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Combinaison en agneau clouté et perlé, Hermès. Ensemble de bracelets Serpenti Viper, en or rose, en or blanc, et joncs B.zero1. en or rose et céramique et or jaune et diamants, l'ensemble Bulgari Anton Corbijn

Chanteuse sensible, top-modèle magnétique et ex-première dame engagée, Carla Bruni mène plusieurs vies, toutes intenses. Cette icône du style, amie de la maison Bulgari, nous ouvre les portes de sa villa du cap Nègre pour une rencontre exclusive. Naturelle dans l'incandescence, elle s'est confiée, tout simplement.

Mai 2022. Le Festival de Cannes s'achève. À une centaine de kilomètres de là, au cap Nègre, dans le massif des Maures, Carla Bruni a accepté de nous ouvrir les portes de la villa familiale, sanctuaire ultraprotégé, fière et superbe bastide dissimulée dans les pins maritimes, perchée sur un éperon rocheux et dominant une Méditerranée d'un bleu profond. Un décor de cinéma, un air d'Italie dans cette maison où rien n'a bougé depuis les années 1940, un souhait de Virginio, le frère bien-aimé disparu.

En vidéo, Cannes 2022 : interview de Carla Bruni

C'est une maison vivante, avec des livres et des jouets. Au bord de l'eau, on croise Valeria, sa sœur réalisatrice, en maillot de bain, ruisselante – elle a nagé –, Marisa, la mère, traverse l'imposant salon en chaussons d'hôtel, tante Gigi prend le frais au bord de la piscine en forme de haricot, Nicolas Sarkozy salue amicalement, et Giulia, leur adorable petite fille, inspecte les portants de vêtements et les joyaux Bulgari que sa mère va choisir pour poser face à l'objectif du photographe Anton Corbijn. Comme toujours, Carla Bruni est d'une humeur exquise. L'élégance personnifiée. Chaleureuse, prévenante, elle fait goûter son vin – le Roseblood du Château d'Estoublon, qui produit également une huile d'olive racée, et dont elle est copropriétaire –, met Bob Dylan sur la platine, et fait visiter sans chichis cette maison quasi historique qui, sous l'ère de la présidence Sarkozy, vit défiler chefs d'État et artistes internationaux.

Carla Bruni, ex-mégamodèle qui a fait sensation l'an dernier sur le podium de Balmain, ex-première dame plus que parfaite, est aujourd'hui une chanteuse qui compte et une songwriter inspirée : son album Quelqu'un m'a dit (dont la chanson-titre est un classique) fête ses 20 ans cette année. On lui fait remarquer que sa vie est un millefeuille de mille vies qui ferait une excellente série sur Netflix : «Ce serait cool et saugrenu», s'amuse-t-elle. Interview.

Madame Figaro. – Qu'évoque pour vous cette maison du cap Nègre, que vous ouvrez exceptionnellement pour nous ?
Carla Bruni. – Elle dépasse complètement les vies qui s'y déroulent. La force de cette maison, qui a été bâtie vers 1934, c'est qu'elle est face au vent, dans le ciel, la mer et les arbres. C'est comme un bateau qui doit résister aux intempéries. Elle évoque mon enfance, ma jeunesse, et maintenant mon grand âge. (Elle rit.) Mes parents cherchaient une maison dans le sud de la France, ils l'ont visité en 1958. À l'époque, ils habitaient encore à Turin, il n'y avait pas d'autoroute, ils avaient dû mettre une quinzaine d'heures pour y arriver, cela les a découragés. Ma mère y est retournée et a convaincu mon père de l'acheter. À l'époque, aucun de nous n'était encore né. Nous y allions chaque été, en voiture depuis Turin, début juillet, jusqu'en septembre, où nous retournions à l'école en Italie.

«Je l'aurais épousée une deuxième fois» : ce souvenir comme une déclaration d'amour de Nicolas Sarkozy à Carla Bruni

Carla Bruni, la Cover Story

 
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La maison n'a pas bougé depuis les années 1940. Il y flotte un délicieux parfum vintage de jet-set italienne…
Je me souviens que mes parents s'habillaient pour «prendre le vermouth». Les messieurs en veste, les dames très élégantes. Ma mère a gardé tous les vêtements de cette époque, des pièces merveilleuses faites sur mesure par une couturière de Turin. Il y a, par exemple, une jupe longue et un petit bustier extraordinaires : on les laisse au soleil la journée et le soir, ils sont fluorescents ! C'est une époque qui semble bénie, les Trente Glorieuses, tout semblait possible. On était allé sur la Lune, on croyait en la science, et le Concorde volait jusqu'à Rio. Il y avait quelque chose dans l'air. La vie paraissait insouciante, même si mes parents, comme tout le monde, ont connu des drames.

Comment avez-vous trouvé votre place dans une famille à fortes personnalités ?
Ma mère, mon père, mon frère et ma sœur, bien sûr, chacun avait une personnalité marquée. J'ai aussi une jeune demi-sœur, Consuelo, la fille de mon père biologique, je suis très proche d'elle, même si nous n'avons pas grandi ensemble. Comme j'étais la dernière, j'étais libre comme l'air. La vraie particularité de ma famille, c'est sa liberté. Ce n'était pas une famille «comme il faut». Mes parents ne se sont jamais pris pour des gens importants, je ne les ai jamais vus se placer dans une situation sociale particulière, alors même qu'ils menaient une vie incroyable – les années 1950 étaient inouïes quand on était privilégiés. En fait, c'étaient des artistes. Ma mère a un grand tempérament, une grande présence, une grande beauté. Et ma sœur : un ouragan. Elle est plus que belle : elle est irrésistible. D'ailleurs, les gens qui en sont amoureux sont pieds et poings liés à elle. Valeria ne supporte aucune convention sociale. Je suis beaucoup plus contenue. Il y a un grand plaisir à être tous ensemble : on se parle, on se dispute, on rit beaucoup. Il n'y a pas grand-chose de refoulé.

 
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Robe en georgette de soie brodée de strass, Celine par Hedi Slimane. Collier Color Treasures, en or rose, tourmalines, spinelles, tanzanites et diamants, collection haute joaillerie, Bulgari. Anton Corbijn

Cependant, il existait un secret de famille. Votre père n'était pas votre père biologique…
Il y avait un mensonge. J'ai toujours pensé qu'il y avait un mystère autour de ma naissance – mais beaucoup d'enfants qui aiment rêvasser sont comme ça. Mes parents ont très bien porté ce mensonge : ils n'ont pas des tempéraments à culpabilité. Ça n'a pas été dit parce que cela ne se faisait pas à l'époque : c'étaient d'autres années. Rétrospectivement, la découverte de ce mensonge n'a pas été un si grand choc : cela m'a presque soulagée en me confortant qu'il y avait bien quelque chose. J'ai énormément questionné ma mère – la Stasi ! – et j'ai voulu rencontrer ce père tout de suite. Il avait 18 ans quand je suis née. Ma mère, 40, et mon père, celui dont je porte le nom, 55. Voilà l'histoire. J'ai eu trois parents. Je rigole bien quand on blâme les familles homoparentales : une famille, c'est une famille, des parents, ce sont des parents.

Tout cet environnement fait de vous une femme libre au sens le plus noble du terme : vous dépassez les conventions…
C'est vraiment une histoire de famille : mes parents étaient comme ça. Et ma sœur est démente : elle adapte les situations à elle-même quand moi, je m'adapte aux situations. Je suis transgressive mais absolument pas provocatrice, même si je déteste le puritanisme, la morale et le jugement. Mais je n'aime pas les ennuis : il y en a déjà bien assez naturellement. Je reste toujours prudente.

Tout cela a fait de vous une première dame absolument impeccable…
Là, on parle d'autre chose, d'une chose extrêmement sérieuse, d'un rôle qui a été un plaisir et un honneur. Il n'était même pas question d'envisager un pas de côté. Il y avait la représentation et aussi, l'autre versant, la philanthropie qui était passionnante. J'ai rencontré des gens magnifiques, le plus souvent des anonymes, mais aussi des gens très connus. Cela a été cinq années fantastiques, un moment très réel et très particulier, un moment extraordinaire auprès d'un homme extraordinaire, même si j'étais contente de partir et de retourner à une vie plus tranquille, plus tranquille pour lui aussi…

Avez-vous changé Nicolas Sarkozy ?
Ce qui l'a changé, c'est d'avoir été élu. D'avoir eu ce grand honneur. Et c'est sans doute ce qui lui a permis d'aller vers quelqu'un comme moi, quelqu'un qui, contrairement à sa précédente épouse, ne participait pas à la chose politique. Je n'aime pas la politique ou, plus exactement, je ne serais pas capable d'en faire.

Je n'étais pas du tout accomplie au niveau affectif. J'étais réfractaire à l'engagement, par principe

Carla Bruni

Le mariage a-t-il été un accomplissement ?
Le fait de me marier a été important. Je n'étais pas du tout accomplie au niveau affectif. J'étais réfractaire à l'engagement, par principe. Peut-être est-ce lié à ma naissance ? J'ai fait de longues analyses qui m'ont changé la vie : aujourd'hui, je ne m'en prends plus qu'à moi-même. La psychanalyse a ceci de bien qu'on cesse de confondre ce qui vient de soi et ce qui vient des autres. Dans un film de Woody Allen, un personnage a cette réplique que j'adore : «Avant ma thérapie, je faisais pipi au lit et j'avais honte. Après quinze ans de thérapie, je fais toujours pipi au lit mais j'en suis fier.» Je ne sais pas si je suis une meilleure personne, mais je suis plus fonctionnelle.

Vous avez fait sensation en défilant l'an dernier pour Balmain. Qu'avez-vous ressenti ?
J'étais déstabilisée. En fait, je considère que ce n'est plus de mon âge. Je suis la benjamine dans ma famille, et là, c'est très bizarre de se dire que j'ai l'âge de pouvoir être la mère de tous les autres mannequins. Et, en même temps, la mode reste une famille : j'adore les couturiers, les filles, les coiffeurs, les maquilleurs, les photographes…

 
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Maillot de bain en jersey, Hermès. Collier Serpenti, en platine, saphir Cornflower et diamants, collection haute joaillerie, Bulgari. Alliance personnelle. Anton Corbijn

Quelle est votre relation avec la beauté ?
Je n'ai pas une relation particulière avec la beauté, ni celle qu'on me prête, ni celle des autres. Elle m'intéresse, la beauté sublime peut me fasciner chez Ava Gardner, Monica Vitti ou Romy Schneider, mais je préfère la grâce et le charme. D'ailleurs, je n'ai jamais été attirée par la pure beauté. J'ai une silhouette et un style, peut-être, mais je fais des efforts sans nom pour rester mince : deux heures de sport par jour, de la barre, de l'elliptique, un peu de Pilates. La beauté est aussi une contrainte : «Une heure, une heure seulement, beau et con à la fois !», comme le chantait Brel. (Elle rit.)

La beauté est-elle une arme ?
J'ai longtemps été ingrate, droite et maigre, j'avais le sentiment d'être invisible. Je suis devenue une jeune fille tard, à 17 ans. Tout à coup, j'avais un corps et je voyais bien qu'on me regardait différemment à la plage. Ce que j'ai ressenti alors ? Le plaisir de la séduction. Mon oncle me disait toujours : «Tu as vraiment grandi comme une laide ! Le mal que tu te donnes pour plaire !» Je ne m'intéresse pas plus que ça à moi, mais j'aime plaire. Plaire, séduire, sans aucun objectif sexuel, plaire aux gens. Plaire, c'est beaucoup plus intéressant que d'être beau. D'ailleurs, la beauté ne tient pas l'âge, c'est affreux ! Je le vois bien. On est moins résistant, alors que ça devrait être l'inverse. Comme le disait Mae West, vieillir n'est pas fait pour les mauviettes…

Vous avez posté sur Instagram une photo de votre fille – de dos – essayant vos vêtements. Que voulez-vous lui transmettre ?
Je crois plus à l'exemple qu'à la transmission. Si on se conduit bien, on devrait normalement avoir des enfants qui se conduisent bien. Les deux qualités que je préfère, ce sont la gentillesse et la générosité. Je suis une maman poule, mais je n'ai pas envie de contrôler mes deux enfants, même si je ne supporterais pas qu'ils soient désagréables ou hautains. J'ai été élevée très librement et c'était une bonne chose, même si mes parents n'étaient pas beaucoup là et m'ont manqué. Je compense en étant très proche de mes enfants, je suis autant présente que je le peux. Je suis là pour les accompagner et les rendre plus forts.

Carla Bruni et son fils Aurélien reprennent "Stand by Me" en duo

On a l'impression que vous vivez vos meilleures années.
Je touche du bois. Scaramanzia, comme on dit en Italie…

Dernier album : Carla Bruni (Barclay).

