (sportives, artistiques ou intellectuelles) ou même s'engager dans des associations militant pour des valeurs fortes permet de répondre à ce besoin de sensations inhérent au cerveau adolescent. «Il ne faut pas les protéger de tout, mais les laisser faire leurs expérimentations dans des limites de sécurité, sans oublier qu'on ne choisit pas ses émotions ou un attrait pour la transgression», souligne le Pr Gicquel.



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