 

 

 
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5 juillet 1962, Oran: 700 pieds-noirs massacrés

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Au premier jour de l’indépendance de l’Algérie, une chasse aux Européens a ensanglanté Oran (ici, le journal des Actualités françaises diffusé le 11 juillet 1962). INA

GRAND RÉCIT - C’était il y a soixante ans, au premier jour de l’Algérie indépendante. À Oran, la fête a tourné à la chasse à l’Européen. L’armée française savait mais n’est pas intervenue. Aujourd’hui, les rescapés se battent pour que la mémoire de ce drame ne disparaisse pas avec eux.

Ce mardi, comme chaque 5 juillet depuis soixante ans, les Algériens célèbrent la Fête nationale de l’Indépendance. Le drapeau vert et blanc va fleurir sur les balcons et des hommages aux «valeureux moudjahidins» qui ont lutté pour la liberté vont être rendus à travers le pays.

 

Pour des milliers de pieds-noirs et leurs descendants, ce jour de fête est un jour de deuil. Car au premier jour de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962, à Oran, environ entre 10 h 30 et 17 heures, 700 personnes ont été tuées au cours d’une chasse aux Européens dont on ne saura jamais si elle fut spontanée. En France, ce massacre a été ignoré pendant plus d’un demi-siècle et aujourd’hui, mis à part quelques dépôts de gerbes dans certaines communes, nulle cérémonie officielle n’est prévue pour saluer la mémoire de ces victimes civiles de la guerre d’Algérie. Au mois de janvier, Emmanuel Macron avait pourtant invité les représentants des «rapatriés» à l’Élysée, en vue d’un discours dans lequel, pour la première fois, un chef d’État évoquait le «drame du 5 juillet 1962 à Oran où des centaines d’Européens, essentiellement des Français, furent massacrés». Depuis, rien. Les «rapatriés» attendent toujours de l’État un geste clair qui permettrait de sauver définitivement leurs morts de l’oubli.

Soixante ans plus tard, il ne reste que quelques témoins pour raconter ces heures au cours desquelles leur vie a basculé. Pour lutter contre l’ignorance, ils n’ont jamais eu que l’arme, parfois vacillante, de leurs souvenirs.

Contrairement à Alger, qui est un vaste amphithéâtre ouvert sur la Méditerranée, Oran est bâtie en surplomb de la mer. En montant jusqu’à la chapelle Notre-Dame-de-Santa-Cruz, qui domine la ville depuis la haute colline de l’Aïdour, on peut admirer un décor quasiment identique à ce qu’il était à l’époque: abrité par une interminable jetée, le port de commerce est niché au pied des falaises. À leur sommet s’étire le ruban blanc des façades années 1950. Puis de larges avenues ombragées par des ficus, des carrefours ensoleillés, des immeubles haussmanniens. Au centre de la ville, la mairie et l’opéra donnent à la place de l’Émir-Abd-El-Kader, anciennement place Foch, une allure second Empire.

La guerre d’Algérie est arrivée tardivement à Oran. Longtemps, les «Français de souche européenne», que personne n’appelait encore «pieds-noirs», y ont vécu dans une relative insouciance. De leur côté, les «Musulmans», qu’on n’appelait pas encore «Algériens», se rendaient peu dans le centre de la ville. Vers 1960, la guerre s’impose avec une violence soudaine, aveugle et réciproque. Pour tenter de ramener un semblant de calme entre les communautés, l’armée française sépare les quartiers en érigeant des murs de fils barbelés mais, de part et d’autre, la haine ne fait que croître alors que le général de Gaulle scelle progressivement le destin de l’Algérie indépendante. Dans les mois qui précèdent le référendum d’autodétermination du 1er juillet, les enlèvements, les meurtres, les ratonnades se succèdent dans une spirale infernale. Les barbouzes prêtent main-forte au FLN (Front de libération nationale) pour lutter contre l’OAS (Organisation armée secrète), que la population, qui s’estime lâchée par le gouvernement français, soutient massivement.

Les résultats du référendum tombent le 3 juillet. À la question: «Voulez-vous que l’Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par la déclaration du 19 mars 1962?», le peuple répond oui à 99,72 %. À Oran, l’immense majorité des Européens votent aussi «oui». Depuis le 1er juillet, c’est la fête dans les rues de la ville, mais Benyoucef Ben Khedda, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne, a fixé au 5 la date officielle de l’indépendance. Un choix très symbolique: ce sera 132 ans, jour pour jour, après la prise d’Alger par la France. La veille, les gendarmes mobiles passent dans les quartiers européens pour transmettre un message à la population: qu’ils se rassurent, l’armée veille sur leur sécurité. Mais le lendemain, les 18.000 soldats français placés sous le commandement du général Katz recevront l’ordre de ne pas quitter leurs cantonnements.

Chasse à l’homme

Au matin du 5 juillet, Marie-Claude Teuma attend son père. Elle est à l’aéroport de la Senia, où des centaines de personnes patientent depuis plusieurs jours, comme elle, pour prendre l’avion. Son père, Paul Teuma, vendeur de boissons, est parti au volant de sa Peugeot 404 pour accompagner deux camions qui doivent ravitailler en vin et en bière la base aéronavale de Lartigue, tout près de là. Sur l’un des deux camions, on peut lire «Orangina». La livraison faite, il doit lui rendre visite à l’aéroport. Elle l’attendra toute sa vie.

Depuis les quartiers périphériques, les Algériens convergent vers le centre au son des tambours, des klaxons et des youyous. Malgré le vacarme, la population européenne vaque à ses occupations et, plus ou moins sereine, se tient à l’écart des avenues. La place Foch se remplit d’une foule de plus en plus excitée.

Les caniveaux étaient pleins de sang

Viviane Ezagouri

Non loin de là, Viviane Ezagouri n’en peut plus d’être enfermée dans son appartement du boulevard Joffre. Son père, Joseph, et elle décident de sortir. «Les gendarmes nous avaient incités à nous mêler à la fête», rappelle-t-elle. Elle se dirige vers l’esplanade de la mairie, place Foch, où l’attend son fiancé. Elle voit son père s’éloigner, puis disparaître dans la foule. À 11 h 15, des coups de feu, dont nul ne connaît l’origine, claquent au-dessus de la foule qui change de visage. Des objets inquiétants sortent des manteaux: rasoirs, haches, crochets de boucher. Des hommes en tenue militaire, avec des armes de guerre, se mêlent à ce qui, très vite, devient une chasse à l’homme. Avec son fiancé et d’autres Européens, Viviane Ezagouri est alignée contre un mur, les mains sur la tête, tremblante. Elle comprend tout de suite ce qu’il se passe et se demande où est son père: cette question la hante encore. «Soit ils relâchaient les gens, soit ils les emmenaient dans un camion.» Selon elle, certaines personnes sont égorgées sur place: «Les caniveaux étaient pleins de sang.» Un soldat de l’ALN (Armée de libération nationale) la libère, ainsi que son fiancé.

Certains sont conduits vers un lieu appelé «le Petit Lac», une étendue d’eau salée au sud de la ville. Les témoignages recueillis par des historiens y font état d’une tuerie: des civils lynchés, d’autres assassinés d’une balle. Sur des photos prises le lendemain par une patrouille aérienne de gendarmerie, on voit ce qui s’apparente à une douzaine de fosses communes creusées au bord de l’eau, puis comblées à la hâte par des bulldozers. De retour chez elle, Viviane Ezagouri regarde à travers les persiennes: «On voyait des gens se faire embarquer.»

«Au secours, l’armée!»

C’est ce qui est arrivé à Gérard Bengio et son père, Naphtali. Âgé de 13 ans, Gérard avait débarqué un peu plus tôt du Cap Falcon, un cargo armé par son père, arrivé le matin même dans le port d’Oran. Son père l’attend sur le quai. «Un docker arabe lui a dit: “ne va pas en ville”. Mais maman ne m’avait pas vu depuis deux mois.» La voiture prend la route en lacets qui grimpe le long des falaises, direction le quartier d’Eckmühl, et bute sur un barrage. Sous la menace des armes, le père et le fils sont conduits à une camionnette, «une vieille 403» qui les emmène au «Village Nègre», un quartier musulman. Là, ils sont exhibés. «Les gens s’approchaient et nous crachaient dessus. On nous jetait des cailloux. Mon père était très calme et moi, je me disais qu’on allait mourir.»

Originaire d’Oran où vit toute sa famille, le soldat Fernand Garcia est lui aussi ce jour-là dans le «Village Nègre», mais à l’abri dans sa caserne du «28e train». «De l’autre côté du portail, on entendait des cris: “au secours, l’armée!”» Le groupe de combat du soldat Garcia est prêt à intervenir. Il se tourne vers son capitaine: «Il faut sortir, il faut sauver ces gens-là.» «Je n’ai pas d’ordre», répond l’officier. «Ce jour-là, l’armée française a fait de moi un lâche», enrage encore Fernand Garcia. Il se révolte et est consigné dans sa chambre.

La vieille 403 se dirige désormais vers le commissariat central. Gérard Bengio et son père sont conduits dans le bâtiment. «Il y avait du sang sur les marches. On a commencé à prendre des coups.» Mais un docker reconnaît son père et leur sauve la vie. Ils trouvent asile dans le lycée Stéphane-Gsell, tout proche, où des Européens se sont réfugiés sous la protection d’une trentaine de bérets rouges. «Vers 15 heures, on n’a plus vu passer personne. Les soldats nous ont laissés sortir.» Mais, arrivés derrière la cathédrale, ils sont à nouveau embarqués, direction le palais des sports, tout proche du Petit Lac. Est-ce uniquement un effet du temps et de l’émotion? Les souvenirs de Gérard Bengio se font alors brumeux. «Il y a des choses que je ne dirai jamais», lâche-t-il seulement. Quelques heures plus tard, le voici à nouveau dehors, seul. Commence alors une longue traversée solitaire de la ville sous couvre-feu. À 23 h 30, il toque à la porte de sa maison. Son père est rentré, ils se croyaient morts. Sa mère l’embrasse. «J’étais très calme. Je pleure plus aujourd’hui que je n’ai pleuré ce jour-là.»

«Mort pour la France»

Viviane Ezagouri, Marie-Claude Teuma, Fernand Garcia, Gérard Bengio: tous savent désormais qu’il n’y a plus qu’une issue, la fuite.

Arrivés en métropole, ils découvrent la France en paix, pressée de tourner enfin la page de la guerre d’Algérie. Les pieds-noirs, qui viennent de perdre leur pays, sont tièdement accueillis. Le massacre d’Oran fait l’objet de quelques articles et est vite oublié.

Viviane Ezagouri et Marie-Claude Teuma n’ont eu de cesse de savoir ce qu’il était arrivé à leurs pères. «Deux ou trois ans plus tard», Marie-Claude Teuma a obtenu un rapport de la Croix-Rouge daté du 21 août 1963. On peut y lire le témoignage d’un «Arabe spectateur impuissant» selon qui le convoi de bière et de vin aurait été arrêté «sur l’autoroute Valmy-La Sénia». «Lenormand Jean (un des chauffeurs, NDLR), pris de peur, tente de s’enfuir, une rafale de mitraillette l’étend sur le sol. Puis, il paraît que MM. Teuma, Hernandez et Segura furent ensuite immédiatement tués à la mitraillette.» Un des camions est retrouvé près du Petit Lac, les banquettes couvertes de sang. L’autre, orné du logo «Orangina», sera vu dans la ville «transportant des membres de l’ALN.» Au terme d’un long combat juridique, Marie-Claude a obtenu que Paul Teuma soit déclaré «mort pour la France.» Viviane Ezagouri a attendu 2004 pour savoir ce qu’il était advenu de son père: elle reçoit alors, via le Quai d’Orsay, le rapport de la Croix-Rouge. Elle y apprend qu’il a été égorgé et brûlé. La famille de Gérard Bengio s’est installée dans le Sud-Ouest. «Un jour, mon père m’a dit: “Ici, on n’est pas chez nous, ils ne nous aiment pas, alors ferme ta gueule et travaille.” J’ai beaucoup travaillé, et j’ai fermé ma gueule.»

Quant au soldat Garcia, il a quitté, avec son unité, le cantonnement du «Village Nègre» et a fini son temps dans un camp, à l’extérieur de la ville. «J’ai vu Oran se vider de sa population européenne.» En août 1962, ses parents s’en vont eux aussi. «Je les ai accompagnés au bus pour l’aéroport. À 11 heures, quand leur bus a démarré, je me suis dit: “où je vais maintenant?” Je n’avais plus de famille, je n’avais plus nulle part où aller. J’ai erré dans les rues. J’étais seul dans ma ville natale.» En avril 1963, il a été rapatrié.

 

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https://www.lefigaro.fr/international/moscou-menace-de-refermer-le-rideau-de-fer-sur-les-juifs-de-russie-tentes-par-l-exil-en-israel-20220706

https://www.lefigaro.fr/international/israel-menage-ses-milliardaires-russes-20220318

 

 

 

 
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Les secrets des couples qui durent. Getty Images

 

L’amour et ses paradoxes : si les trentenaires rêvent du mariage, ils paniquent à l’idée qu’il ne dure pas ! Témoignages et éclairage.

Céline et Bob roucoulaient. Il y a encore trois mois, le jeune couple de trentenaires savourait son projet intrépide : se marier ! "Mais là, on n'est plus très sûrs", confie Bob en consultation. "J'en ai pleuré toute la nuit", ajoute Céline. Ils se sentent soudain comme deux gosses obligés de faire plaisir à leurs familles. "Le pire, c'est que maintenant elles nous harcèlent", renchérit Céline. Alors, s'engager à deux, vraiment ? "Ce serait une bonne idée de réfléchir ensemble à la manière dont vous voulez, vous, continuer votre histoire", leur a suggéré la thérapeute de couple Caroline Kruse. Cette conseillère conjugale, qui exerce depuis trente ans à Paris, vient de reporter dans un ouvrage savoureux, Le Savoir-Vivre amoureux (Éditions Le Rocher Poche), tout ce qu'elle a rassemblé de scènes de la vie conjugale qui se sont élaborées à l'intérieur de son cabinet. L'objectif ? Interroger dans un horizon très large le couple pour finalement aider chacun à saisir ce qui "nourrit l'amour, en se libérant des idées et des modèles préconçus".

 

Le couple, une notion à contre-temps

Et la première nouveauté réside peut-être dans le fait qu'aujourd'hui, hommes et femmes entrent dans son cabinet de plus en plus jeunes, entre 20 et 30 ans, souvent peu avant la date programmée du mariage, comme saisis d'une panique : est-ce qu'on va savoir durer ? Ou, dit autrement : est-ce la peine que l'on s'embarque dans ce mariage, à une époque où si souvent… ça ne dure pas ?

Pour cette génération d'aspirants à la conjugalité, qui en franchissent sagement les étapes (le premier canapé, le premier appartement, le premier enfant), il s'agit désormais de naviguer en plein paradoxe. "Beaucoup de jeunes trentenaires habitués à une société où tout s'accélère - on change plus vite de boulot, de partenaire, on communique plus vite... - répondent à cette prise de vitesse vertigineuse par un fantasme de durée", réagit la philosophe Marie Robert. "Ces jeunes ne veulent pas reproduire les divorces de leurs parents, leurs disputes ou leurs excuses - "On est restés ensemble pour les enfants", par exemple -, explique Caroline Kruse. Ces trentenaires tiennent à ce que leur union reste vivante. Ils ne sont pas forcément en crise, mais ils veulent être rassurés avant de se lancer."

Un couple qui dure relève de ce temps qualitatif

Marie Robert

Chemin faisant, est-ce finalement devenu extravagant de croire au bonheur durable à deux ? En France, l'Insee opère chaque année le décompte. Ainsi, l'Institut rappelle qu'en 2016-2017 on enregistrait 228.000 mariages pour 128.000 divorces prononcés, la moitié des mariages se soldant donc par un divorce. Cette tendance s'est, note Caroline Kruse, vraisemblablement accentuée avec le fait que le divorce par consentement mutuel s'est allégé en 2017, le passage devant un juge ne devenant plus nécessaire. La liberté de choix acquise, la pluralité des modèles et des alliances possibles, "voilà ce qui, paradoxalement, a contribué à rendre le couple aussi fragile que surinvesti", reprend la thérapeute. Et l'image d'Épinal, qui flirte encore avec l'idéalisation du couple qui dure, se déchire sur la vague des statistiques : 20 % des couples explosent après cinq ans, quand, dans les années 1980, 70 % des jeunes s'installant ensemble tenaient au moins quinze ans, selon une étude du même Insee publiée en 2015.

En vidéo, le pair-care est-il le nouveau secret de longévité du couple ?

Une affaire d'algorithmes?

Comment résister à l'ouragan des enfants, aux intermittences du désir et aux algorithmes de Tinder qui titillent la libido ? La longévité en duo a-t-elle encore du sens à l'ère de l'obsolescence programmée ? Cette obsession du couple qui dure toute une vie est telle que, depuis 1986, le très sérieux Love Lab ("le labo de l'amour") du Gottman Institute de l'université de Washington, à Seattle, a soumis plus de 3000 couples à ses observations, comme des rats de laboratoire, pour comprendre le secret de la longévité. "Grâce à des modèles mathématiques révolutionnaires, nous pouvons prédire de manière sûre la trajectoire d'une relation, affirme le Love Lab. Encore plus important, nous pouvons maintenant proposer des suggestions fondées sur du data pour ajuster la trajectoire de la vie du couple." Comme quoi l'amour est aussi une affaire d'algorithmes.

Dans son passionnant podcast Philosophy is Sexy, Marie Robert analyse les notions qui nourrissent - ou bien pourrissent - la vie à deux : "l'amour", la plus déraisonnable des obsessions ; "la dispute", à cause d'une erreur de GPS ou d'une machine à laver ; "la rencontre", noyée sous la routine… Et la durée, lui demande-t-on : c'est quoi, un couple qui dure ? "Cela n'a rien à voir avec les années. Bergson nous dit qu'il y a deux temps : le temps des montres, objectif - un an de plus, c'est un an de plus - et la durée, le temps subjectif qui appartient à l'individu, souligne Marie Robert. Si vous passez de très bonnes vacances, vous avez l'impression que cela a duré deux jours, si vous vous ennuyez en réunion, vous trouvez cela interminable. Un couple qui dure relève de ce temps qualitatif. Plutôt que de nous obséder à compter les années, pourquoi ne pas nous interroger sur ce qui nous lie à l'autre : nous intrigue-t-il/elle encore, l'admire-t-on encore ? A-t-on encore envie d'être ensemble ?"

Conseils pratiques

Premier viatique du manuel de Caroline Kruse : le modèle parfait, ça n'existe pas ! "Combien en ai-je reçu qui m'ont dit : "Rien ne va plus entre nous. Aux yeux de nos proches, on est le couple idéal. Si on se sépare, ce sera un cataclysme presque plus pour eux que pour nous !"" On ne renonce pas facilement à l'idéalisation, ajoute la thérapeute : "Même si elle constitue le pire des pièges, puisque, par définition, se fixer un idéal revient à s'épuiser de ne jamais pouvoir l'atteindre." Observant les couples, elle l'assure : "Au début d'une histoire, c'est merveilleux, on trouve tout chez l'autre, qui trouve tout chez nous. Le bénéfice narcissique est mutuel. Mais, un jour, la princesse redevient grenouille et le prince, crapaud. Pour qu'une relation se construise durablement, il faut sortir de l'illusion amoureuse. Dévoiler ses imperfections et supporter celles de l'autre."

En vidéo, les 10 secrets des couples qui durent

En trente années de consultation, la thérapeute a-t-elle finalement identifié quelques-uns des secrets des couples qui durent ? On s'en doutait, son traité du Savoir-Vivre amoureux n'est pas un livre de recettes, mais bien un chemin ouvert sur le respect du partenaire dans son altérité. Croisement de deux histoires singulières, chaque couple est nécessairement différent. Néanmoins, une constante s'invite : "Déjà, il convient d'éviter de se mettre la pression en se répétant : il faut que mon couple dure ! Cela témoigne d'un manque de confiance en l'autre. Second écueil, le considérer comme acquis. Durer, c'est se réajuster ensemble, à l'image du navire Argo, dont toutes les pièces changent au fur et à mesure du voyage. Et aussi ne pas s'ennuyer ensemble : l'amour se travaille, à chacun son rituel. Troisième difficulté, tout se dire ! Une histoire d'un soir, inutile d'en parler. L'infidélité est un poison, ce n'est pas la peine d'intoxiquer le lien. Mais si cela révèle un malaise profond, mieux vaut en discuter", conclut Caroline Kruse.

Il faut saisir le point de bascule qui nous emmènera plus loin

Caroline Kruse

Or, c'est souvent là que le bât blesse. Dans le cabinet de la praticienne, comme chez la plupart de ses confrères, en thérapie, un couple sur deux s'en plaint : "On ne se parle plus !" Comment s'en sortir ? Aux yeux du psychiatre Jean-Paul Mialet, qui y a consacré un livre, L'Amour à l'épreuve du temps (Éditions Albin Michel), on exige aujourd'hui beaucoup trop du couple, en priorité qu'il nous exalte. "Alors que c'est une œuvre commune difficile qui nécessite d'être inventif, attentif à l'autre. S'émerveiller toujours, cela se travaille. L'un de mes patients m'a donné son secret, la règle des 3 C : concessions, concessions, concessions !", partage le médecin. "Il ne faut pas craindre les crises ni courber le dos quand elles arrivent, ni serrer les dents ou les poings, préconise, quant à elle, Caroline Kruse. Mais bien plutôt nager avec la vague. Et saisir le point de bascule qui nous emmènera plus loin."

1. Lâcher prise

Marianne, 46 ans, professeure de français, et Francisco, 42 ans, architecte, mariés depuis 15 ans, installés en Colombie, 1 enfant.

Leur premier anniversaire de mariage devait être un week-end romantique à Deauville, ce fut une catastrophe : "On s'est disputés non-stop", confie Marianne. Sur la plage, c'était sûr : "On va divorcer !" Quatorze ans plus tard, son mari est l'homme qu'elle aime "le plus au monde". Francisco et Marianne viennent de "deux planètes différentes" : il est colombien, elle, parisienne. Cette altérité qui les a aimantés dès leur rencontre leur a aussi valu bien des disputes. Dans les dîners où ça débat, ils ne sont d'accord sur rien. Dans leur vie, elle se braque, lui ne comprend pas. Une thérapie chez un psy "formidable" les a aidés à fortifier leur complicité : "J'ai compris que Francisco n'était pas contre moi et que je n'allais pas le changer." Leur secret ? Lâcher prise. Une fois par semaine, le couple s'ouvre une bonne bouteille, discute, s'amuse. Francisco, réputé plutôt "ours", la surprend encore d'un "tu es très jolie" au moment où elle s'y attend le moins, décoiffée, en pyjama. Leur relation très physique au début s'est tempérée : "On se dit que c'est normal et qu'il n'y a pas péril en la demeure."

2. Trouver son "partenaire de jeu"

Louise, 47 ans, et Gabriel, 48 ans, scénaristes, en couple depuis 22 ans, installés à Paris, 2 enfants.

L'appartement, le bébé, le chien… Louise et Gabriel (1) n'ont jamais fantasmé sur un parcours tout tracé. "Sinon, on s'ennuierait vite, relève Louise. Mon secret, c'est que j'ai trouvé mon partenaire de jeu." La routine des devoirs et des courses a trouvé un puissant antidote pour maintenir la flamme : la fiction. Le duo, qui s'est rencontré durant ses études, collabore sur des scénarios, s'invente des univers. "On essaie de se faire rire et, si on s'ennuie, de le reconnaître", poursuit Louise, qui reçoit au même moment ce SMS de Gabriel : "J'ai pensé à une scène, il faut que je te raconte !" Cette "communion" n'en fait pas pour autant un couple fusionnel. Chacun tient à son indépendance, mène ses propres projets. Quand Gabriel part en montage, Louise assure la logistique familiale. Elle y est habituée, car elle vit avec un phobique du lave-vaisselle. "Comme j'aime assez être dans le contrôle, cette répartition des rôles me convient. Le couple, c'est comme les médicaments, vous mesurez le rapport bénéfices/risques. Parfois, il nous arrive de nous disputer très fort, mais l'humour nous aide à désamorcer cela. Gabriel trouve une blague et nous passons à autre chose."

(1) Les prénoms ont été modifiés

3. "Il ne faut pas tout partager"

Élise, professeure de yoga, et Christian, ingénieur à la retraite, 74 ans, mariés depuis 53 ans, installés dans l'Hérault, 2 enfants.

Leur "coup de foudre" a eu lieu à la maternité : Élise et Christian sont nés à six jours d'intervalle dans le même service de l'Hôtel-Dieu à Lyon. "Mon mari m'a toujours dit qu'il m'avait repérée dès le berceau !", s'amuse Élise. Leur vraie rencontre s'est déroulée à l'âge de 16 ans dans un club de jeunes. Marié à 21 ans, le couple a toujours cherché à sortir du cadre. Ils ont eu leur période punk, ont voyagé au Togo ou en Amérique du Sud en laissant leurs filles. Elle se décrit mystique et introvertie ; lui, cartésien et hypersocial. Deux personnalités qui se complètent sans se confondre. À la maison, c'est chacun son espace, chacun sa salle de bains. "Il ne faut pas tout partager, souligne-t-elle. Pas non plus tenter de façonner l'autre. Ce qui n'a pas toujours été facile quand Christian traînait en survêtement, alors qu'il partait tiré à quatre épingles au travail !" Pour déjouer les petits travers exaspérants, ces guérilleros de l'amour ont des parades : acheter des fleurs ou cuisiner pour l'autre ses plats préférés, "témoigner sa tendresse par de petits gestes", résume Christian. Ne jamais vivre en vase clos : recevoir les amis, la famille, les petits-enfants. Malgré tout, quand on cohabite si longtemps, le désir s'oxyde. Élise a eu besoin de chercher "ailleurs" si elle plaisait. Il y a eu entorse au contrat. Elle l'a dit à Christian : "Cela passait ou cassait." La peur de perdre l'autre les a ressoudés : "Surmonter cet obstacle a été un nouveau départ. Cette remise en question nous a permis de voir ce à quoi l'on tenait vraiment. À 74 ans, nous nous donnons encore la main dans la rue !"

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À Talataye, dans la région des trois frontières, réunion du Cadre stratégique permanent (CSP) en présence de tous les chefs armés du Nord. Olivier Jobard / MYOP.

 

REPORTAGE - Réunis au sein d'une organisation unique, les chefs des groupes armés touaregs et arabes du nord du Mali se préparent à assurer la sécurité après le départ des forces françaises de Barkhane, dans une zone en proie aux attaques meurtrières des groupes djihadistes. Nous avons assisté à la naissance de cette nouvelle structure qui vise aussi à relancer le processus de paix.

 

n ce printemps 2022, dans la brousse de la région des trois frontières, à Talataye, un grand acacia délivre son ­ombre généreuse à une réunion exceptionnelle. Venus séparément, leurs gardes du corps discrètement déployés à bonne distance, ils sont tous là, tous les chefs des groupes armés du Nord ayant ­signé l'accord de paix d'Alger en 2015. Laborieusement conclu sous la pression de la communauté internationale, l'accord entre les autorités maliennes et les groupes armés devait mettre un terme à des décennies de rébellions par la mise en œuvre d'un ambitieux programme de régionalisation, de développement du nord et d'intégration des combattants dans l'armée régulière.

 

La dernière rébellion en date, il y a dix ans, a provoqué la pire crise de l'histoire du pays, quand les ­groupes rebelles touaregs et arabes – rejoints puis doublés par les djihadistes – se sont emparés des deux tiers du territoire malien, avant de proclamer l'indépendance de l'Azawad, cette grande région désertique du nord. En janvier 2013, François Hollande déclenchait l'opération Serval et, à partir de 2014, les autorités maliennes ­armaient des milices ethniques pour combattre les rebelles. On ne sait combien d'hommes sont morts au fil de ces incessantes et vaines batailles, le long de lignes de fractures com­plexes à analyser, parfois communautaires, parfois politiques.

Le départ des Français

Les voici réconciliés au sein d'une nouvelle structure : le Cadre straté­gique permanent (CSP). Assis sur des nattes et tapis multicolores, à l'invitation de la mairie de Talataye, ils sont là pour organiser la sécurité des ­populations victimes de l'État isla­mique au Grand Sahara (EIGS) qu'on appelle ici plus volontiers Daech. Le temps presse. Les der­nières bases de l'armée française au Mali et dans la région – à Gao, ­Ménaka et Gossi – sont en train d'être vidées, au risque de créer un ­fâcheux appel d'air en faveur des ­djihadistes.

À lire aussi«Nous sommes devenus un jouet entre les forces armées» : à Gossi, la population otage de la guerre informationnelle entre Wagner et Barkhane

Mohamed Assaleh est le jeune maire de Talataye, 30.000 habitants, peuplée d'éleveurs, essentiellement touaregs. « Nous ­subissons des attaques terroristes tous les mois ­depuis 2017. Plus d'une ­dizaine de villages sont abandonnés, surtout du côté sud de la commune. Les populations ont fui pour se réfugier dans les villes. Les éléments terroristes tuent les gens, brûlent les habitations, volent les ­animaux. Plusieurs milliers de têtes de bétail ont été emportées. Plusieurs ­dizaines de personnes ont été tuées et autant d'autres enlevées. »

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Les gardes du corps des chefs touaregs sont discrètement déployés à bonne distance d'une réunion historique. Olivier Jobard / MYOP.

La situation s'est aggravée après la destruction du camp militaire malien d'Indelimane, décimé le 1er novembre 2019 par l'État islamique. Depuis, les forces armées maliennes sont parties et les djihadistes règnent en maîtres sur des populations terrorisées : ils exigent des impôts, font des recrutements forcés, régentent la vie quotidienne. « On est livrés à nous-mêmes. On est conscients que l'État ne rétablira pas la sécurité à notre place. Il faut qu'on s'organise entre nous pour essayer de sécuriser nos populations », poursuit le maire, sans illusions sur les capacités et la volonté des autorités de venir se battre à leurs côtés.

Avant la tombée de la nuit, on se ­dépêche d'organiser le campement. Chaque convoi va bivouaquer sur une dune, choisie à la dernière ­minute. L'imprévisibilité est de règle

Cette zone des trois frontières est l'une des plus dangereuses du pays*. Pour des raisons de sécurité, la réunion se tient à l'extérieur de Talataye, dans un espace découvert, plus facile à surveiller qu'un environnement urbain. Toutes les pistes sont barrées par des hommes en armes. Motos, charrettes et piétons, repérés de loin, sont invités à passer plus loin. Des fanions, très connus dans la région, permettent d'identifier les pick-up des différents mouvements armés. Mais les combattants eux-mêmes se confondent dans des treillis dépareillés au gré de la ­disponibilité des uniformes sur le marché. Car il n'y a pas de militaires professionnels parmi eux. Ce sont tous des volontaires.

Avant la tombée de la nuit, on se ­dépêche d'organiser le campement. Chaque convoi va bivouaquer sur une dune, choisie à la dernière ­minute. L'imprévisibilité est de règle. Le chef de l'un des équipages qui constituent notre escorte scrute la brousse avec des lunettes de visée nocturne. Il y a partout des éleveurs et des animaux, et l'ennemi peut facilement s'y confondre. Les pick-up ­forment un cercle et nous dormons en son centre. Les combattants se ­relaient pour monter la garde, la ­kalach à portée de main, autour de quelques braises rougeoyantes et d'un thé amer.

Conflits communautaires

Le lendemain matin, tout le monde se rassemble avant de reprendre la route. Il est temps d'annoncer les ­décisions de la veille aux combattants et aux habitants de Talataye : un dispositif de sécurité va être mis au point pour créer une présence permanente aux côtés des popu­lations, afin de tenir à distance les djihadistes. Un état-major est en cours de constitution, avec son commandement propre, ses forces spécialisées, son renseignement et ses moyens de secours. Les représentants des habitants se disent soulagés.

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Départ en convois des groupes armés touaregs. Olivier Jobard / MYOP.

Le Cadre stratégique permanent sait qu'il doit être attentif à ne pas se laisser entraîner trop loin : au-delà de ses moyens militaires – forcément plus modestes que ceux des armées – ou dans un cercle vicieux d'affrontements ethniques. « Dans cette guerre qui nous est imposée, on devra veiller à ce que les unités opérationnelles, bien qu'essentiellement issues des terroirs subissant les atrocités, ne versent pas dans les conflits communautaires. Nous faisons la guerre à Daech et non aux Peuls », affirme Attaye Mohamed, un cadre de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), l'une des deux grandes coalitions signataires de l'accord d'Alger. En effet, la région est le théâtre d'une rivalité très ­ancienne entre la communauté touareg daussak, à l'identité linguistique et culturelle forte, et des Peuls, essentiellement nigériens. Ce vieux conflit entre éleveurs nomades a dégénéré à partir de 2012, la majorité des Touaregs ayant rejoint la nouvelle rébellion et la majorité des Peuls, pour se protéger des premiers, des groupes djihadistes affiliés à l'État islamique. Les civils ont payé cher les représailles communautaires de part et d'autre.

Offensives meurtrières

Moussa Ag Acharatoumane, le benjamin des leaders touaregs, est le chef du groupe le plus présent dans ces parages : le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA). Basé à Ménaka, il a combattu en 2018 aux côtés des armées française, malienne et nigérienne dans la région. « Il y a eu ce que j'appelle une alliance de circonstance. Les Français étaient là ; l'armée malienne était là ; l'armée nigérienne était là. Il y avait notre mouvement aussi, au milieu de tout ça. Et toutes ces forces étatiques avaient les mêmes ennemis que nous, raconte-t-il. Pendant quelques mois, nous avons fait des opérations ensemble et nous avons pratiquement défait cette organisation le long de la frontière. Mais les États ont commis une grave erreur : ils ont trop vite crié victoire », prévient Moussa Ag Acharatoumane, détendu et rieur, le seul chef de guerre rebelle ayant fréquenté Sciences Po. La présence de la force Barkhane et de la force européenne Takuba était dissuasive. Leur départ risque de « donner des idées qui ne sont pas forcément positives à des acteurs qui n'ont pas forcément de bonnes intentions, s'inquiète-t-il. Nous sommes donc devant un grand défi : nous et notre État devons combler ce vide ».

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La société touareg est matriarcale et les femmes jouent un rôle central dans la rébellion. Olivier Jobard / MYOP.

Le matin suivant cet entretien, Moussa Ag Acharatoumane est parti en catastrophe : l'État islamique venait de lancer une offensive meurtrière, la plus sanglante depuis 2012, contre plusieurs campements et villages dans la bande frontalière des régions de Ménaka et Gao. Le MSA a perdu une position, des véhicules et quelques hommes. Le bilan civil est, lui, très lourd. Plusieurs sources font état de 400 personnes tuées et de milliers de déplacés, des chiffres difficiles à vérifier dans ces zones extrêmement reculées. C'est la tactique de prédilection de l'État islamique : il fuit le combat direct, sauf lorsque le rapport de force lui est favorable, mais exerce des représailles massives contre les civils.

Kidal, bastion de la rébellion

Après Talataye, le convoi du CSP s'est rendu à Anéfis, le cœur de la plaine pastorale, pour convaincre des combattants réfractaires de rejoindre la dynamique. Puis, après un dernier bivouac, il s'est dispersé au matin. Et notre escorte a rejointKidal, tout à la fois berceau et dernier bastion de la rébellion touareg : une petite ville perchée en haut du massif volcanique des Ifoghas, loin de tout. Il n'y a à Kidal ni électricité, ni banque, ni hôpital. La ville est gérée depuis 2014 par la Coordination des mouvements de l'Azawad. Son chef, Bilal Ag Acherif, nous a reçus dans son bureau. Le Cadre stratégique permanent, dont il a été le premier président, doit beaucoup à ses qualités diplomatiques.

Le but est de parvenir à une réconciliation dans le Nord. Malgré nos positions politiques différentes, nous devons respecter les relations sociales et les activités de nos populations qui ont le droit de cohabiter en paix

Bilal Ag Acherif, chef de la Coordination des mouvements de l'Azawad

« Le but est de parvenir à une réconciliation dans le Nord. Malgré nos positions politiques différentes, nous devons respecter les relations sociales et les activités de nos populations qui ont le droit de cohabiter en paix. Nous devons nous respecter, en leur nom. Aujourd'hui, nous vivons des temps très difficiles. Il faut que les combattants des mouvements de l'Azawad jouent leur rôle dans la sécurité de nos populations et coopèrent pour cela avec les forces maliennes et internationales, explique-t-il. Avant, tout le monde nous reprochait de nous combattre entre Azawadiens. Maintenant, il n'y a plus de combats entre nous. Il y a des combats entre les Azawadiens et les groupes terroristes qui commettent des exécutions de masse. Il faut de nouvelles relations entre le Sud et le Nord et, le minimum, c'est l'accord de paix d'Alger que nous nous devons d'appliquer. Dans le cas contraire, nous devrons avoir le courage de discuter un nouvel accord et de retourner à la négociation. »

Dialogue rompu

La mise en œuvre de l'accord est en panne depuis octobre 2021. En février 2022, les chefs du Cadre Stratégique permanent et le ministre de la Réconciliation du Mali, le colonel-major Ismaël Wagué, ont paraphé côte à côte l'accord de principe de Rome qui prévoit la reprise du dialogue entre les groupes armés et le gouvernement. Un dialogue très fragile, au bord de la rupture. Les autorités italiennes accompagnent patiemment ces efforts, alors que la France est désormais hors jeu.

Car, depuis le printemps, la France a évacué ses matériels et ses soldats de Gossi et Ménaka, respectivement en avril et en juin, remettant les clés des deux camps à l'armée malienne. Le super camp de Gao devra être vidé à la fin de l'été et il ne restera alors plus aucun soldat français sur le sol malien. La rupture militaire et politique entre les deux pays est, elle, consommée et semble irréversible, après neuf ans d'engagement. Début mai, le traité de coopération militaire entre la France et le Mali a été dénoncé par le gouvernement de Bamako avec effet immédiat, mettant un terme au cadre légal qui avait permis l'installation de la force Barkhane l'été 2014. Et il y a deux semaines, alors que le Conseil de sécurité des Nations unies examinait le rapport du secrétaire général sur la situation dans son pays, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a réaffirmé l'opposition ferme du gouvernement à un appui aérien français aux Casques bleus de la Minusma.

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Les différentes communautés touaregs se sont unies contre leur ennemi commun : les djihadistes. Olivier Jobard / MYOP.

Les trois emprises françaises de Gossi, Ménaka et Gao incarnaient une priorité tactique très claire à la vaste région des trois frontières, d'où les groupes djihadistes armés ont progressivement envahi le Niger et le Burkina Faso voisins depuis 2014 et 2015. Or, les récents événements dans cette zone, dans les trois pays concernés, montrent que la guerre continue d'y faire rage.

Les rapports indépendants sur le nombre des victimes font état d'une dégradation continue de l'insécurité dans toute la région, d'un élargissement du périmètre de la guerre et d'un nombre croissant de victimes.

Le drame des déplacés

On compte désormais près de 5 millions de personnes déplacées au Sahel, se réfugiant dans les villes pour échapper à l'insécurité qui règne en brousse et autant d'enfants déscolarisés, dans des pays figurant parmi les plus jeunes et les plus pauvres du monde.

Les groupes djihadistes, eux, sont déchaînés, l'État islamique surtout, qui semble avoir décidé d'exterminer les Touaregs de la région. Moussa Ag Acharatoumane et son aîné, le général El Hadj Gamou, sont repartis sur les sentiers de la guerre début juin, à Andéramboukane. La bataille a été rude mais la ville aussitôt reprise par un essaim de combattants de l'État islamique à moto. Une semaine plus tard, l'armée malienne et ses alliés russes des milices Wagner prenaient possession de l'ancienne base française de Ménaka. Les combattants de Gamou, qui a repris le treillis, y sont installés eux aussi, pour pourchasser l'ennemi commun.

*Les groupes djihadistes sont actifs sur deux fronts principaux actuellement : la région du Centre, où l'armée malienne a entrepris une grande offensive contre la katiba Macina, affiliée à al-Qaida et la région des trois frontières, où les filiales locales d'al-Qaida et de l'État islamique sont en concurrence.

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Des combattants de la Coordination des mouvements de l'Azawad assurent la sécurité de la ville de Kidal. Olivier Jobard / MYOP.

Par Nathalie Prévost (texte) et Olivier Jobard / MYOP (photos). Édition par Louis Lecomte.

Ce reportage a été réalisé dans le cadre du tournage d'un film documentaire sur la crise malienne, produit par Point du Jour, qui sera diffusé sur France 5 dans les prochains mois.


À VOIR AUSSI - Mali: 132 civils tués dans des attaques lancées par des djihadistes présumés

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/idealistes-hedonistes-ou-profiteurs-ces-francais-qui-ne-veulent-plus-travailler-20220701

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C'est la même chose dans toute la France: les entreprises peinent à trouver de la main-d'œuvre. Hier, c'étaient les chômeurs qui pleuraient dans les bureaux de Pôle emploi ; aujourd'hui, ce sont les employeurs qui ne trouvent plus de candidats motivés pour les postes qu'ils cherchent à pourvoir.

 

Dans l'hôtellerie-restauration, les besoins se font cruellement sentir alors que la saison estivale touristique 2022 promet d'être plus radieuse que jamais. Certains professionnels annoncent déjà que, faute d'avoir réussi à former des équipes assez étoffées pour offrir un service 7 jours sur 7, ils devront fermer un ou deux jours par semaine. Même dans les régions les plus attractives, ils ont du mal à recruter les serveurs, commis de cuisine, réceptionnistes ou femmes de chambre indispensables à leur activité: 361.000 postes sont à pourvoir dans les cafés, hôtels et restaurants de l'Hexagone. Un chiffre en hausse de 23% par rapport à 2021, selon le dernier baromètre de la main-d'œuvre publié par Pôle emploi.

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Et il n'y a pas que dans l'hôtellerie ou la restauration que les candidats se font prier. Les couvreurs et couvreurs-zingueurs qualifiés manquent aussi cruellement à l'appel, de même, par exemple, que les aides à domicile, les aides ménagères, les pharmaciens, les chaudronniers, les tôliers, les serruriers, les carrossiers automobile, les plombiers, les chauffagistes, les infirmiers, les puéricultrices, les menuisiers, les ouvriers qualifiés de l'agencement et de l'isolation… Au total, plus de 3 millions de postes seraient à pourvoir, selon Pôle emploi.

Une motivation en berne

Quelque chose a changé dans le rapport que les Français entretiennent avec le travail. Leur motivation, disent les experts en ressources humaines, n'est plus tout à fait la même qu'avant. Le phénomène n'a fait que s'accentuer avec la crise sanitaire. Est-ce le développement du télétravail, cette nouvelle liberté donnée au salarié de reprendre en main l'organisation de son agenda, sans perdre de temps dans les transports, loin du stress de la vie de bureau? La prise de conscience que la vie est un bien précieux, que tout peut un jour s'arrêter à cause d'une guerre ou d'un mauvais virus qui vous envoie aux urgences? L'idée que, finalement, on n'a qu'une seule vie et que rien ne serait plus stupide que de la perdre en tentant de la gagner?

Plus de 38 millions d'Américains ont démissionné en 2021, abandonnant du jour au lendemain leur emploi d'origine pour s'orienter vers un nouveau métier, se lancer à leur compte, vivre différemment…

Les Français, c'est un fait, sont de plus en plus nombreux à prendre leurs distances par rapport à leur job, estimant ne plus y trouver le sens et l'intérêt qu'ils espéraient, la possibilité d'avoir un impact sur la société pour reprendre un vœu cher aux représentants de la génération Y, nés après 1995, particulièrement concernés par ce mouvement. Certes, le phénomène n'est pas franco-français. Aux États-Unis, on a parlé de «grande démission». Plus de 38 millions d'Américains ont démissionné en 2021, abandonnant du jour au lendemain leur emploi d'origine pour s'orienter vers un nouveau métier, se lancer à leur compte, vivre différemment… Les Français n'en sont pas encore là. Mais la question demeure: et si le travail, chez nous aussi, n'avait plus vraiment la cote?

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Rien de très nouveau, diront les mauvaises langues: inventeurs des 35 heures, les Français ne sont pas réputés pour être de gros travailleurs. Si l'on se fie aux statistiques, nous travaillons 7 milliards d'heures par an de moins que la moyenne des pays comparables, et nous battons des records en matière d'absentéisme: celui-ci a encore progressé de 37% de 2017 à 2021 (Baromètre WTW, 2022), et même de 54% chez les jeunes, pourtant supposés être en meilleure forme physique que leurs aînés. La crise sanitaire n'explique qu'en partie cette hausse, liée à des facteurs profonds. La France, comparativement à ses voisins, est par ailleurs connue pour sa générosité en matière d'aides sociales. Revers de médaille: ce modèle hyperprotecteur que le monde nous envie n'incite pas toujours à retrouver un emploi aussi rapidement qu'il le faudrait. «Je traverse la rue et je vous trouve un travail», lançait le président Emmanuel Macron à un chômeur, le 15 septembre 2018. C'est plus vrai que jamais aujourd'hui!

Toutefois, la nouveauté tient surtout au fait que l'idée même de travailler moins, ou mieux, ou plus du tout, est devenue synonyme de bonheur aux yeux de nombre de salariés, y compris des cadres surdiplômés épuisés par une vie professionnelle qu'ils jugent éreintante et parfois dénuée d'intérêt. Ils n'ont plus qu'une idée en tête: réduire la voilure, consacrer plus de temps à leur famille, à leur vie personnelle, à leurs passions… Certains ouvrent des chambres d'hôtes à la campagne, d'autres saisissent l'opportunité d'un plan de départ volontaire pour s'offrir une retraite anticipée… L'heure est au «slow working». L'épanouissement et la quête de sens sont sur toutes les lèvres.

Travailler moins, vivre mieux

Oublié, le «travailler plus pour gagner plus» que vantait Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007. Autres temps, autres mœurs: en 2016, l'Éducation nationale soumettait à la réflexion des candidats au baccalauréat (voie générale), dans le cadre de l'épreuve de philosophie, le sujet suivant: «Travailler moins, est-ce vivre mieux?»

Ceux qui ont rejoint Fire en sont convaincus. Parti des États-Unis, ce mouvement prône l'indépendance ­financière et la retraite précoce (Financial Independence, Retire Early). Très précoce, même. L'idée? Parvenir le plus rapidement possible, via des investissements bien choisis, à gagner suffisamment d'argent pour quitter le monde du travail bien avant les 62 ans qui sonnent aujourd'hui l'âge légal de départ à la retraite en France – et a ­fortiori les 65 ans annoncés par Emmanuel Macron. Devenir rentier, en somme: tel est leur rêve!

Je voulais décider de mes projets sans avoir de contrainte financière, explique-t-il. Que cela soit de travailler deux jours par semaine, de partir un mois en vacances, de lancer une nouvelle entreprise

Victor Lora, 34 ans

Mission accomplie pour Victor Lora, 34 ans. Ce diplômé de l'Isep (école d'ingénieurs du numérique), passé également par Ucla (University of California, Los Angeles) et l'ESCP où il a étudié la finance, aurait pu poursuivre une belle carrière dans la banque d'affaires qui l'employait à la Défense. Il a préféré faire le choix de la liberté. «Je voulais décider de mes projets sans avoir de contrainte financière, explique-t-il. Que cela soit de travailler deux jours par semaine, de partir un mois en vacances, de lancer une nouvelle entreprise…»

Il y a deux ans, Victor Lora a définitivement quitté la vie professionnelle (il était directeur de la stratégie dans une start-up) et fait une croix sur le salariat. Plus besoin de travailler comme avant: à la tête d'un patrimoine conséquent qu'il s'était constitué, il percevait de quoi vivre confortablement grâce aux seuls placements et investissements qu'il avait réalisés en suivant les conseils de Fire. «La première fois que j'ai entendu parler de ce mouvement, c'était en 2010. Je travaillais (beaucoup!) dans les fusions-acquisitions et, alors que je rentrais en taxi chez moi, tard le soir, j'ai tapoté sur internet “ne plus avoir besoin de travailler”. Je suis tombé sur leur site, aux États-Unis.»

Prendre son destin en main

Suivant pas à pas la méthode Fire, il a investi ses économies en Bourse, dans des «petits business» ou dans des start-up, et s'est endetté pour se constituer un patrimoine immobilier locatif. Au départ, Victor Lora a toutefois dû se serrer la ceinture pour dégager ses premières économies. C'est l'une des règles d'or que prône Fire: adopter une vie sobre et frugale, vivre au-dessous de ses moyens pendant plusieurs années pour pouvoir investir davantage. «Au début, j'épargnais entre 50 et 70% de mes ­revenus. J'avais un bon salaire mais au lieu de louer un appartement, je vivais en colocation», donne-t-il comme exemple.

Aujourd'hui, ­Victor Lora se définit comme ­l'importateur en France du mouvement, qui revendique 30.000 membres dans l'Hexagone. Il anime cette communauté sur le site Devenirfrugaliste.com qu'il a créé. Il est aussi l'auteur de La retraite à 40 ans, c'est possible!(Larousse, 2021), vendu à 10.000 exemplaires. Un best-seller dans cette catégorie d'ouvrages. ­Désireux de faire des émules et de partager son expérience, Victor Lora organise des rencontres conviviales, chaque mois, à Paris, dans l'espace de coworking dont il est propriétaire dans le 15e arrondissement. Elles peuvent rassembler plus d'une centaine de participants. D'autres Drink Fire – c'est le nom de ces réunions – ont eu lieu à Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Nantes, Nice… ­Victor Lora anime aussi «La retraite à 40 ans», le ­podcast pour prendre sa vie en main, dans lequel il donne la parole à ses amis frugalistes qui, comme lui, ont conquis leur indépendance ­financière.

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Victor Lora, 34 ans, a travaillé dans la finance avant de se libérer des contraintes de la vie professionnelle. Éric Garault pour «Le Figaro Magazine».

De l'X à l'acroyoga

Vivre libre et indépendante… C'est aussi le souhait d'Aurélie Moy, 27 ans. Après un stage dans un prestigieux cabinet de consultants en stratégie (l'une des voies royales à la sortie des grandes écoles), cette diplômée de Polytechnique a vite compris qu'une carrière classique dans le conseil n'était pas faite pour elle. «À quoi bon travailler comme des fous pour aider les entreprises à augmenter leur chiffre d'affaires de quelques pourcents?» interroge la jeune femme, qui rêvait d'un job lui offrant l'opportunité de mettre ses compétences au service de l'urgence écologique et du dérèglement climatique, sa grande préoccupation.

Je ne prends plus l'avion et je me déplace beaucoup en faisant du stop. Pour les vacances, je dors sous la tente, souvent en camping sauvage, ou alors je vais chez des amis. Je remplace les choses matérielles par des liens humains

Aurélie Moy, 27 ans

C'est dans cette idée qu'elle a créé le premier village de «tiny houses» (Ty village), en Bretagne, dans la région de Saint-Brieuc: des maisons tout en bois, minimalistes et écoresponsables, louées à des étudiants et des vacanciers prêts à tenter une expérience originale du vivre-ensemble. Puis elle est partie dans la Drôme. C'est là qu'elle réside désormais, dans un lieu de vie participatif intergénérationnel rassemblant une trentaine de personnes, dans le cadre d'un château du XIXe (château Pergaud, près d'Allex), en cours de restauration. Parmi elles: un élagueur, un architecte, un employé d'une intercommunalité, des diplômés de Sciences Po mais aussi deux anciens de l'X, Aurélie et son compagnon, qui enseignent l'acroyoga, «pour une sobriété heureuse dans le mouvement et la coopération»…

Le minimalisme et la sobriété guident aujourd'hui la vie qu'Aurélie a choisi de mener. «Je dépense environ 500 euros par mois, confie-t-elle. Je ne prends plus l'avion et je me déplace beaucoup en faisant du stop. Pour les vacances, je dors sous la tente, souvent en camping sauvage, ou alors je vais chez des amis. Je remplace les choses matérielles par des liens humains.» Même si elle n'imagine pas retrouver un jour «un job bien cadré et l'abondance matérielle» à laquelle elle a volontairement tourné le dos, Aurélie Moy n'a pas renoncé à exercer une activité professionnelle qui lui procure les revenus qui lui sont nécessaires. Il y a deux ans, elle a créé Vingt et un vingt deux, une agence de redirection écologique pour aider les entreprises à réussir leur transition écologique. Une entreprise «sans salariés et sans bureau» qui lui permet de mener des missions à la demande. Elle travaille ainsi à son rythme, quand elle le souhaite, préservant «un juste équilibre entre vie pro et vie perso».

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Justine Delahaye, 30 ans, expérimente une vie sobre et engagée. Thomas Louapre pour «Le Figaro Magazine»

Le pari de la décroissance

À 30 ans, Justine Delahaye a elle aussi décidé de s'affranchir des contraintes du salariat, en faisant le choix d'une existence plus sobre. Vivant en colocation à trois dans la périphérie de Nantes, son loyer mensuel ne lui coûte que 375 euros. «Avec 400 euros chacun, on paye la maison, l'eau, l'électricité et internet, raconte-t-elle. On a un jardin, deux poules et autant de cerises, de framboises et de fraises que nous voulons. Certes, j'ai dû me faire à l'idée que je ne voyagerai plus beaucoup. Mais à quoi bon travailler comme des fous pour passer l'été sur une plage en Grèce et préparer son cancer de la peau en bronzant au soleil? Cette année, je pars avec mon amoureux, à vélo, sillonner la façade atlantique!»

J'ai vite compris que le monde de l'entreprise n'était pas en phase avec mes idéaux sociaux, sociétaux et écologiques. Je ne crois pas à l'avenir du monde ­capitaliste qui précipite, par ses excès, la ruine de la planète!

Justine Delahaye, 30 ans

Justine n'a cependant rien à voir avec les Fire et leurs juteux investissements financiers. Si la jeune femme, diplômée d'une grande école de commerce (Kedge Business School) et forte d'une première ­expérience dans le secteur de la distribution, a quitté le monde de l'entreprise, c'est parce qu'elle ne se sentait pas du tout à l'aise avec les valeurs du monde ­capitaliste. «Au départ, j'y croyais, confie-t-elle. Après deux ans de prépa à Nantes, j'ai contracté un emprunt de 30.000 euros pour financer mes études en école de commerce. Je viens d'une famille modeste – ma mère était sage-femme, mon père marin pêcheur en Bretagne – et j'avais une envie d'ascension sociale. Mais j'ai vite compris que le monde de l'entreprise n'était pas en phase avec mes idéaux sociaux, sociétaux et écologiques. Je ne crois pas à l'avenir du monde ­capitaliste qui précipite, par ses excès, la ruine de la planète!»

Pour autant, Justine n'est pas du genre à rester les bras croisés chez elle. Outre les cours qu'elle donne à des jeunes en situation de décrochage, elle s'occupe de la communication du Social Bar (un «laboratoire de convivialité et de ­festivité» créé en 2016 à Paris, près de la gare de Lyon) et fait des ­baby-sittings chez des particuliers chaque semaine.

21.000 paumé.e.s

Mais surtout, Justine s'est investie à fond dans le milieu associatif: elle anime la communauté des Paumé.e.s (makesense) qui rassemble 21.000 membres en quête de sens (2300 rien qu'à Nantes, où Justine coordonne également le réseau).

Qui sont-ils? «Ceux qui en ont marre de leur job dans une tour à la moquette grise. Celles qui ont envie de mettre du vert partout dans leur vie. Ceux qui veulent s'engager ou s'épanouir à côté de leur boulot mais qui ne savent pas trop par où commencer», détaille le site des Paumé.e.s. Parallèlement, Justine a même trouvé le temps d'écrire un livre. Son titre? Va t'faire vivre ou comment surmonter le XXIe siècle avec des potes, des bières et des idées (Marabout, 2021).

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Va t'faire vivre (Marabout/Hachette), le livre de trois jeunes qui veulent tout changer. Thomas Louapre pour «Le Figaro Magazine»

Un droit au temps partiel

Un ouvrage qu'elle cosigne avec deux autres auteurs, Mahault et Matthieu, fondateur du Collectif Travailler Moins, à Nantes. Contacté par Le Figaro Magazine, il a refusé de nous répondre, «au regard de la ligne éditoriale du Figaro», a-t-il précisé. La vision du monde de son mouvement est clairement résumée dans une ­pétition – en faveur d'un droit au temps partiel notamment – lancée sur Change.org. On y apprend que le collectif «prône le détravail, dont l'objectif est de ­décentrer la place qu'occupe le travail dans nos vies et nos identités. C'est bien sûr sa forme dominante, ­l'emploi, que nous ciblons», expliquent les ­fondateurs du mouvement.

«Car oui, il y a urgence! reprennent-ils. Les défis ­sociaux et écologiques sans précédent nous invitent à rapidement changer notre regard sur nos activités et leur impact. Le “système travail” ­actuel crée un mal-être collectif, des inégalités monstrueuses et un état ­d'esprit individualiste. Il pollue, ­fatigue, aliène.» Un point de vue ­radical sur une aspiration certes ­partagée par de nombreux Français: trouver un meilleur équilibre entre travail et temps libre.


Un modèle social trop généreux?

Trappe à l'inactivité. C'est la formule qu'emploient les économistes pour dénoncer les effets pervers d'un système qui, du fait de la générosité des aides sociales qu'il distribue, n'incite plus à chercher un emploi. Et si c'était l'une des clés du désamour d'une partie des Français pour le travail? La France, on le sait, est championne du monde en matière d'aides sociales. Elle dépense chaque année plus de 800 milliards d'euros à ce titre, dont 570 milliards pour la Sécurité sociale, 49 milliards pour le chômage, 10 milliards de primes d'activité, 11 milliards pour le RSA… «La France compte 5% des dépenses sociales mondiales en 2020 alors que son PIB ne représente que 3 % du PIB mondial!» rappelle Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation Ifrap dans Le Vrai État de la France (Éditions de l'Observatoire, 2022).

À lire aussiDette, chômage, impôts, illettrisme... La vérité sur l’état de la France par Agnès Verdier-Molinié

Ce «pognon de dingue», pour reprendre les mots du président de la République, constitue-t-il une trappe à l'inactivité? Faut-il voir dans la générosité de notre modèle social un appel à l'oisiveté plutôt qu'au travail? Les économistes libéraux ne sont pas les seuls à le dire. Les travers du système d'indemnisation des intermittents du spectacle sont régulièrement dénoncés. Et qui n'a pas en tête des exemples de chômeurs qui, alternant périodes d'indemnisation, de formation et d'activité partielle, parviennent à vivre sans vraiment travailler, jonglant avec les aides et la générosité de notre modèle social?

Lorsqu'il était encore ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin n'a pas hésité à tirer la sonnette d'alarme: «Il y a trop d'aides sociales en France», disait-il le 29 mai 2018 sur RTL, invitant à «revoir ce système social» pour une meilleure incitation au retour à l'emploi. Emmanuel Macron n'a pas hésité, durant la campagne présidentielle, à proposer, pour lutter contre l'assistanat, que les allocataires du RSA – allocation versée à 2,1 millions de foyers modestes – «consacrent 15 à 20 heures par semaine à une activité permettant d'aller vers l'insertion professionnelle ». Une manière, a-t-il expliqué, d'«assurer un meilleur équilibre des droits et devoirs». Une urgence, en effet.


Par Ghislain de Montalembert (texte), Thomas Louapre et Éric Garault (photos) - Édition web par Arthur Bayon


À VOIR AUSSI - Retraites, ticket-restaurant... Ce qui change au 1er juillet 2022

https://www.lepoint.fr/people/diane-de-beauvau-craon-l-incroyable-saga-d-une-princesse-destroy-02-07-2022-2481817_2116.php

https://www.liberation.fr/societe/familles/changement-de-patronyme-liberte-jecris-mon-nom-20220630_4RXK4IMWI5HMHNYW3GYUCGGXTI/

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Il est beaucoup plus simple de changer son nom de famille à partir de ce vendredi. Cette procédure offre la possibilité pour une personne majeure de choisir de porter le nom de sa mère, de son père ou les deux, dans l’ordre désiré. La fin d’un combat de longue haleine pour certains.

par Minh Dréan

publié le 30 juin 2022
 
 

«J’ai déjà posé ma journée du 1er juillet !» s’exclame, Anthony, 28 ans, qui souhaite changer de nom de famille depuis dix ans. Il n’est pas le seul. D’après un sondage Ifop de février 2022, 22 % des Français seraient intéressés par cette procédure. «On ne choisit pas son nom.» Désormais si, ou presque : toute personne majeure pourra changer son nom de famille, une fois dans sa vie, simplement en déclarant son choix à la mairie. Ce changement sera enregistré après un délai d’un mois de réflexion. Si la loi rend la procédure plus aisée, elle n’ouvre pas la possibilité de prendre n’importe quel nom : juste celui des parents.

Une procédure allégée par rapport à celle, longue et aléatoire, qui existait jusqu’alors et qui devait être motivée : nom de famille discrédité ou à consonance péjorative, désir de franciser son nom ou d’en empêcher son extinction… Pour Zahra, 24 ans, qui porte le double nom de ses parents, dont l’un à consonance arabe qui selon elle «pourrait lui porter préjudice sur le marché du travail», l’ancienne procédure aurait pu fonctionner. En revanche, les motifs dits «affectifs», pour ceux désirant abandonner le nom d’un parent violent, absent ou pour toute autre raisons personnelle, avaient «très peu de chance d’aboutir», rapporte Marine Gatineau-Dupré, fondatrice du collectif Portemonnom, qui a porté le projet de loi.

 

Des demandes refusées

Les demandes refusées, David, 40 ans, y était habitué. «J’ai pourtant tout essayé», rigole-t-il (jaune). D’abord, il tente le motif de l’abandon de domicile de son père, sans succès. Puis, il réitère sa demande en prouvant les idées racistes de «son géniteur», nouvel échec. Un espoir le gagne avec le début de l’affaire d’Outreau dans les années 2000, l’un des accusés porte le même nom que lui, ce qui pourrait lui faire du tort s’il était condamné. Mais l’accusé est acquitté et David continue de porter son fardeau. Dans la bataille, il perdra son allié, son frère, décédé il y a vingt-deux ans. Quant à sa mère, «elle a peur que cela crée une différence entre [eux], cela lui fait beaucoup de peine. Il n’en est rien», assure le quadragénaire qui changera de nom cet été. Il ne poussera pas la porte de la mairie de Marseille, où il réside, mais celle de «son village», en Corse, «en famille».

Cette difficulté, Véronique, 50 ans, y a été également confrontée. Alors qu’elle souhaitait se défaire du nom de son ancien beau-père qui a abusé sexuellement d’elle pendant plus de dix ans, sa demande est refusée, après un an et demi d’attente. «J’avais pourtant un dossier béton. J’en suis, littéralement et physiquement, tombée par terre.» Aujourd’hui, Véronique peine à trouver ses mots, tant la joie de «faire disparaître ce nom à tout jamais» devient grande.

Un enfant doit pouvoir se détacher des actes de ses parents

Un nom lourd à porter, Valentine (1), étudiante de 23 ans, a vécu cette situation. Face à la difficulté de changer de nom, la jeune femme tombe de haut : «Qui pouvait décider si j’étais légitime ou non ?» Valentine a coupé les ponts avec son père, dont elle porte le nom, incarcéré pour viol il y a plusieurs années. Changer de nom, elle y a longuement réfléchi. «Je pensais que c’était le seul lien qui me rattachait à ma demi-sœur, confie-t-elle. J’avais peur de devoir faire, aussi, le deuil de cette relation.» La jeune femme voit cette possibilité de changement comme un «aboutissement». «Un enfant devrait pouvoir se défaire des actes de ses parents», poursuit-elle.

Pour Anthony aussi, enlever le nom de son père est une étape de sa reconstruction. Ce dernier n’a jamais accepté l’homosexualité de son fils. «Porter le nom d’une personne qui vous a toujours rabaissé et qui ne vous a jamais aimé, c’est insupportable.» A l’été, ce n’est pas une, mais deux personnes qui changeront de nom : «Mon mari aussi va prendre le nom de ma mère, explique-t-il, ému. C’est le plus beau des hommages.»

Reconnaissance et héritage maternel

La possibilité de changer de nom ? Louise, étudiante de 23 ans n’y avait jamais vraiment songé jusqu’au jour où elle entend parler du projet de loi : «Je m’entends très bien avec mon père, et mes deux parents vivent ensemble, mais ma mère est aussi importante que mon père.» Il est donc «logique» pour elle de porter un double nom, sans compter «le ras-le-bol des injonctions patriarcales» associées au patronyme. Pour les enfants dont le père se remarie, la situation peut aussi se compliquer. «Je trouve incohérent de porter le même nom que ma belle-mère et pas celui de ma propre mère», glisse Clothilde, 25 ans, qui avait tenté en vain d’obtenir le nom de sa mère – ce qui lui sera désormais possible.

Enlever le nom d’un des parents, c’est aussi choisir celui de l’autre parent. David, qui souhaite prendre le nom de sa mère, et par extension celui de ses grands-parents, est particulièrement touché par la possibilité de transmettre ce nom à son fils de 7 ans. Avec cette loi, le changement de nom d’un adulte s’étendra de plein droit à ses enfants de moins de 13 ans. Au-delà, leur consentement sera nécessaire.

Mettre fin à une souffrance quotidienne

Une autre disposition vise, elle, à faciliter la vie des parents qui ne portent pas le même nom que leur enfant. La loi permet pour le parent qui n’a pas transmis son nom d’ajouter ce dernier au nom d’usage de leur enfant, sans avoir besoin de l’accord du second parent. Pour Estelle, 33 ans, la vie était devenue un casse-tête. Elle souhaitait que son enfant porte le double nom. «Hors de question», lui répond le père.

Séparés depuis plusieurs mois, le nom était devenu «un moyen de pression», explique-t-elle. «Les échanges devenaient de plus en plus difficiles… à tel point qu’aujourd’hui il fait l’objet d’une mesure d’éloignement à mon égard.» Si l’accord du père n’est plus nécessaire pour qu’Estelle ajoute son nom au nom d’usage de son enfant, elle sait qu’elle n’est pas au bout de ses peines, puisqu’elle sera tout de même obligée de le prévenir. Ce dernier peut alors saisir un juge aux affaires familiales pour s’y opposer. «J’ignore comment il va réagir. Mais maintenant la contrainte est pour lui», se rassure la jeune femme qui va faire la démarche début juillet. «Après ? Je vais partir en vacances avec mon fils, sans avoir peur qu’il puisse me le prendre et que, à chaque contrôle, on me demande de prouver que c’est le mien.»

(1) Là, c’est le prénom qui a été modifié.

 

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https://www.lefigaro.fr/actualite-france/cardinal-sarah-on-vient-voir-un-pretre-parce-qu-on-cherche-dieu-pas-parce-qu-on-veut-sauver-la-planete-20220701

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https://i.f1g.fr/media/eidos/704x704/2022/07/01/XVMb4b9c12a-f7b5-11ec-9380-76ccfe3e311e.jpg

 
 

ENTRETIEN - Pour le cardinal Sarah, qui vient de publier un Catéchisme de la vie spirituelle (éd. Fayard), «l’Église est là pour aider les chercheurs de Dieu». Il ajoute même: «C’est son unique utilité.»

Vous publiez un «Catéchisme de la vie spirituelle»: le monde moderne aurait-il oublié le sens de la vie spirituelle?

 

J’ai écrit ce livre pendant le confinement. J’étais frappé: on prenait soin de la vie des corps, mais on laissait mourir les âmes. La vie spirituelle est pourtant ce qu’il y a de plus intime en nous, ce que nous avons de plus précieux. C’est notre vie intérieure. Le lieu de notre rencontre avec Dieu. Nier la vie spirituelle, c’est nier ce qui fait notre dignité d’homme ou de femme.

Sans vie intérieure, que reste-t-il de grand dans nos vies? Que reste-t-il qui échappe aux lois du marché et de la matière? La vie spirituelle est l’inviolable sanctuaire de notre liberté, le lieu secret où nous cherchons la vérité et l’amour, où nous sommes seuls face au Tout-Autre, face à Dieu.

Pourquoi utilisez-vous la méthode pédagogique du catéchisme, vous auriez pu écrire un traité de la vie spirituelle…

Le catéchisme est un rappel simple des fondamentaux. Je n’ai pas voulu faire un traité de théologie pour les intellectuels et les spécialistes, mais un livre clair, accessible à tous, croyants et incroyants.

Cette crise a révélé l’incroyable soif spirituelle dont souffrent les cœurs. Les gens aspirent au silence, à la profondeur, à la vie avec Dieu

Cardinal Sarah

Je n’ai pas cherché à tout expliquer et justifier, mais simplement à témoigner de l’expérience spirituelle de l’Église.

Vous proposez au lecteur d’aller au «désert», de s’arrêter pour Dieu. Un peu aride, non, après deux années de restrictions pandémiques…

Au contraire! Cette crise a révélé l’incroyable soif spirituelle dont souffrent les cœurs. Les gens aspirent au silence, à la profondeur, à la vie avec Dieu. Savez-vous que, durant le confinement, le mot «prière» était parmi les plus recherchés sur Google? La pandémie a révélé que la superficialité, le déni de la vie intérieure sont les maladies qui causent souffrance et angoisse chez nos contemporains.

Pour autant vous parlez d’une «éclipse de Dieu»?

C’est un paradoxe de notre époque. Alors que les personnes qui cherchent Dieu sont toujours plus nombreuses, le débat public, la scène politique semblent l’exclure toujours davantage. Il est donc temps que l’Église revienne à ce que l’on attend d’elle: parler de Dieu, de l’âme, de l’au-delà, de la mort et surtout de la vie éternelle.

Mais pourquoi structurer votre approche à partir des sept «sacrements» de l’Église catholique? Ils sont précisément fort discutés dans l’Église elle-même, à commencer par l’eucharistie, la confession, le sacerdoce et le mariage…

Pourtant les sacrements sont au cœur de la vie spirituelle. Ils sont des contacts avec Dieu. On en a malheureusement fait des cérémonies purement extérieures. Ils sont en fait les moyens sensibles par lesquels Dieu nous touche, nous guérit, nous nourrit, nous pardonne et nous console.

Je crois que, même dans l’Église, beaucoup ignorent la réalité intérieure, spirituelle et mystique des sacrements. On n’y voit que des rites sociaux alors que, dans le signe sacramentel, le mystère se révèle, Dieu lui-même se donne.

Pourquoi insistez-vous à ce point sur la réforme spirituelle de l’Église et sur «la croix» du Christ?

Nous passons trop de temps à parler des structures de l’Église. Cela n’intéresse personne! Ce qui importe, c’est notre vie éternelle, notre vie intérieure d’amitié avec Dieu. L’Église existe pour qu’il y ait des saints. Le reste est secondaire. La vie à la suite du Christ nous ouvre cette vie avec Dieu. Elle passe par la croix. Ce n’est pas du dolorisme. La croix, c’est la plénitude de l’amour manifesté. C’est la victoire de la vie sur la mort et le péché.

Ce message radical est-il recevable pour le plus grand nombre, y compris dans l’Église?

La sainteté n’est pas réservée à une petite élite. Elle est pour tous. Être saint, c’est se laisser aimer par Dieu, suivre le Christ. Chacun peut commencer à sa mesure tous les jours.

Mais les prêtres et les évêques parlent-ils suffisamment de l’enjeu de cette vie spirituelle?

Ils sont parfois tentés de se rendre intéressants aux yeux du monde en parlant de politique ou d’écologie. Mais je crois qu’alors ils n’intéressent personne. On vient voir un prêtre parce qu’on cherche Dieu, pas parce qu’on veut sauver la planète.

Ce positionnement vous classe parmi les «conservateurs» alors que ce retour à la vie intérieure est célébré, admis et bien reçu par le monde occidental pour des traditions comme le bouddhisme, voire l’islam?

Les étiquettes, comme «conservateurs» ou «progressistes» n’ont guère d’intérêt. En revanche, le silence concerne tout homme de bonne volonté. Nous savons bien que sans silence, sans prière, l’homme ne vit pas à l’altitude qui lui convient. Il s’asphyxie dans le matérialisme.

Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de l’Église

L’intérêt des Occidentaux pour les religions orientales manifeste à quel point ils sont en manque de spiritualité et de prière. Sans détour, j’ai voulu leur proposer une vie intérieure chrétienne, une mystique évangélique accessible à tous et libératrice.

Mais pourquoi l’Église n’ose plus parler de la mystagogie de ses «mystères» qui sont au cœur de sa vie?

Peut-être a-t-elle eu peur d’apparaître démodée? Est-ce un complexe? Pourtant, regardez l’intérêt que suscite en France saint Charles de Foucauld ou sainte Thérèse de Lisieux. Ils n’ont rien réalisé de grand pour la société. Mais ils ont cherché Dieu. L’Église est là pour aider les chercheurs de Dieu. C’est son unique utilité.

Cette voie spirituelle est-elle compatible avec le christianisme social, d’action humanitaire et écologique, aujourd’hui porté par le pape François?

Je crois que le pape François est un homme de prière. Il rappelle souvent que l’Église n’est pas une ONG. Il l’a dit le lendemain de son élection: si elle cesse de chercher Dieu par la prière, l’Église risque de trahir.

Le pape a même affirmé que si elle cesse de chercher Dieu, l’Église risque de faire l’œuvre du diable!

Vous avez eu une vie extrêmement remplie, avec de lourdes responsabilités tant en Afrique qu’à Rome: au fond, qu’est-ce qui vous donne aujourd’hui la joie et l’espérance dans ce monde obscur, troublé et angoissé?

Ma joie est de me savoir aimé par Dieu. Ma joie est d’espérer Le voir un jour face à face!

Vous dites pourtant que l’Église est aux prises avec une «tentative diabolique de la démolir». Cela vous inquiète?

Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de l’Église. Jésus lui a promis d’être avec elle jusqu’à la fin du monde. Je suis inquiet pour les âmes privées de la vie intérieure et de la vérité qui libère. Ces âmes souffrent et sont en danger. J’ai pour elles de la compassion.

Que peut la prière contre la guerre?

La guerre commence dans les cœurs qui haïssent. La prière donne la paix du cœur.


Catéchisme de la vie spirituelle, Fayard, «Choses vues», 336 p., 22,90 €.

SDP

À VOIR AUSSI - Sœur André, 118 ans, doyenne de l’humanité: «Le bon Dieu tarde à venir, il m’a oubliée»

 

https://www.youtube.com/watch?v=lyhlyBDbF8k

La rédaction vous conseille

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/conteste-sourd-aux-critiques-fin-de-regne-solitaire-pour-le-pape-francois-20220513

 

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François écoute mais aime décider seul au risque de l'isolement. Stefano Spaziani.
 
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ENQUÊTE - Gouverner l'Église catholique n'est pas une sinécure, mais diriger le Vatican est encore plus périlleux. Malgré ses talents de fin politique et son fort caractère, François, 85 ans, se heurte comme jamais, en cette dixième année de pontificat, à une série d'adversités.

Envoyé spécial à Rome

 

Jamais le pape François n'a encore ­affronté une telle ­adversité. En cette année 2022, dixième de son pontificat, tout semble se liguer contre lui. Rome, toujours prompte à brûler ce qu'elle adore, est en émoi. Certains discernent une phase de ­maturité du pontificat. D'autres une « fin de règne », selon une expression courante dans la Ville éternelle. Beaucoup pensent déjà à la suite. Mais François, 85 ans, très combatif, est loin d'avoir dit son dernier mot. Un grand jubilé chrétien mondial est en vue pour 2025. Surtout il prépare sa réforme capitale : celle de la « synodalité » pour 2024.

Il espère convertir l'Église, pyramidale, centralisée et cléricalisée, en une communauté plus démocratique, décentralisée où le pouvoir sera davantage partagé avec des laïcs. Y parviendra-t-il ? Cette ambition suscite soutien et admiration chez les uns et un épais scepticisme chez ceux qui connaissent bien les arcanes d'une institution bimillénaire édifiée sur la centralisation. Ce pontificat, réformateur, flamboyant et… Clivant, connaîtrait-il son ­apogée ou entrerait-il en déclin ?

Tous les pontificats connaissent cette même courbe ascendante puis descendante. Ce qui compte pour l'Église est la portée d'un pontificat. De ce point de vue, ceux de Jean-Paul II et de Benoît XVI, avec leurs qualités et leurs défauts, sont encore très vivants.

Haute tension au Vatican

N'ont-ils pas marqué, et pour longtemps, des générations de fidèles et de clercs ? Il en est et en sera de même pour François. Dans le milieu ecclésiastique, personne ne se risque donc à juger prématurément le cours des choses. « Les phases de crise ne sont pas forcément les pires, observe un jeune cardinal, homme de Dieu, en poste au Vatican ; elles ouvrent à des réalités de l'Église que nous ne pouvons pas voir à présent. Le Seigneur n'abandonne pas son Église. »

L'Espérance est là, surtout chez les chrétiens, mais le mot « crise » est tout de même concédé. Elle est ouverte depuis l'élection de François pour certains. Elle est plus récente pour d'autres, y compris parmi les soutiens du pape. Tous s'accordent sur le climat de haute tension qui ­règne au Saint-Siège et dont l'intensité ne faiblit pas, en contraste avec l'image de bonhomie véhiculée dans le monde et qui a changé l'image de l'Église. Il y a évidemment, avec François, des antagonismes puissants, liés à sa forte ­personnalité ­réputée « clivante ». Son caractère « tranchant », son style « autoritaire » sont le lot quotidien d'un ­Vatican où l'on entend ces qualificatifs. Il y a aussi des « colères » ­papales et beaucoup se disent « terrorisés ». Il y a aussi, plus objectivement, une­ ­série de dossiers difficiles qui jettent une lumière parfois crue sur le pontificat. Un observateur ­italien de ­longue date, qui a beaucoup vu et ­entendu dans la cité du Vatican, les synthétise d'un mot : « confusion ». Une confusion « à la latino-américaine », précise-t-il, que des « mentalités européennes » ont de plus en plus de mal à saisir.

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Pendant des mois François, « humilié », refusait d'être vu en fauteuil roulant. Éric Vandeville.

Dans ces tourbillons domine une première question, celle de la santé du pape. Un genou l'immobilise. « Cela ne devrait pas durer », assurent ses ­médecins sans en être toutefois certains. L'idée d'une intervention chirurgicale a été envisagée, mais elle apparaîtrait jusque-là trop risquée. N'en pouvant plus de souffrance – le pape a fait ses premières confidences à ce sujet à la fin du mois de janvier –, François a fini par accepter des infiltrations le 3 mai. Il souffre d'une ­gonalgie, inflammation aiguë des ­ligaments au genou droit, conséquence directe de son problème structurel de sciatique à la hanche qu'il corrige à chaque pas. Il s'est dit « humilié » par cette immobilisation. Il a même longtemps refusé d'apparaître en public avec une béquille et pire, en chaise roulante. Mais un pas devenait un supplice. Lors de l'audience générale du 4 mai, il s'est fait encore aider en donnant le bras à ses assistants pouvant à peine mouvoir sa jambe droite. Le 5 mai, il a fini par céder et se laisser conduire en fauteuil roulant devant les caméras, ce qu'il faisait avant mais hors champs des objectifs.

Il est ­déplorable que le pape ait choisi un ton aussi inapproprié pour mettre sur la place publique une conversation réservée

Le patriarcat de Moscou

Quant aux suites de l'opération aux intestins subie le 16 juillet 2021, elles ne sont pas vraiment connues. Le ­Vatican bruisse des rumeurs les plus alarmantes à ce sujet car ce fut une très lourde chirurgie, bien plus difficile que prévu. Impossible d'y voir clair, faute d'informations fiables. Le pape a objectivement assumé tous ses engagements depuis la fin de sa convalescence de l'été 2021. Dont trois voyages internationaux, ­Hongrie et Slovaquie, puis Chypre et Grèce, l'île de Malte, enfin, début avril. Mais les grands déplacements internationaux prévus, Soudan du Sud notamment en juillet, Canada en septembre, sont à confirmer. Quant au Liban, il vient d'être officiellement « annulé » mais jamais le Vatican ne l'avait confirmé en raison de l'instabilité politique. On ne peut donc rien ­déduire pour l'heure. Dans un livre de dialogue, Des pauvres au pape, du pape au monde publié au Seuil le 1er avril, François a confié : « Jusqu'à il y a trois ans, je mangeais de tout. Maintenant, malheureusement, j'ai une sérieuse complication intestinale, une diverti­culite aiguë, et je dois me nourrir de riz bouilli, de pommes de terre bouillies, de poisson grillé ou de poulet. Du simple, simple, simple… »

La Russie s'est fâchée avec lui

Du simple, mais les choses se compliquent sur d'autres plans. À commencer par le redoutable dossier russe et ukrainien où le chef de l'Église ­catholique concentre sur lui une ­incompréhension mondiale en ­ménageant la Russie et en reprochant à l'Otan ses « aboiements » en Ukraine qui auraient « fâché la Russie ». En pape, il plaide pour la paix par la négociation. Il fustige la guerre, mais sans dénoncer l'agresseur. En pacifiste convaincu, François s'attaque à la course aux armements et l'usage des armes mais refuse de se prononcer sur la légitimité de la ­défense armée ukrainienne. En aucun cas, il ne veut avaliser la ­fourniture d'armes. Surtout venant des États-Unis… Une position intenable dont François paie le prix fort. Il sait aussi qu'on lui reprocherait son silence s'il se taisait.

Il vient toutefois de réussir à fâcher la Russie le 3 mai, avec qui il ne voulait pas couper les ponts. Ce jour-là, dans une interview exclusive au Corriere della Sera, François a demandé de rencontrer Poutine à Moscou pour lui signifier d'arrêter la guerre. La même requête avait été formulée sans succès par les canaux diplomatiques du Vatican à la mi-mars. Le pape voulant cette fois prendre le monde à témoin. Ce qui a exaspéré la Russie. Le gouvernement russe a d'ailleurs sèchement répliqué : « Ce genre de question devrait passer par les canaux diplomatiques. » Plus dure encore fut la riposte du patriarcat orthodoxe de Moscou que François avait publiquement impliqué dans cette interview à la suite de leur échange en ­visioconférence le 16 mars : « Il est ­déplorable, a expliqué le patriarcat de Moscou, que le pape ait choisi un ton aussi inapproprié pour mettre sur la place publique une conversation réservée. »

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En 2016, le patriarche russe Kirill échange avec François à Cuba. Adalberto Roque/AP/SIPA

Voilà donc le pape et le Vatican isolés sur la scène diplomatique. Ce qui ­indique une baisse d'influence de l'Église catholique. Un expert latino-américain en poste à Rome commente : « Ce pape s'imagine qu'il pourrait, par sa seule présence lors de voyages, régler des problèmes géopolitiques. Une présence passagère, même charismatique, console un jour mais n'a jamais rien réglé. Il y a une prétention vaticane à se penser capable de ­régler les conflits de la planète. »

Une curie court-circuitée

Il se dit que François n'avait pas forcément consulté sa diplomatie, pourtant très cultivée sur le dossier russe et ukrainien, avant de prendre dans le premier quotidien italien une telle position géopolitique. La fameuse curie romaine, naguère redoutée, est régulièrement court-circuitée par François. Là aussi, François a voulu bousculer un ordre établi en lançant, dès 2013, une vaste « réforme de la curie ». Sa réforme va entrer en ­vigueur ce 5 juin, jour de la Pentecôte. Aux dernières nouvelles, et avant sa mise en œuvre, la réforme suscite « beaucoup de résistances ­internes » confie un haut cadre, avec « une forme de grève du zèle ».

C'était la cinquième fois, en deux millénaires, que l'Église catholique réformait ainsi son gouvernement central. Au lieu d'un document fini, ce fut un texte bourré de fautes et comportant des erreurs de fond qui a été ­publié au grand dam des juristes du Vatican

Cette petite histoire en dit long : beaucoup se sont émus le 19 mars dernier, jour de la Saint-Joseph, de voir publier au Vatican sans aucun préavis ni conférence de presse, le texte officiel de cette réforme de la ­curie. Un texte pourtant attendu ­depuis des années, la nouvelle « constitution apostolique » intitulée « Praedicate evangelium », c'est-à-dire « Annoncez l'Évangile ». C'était la cinquième fois, en deux millénaires, que l'Église catholique réformait ainsi son gouvernement central. Au lieu d'un document fini, ce fut un texte bourré de fautes et comportant des erreurs de fond qui a été ­publié au grand dam des juristes du Vatican. Même les services de communication du Vatican furent pris de court. En réalité, François, l'avant-veille, décida seul de publier, le 19 mars – jour de saint Joseph pour qui il a une grande dévotion – sans ­tenir compte de son état d'achèvement. Un comportement « typique », assure un cadre du Vatican, où le pape gère en direct une quantité de choses « sans toujours prendre conseil, ses services devant exécuter ».

Un vent d'égalité souffle

Une telle anicroche est un détail face à la portée de la réforme. Celle-ci ­apporte des changements notoires. Le plus important est de placer, sur le même plan, tous les ministères de la curie romaine. La Congrégation pour la doctrine de la foi, qui était le ministère le plus haut en dignité et en importance, se trouve reléguée derrière le dicastère de l'Évangélisation et juste avant un nouveau dicastère dédié à la charité et aux actions ­humanitaires. Ce qui signifie une abolition des hiérarchies au sein des ministères du Vatican. Tous sont considérés à égalité. Tel est le nouvel esprit voulu par le pape : avant de parler de la doctrine, l'Église doit être « pastorale » et aider les gens. À la manière dont un berger prendrait soin de son troupeau. Et non sur le modèle d'un professeur de vertu qui corrigerait ses élèves. Autre point clé, imposé par le pape, mais actuellement âprement discuté par des cardinaux d'importance, le fait qu'un laïc, homme ou femme, puisse désormais diriger un ministère du Vatican. Cette charge était jusque-là réservée à des évêques et des cardinaux pour des raisons théologiques fondamentales touchant à la constitution même de l'Église catholique.

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François ne gouverne qu'avec quelques cardinaux choisis. Guido MARZILLA/GAMMA RAPHO.

Autre évolution de taille : celui qui était jusque-là un premier ministre, premier serviteur du pape mais également ­patron de la curie romaine, va garder son titre de « secrétaire d'État », mais il devient en réalité un simple secrétaire général du gouvernement dont le seul pouvoir sera la coordination des ­ministères. Il ne sera plus au-dessus. Dans cette réforme, le pouvoir du pape est donc très nettement renforcé. En définitive, c'est lui qui décide quasiment de tout. La curie romaine telle qu'elle était, administration centrale de pouvoir, semble décapitée.

Dernier point clé de cette réforme qui institue, au passage, un contrôle ­économique rigoureux : la décentralisation. Le Vatican reste le ­Vatican, mais il se place au service et non plus en surplomb des confé­rences épiscopales, structures ­nationales de l'Église dans le monde. Hormis les questions « de doctrine, de ­discipline ou de communion de l'Église », les conférences épiscopales pourront décider de sujets locaux sans référer à Rome. Ce que le pape appelle dans sa nouvelle constitution « une saine ­décentralisation ». Il ­résume sa ­réforme d'un mot : ­ « l'esprit synodal ».

Effervescence synodale

Le « synode » est effectivement la grande réforme de François. Le mot signifie « assemblée ». Il s'inscrit dans la plus ancienne tradition chrétienne où toutes les décisions étaient prises collectivement sous la conduite du chef de la communauté. Les Églises orthodoxes ont gardé cette tradition. Un patriarche – c'est le titre de leur chef d'Église – aussi puissant soit-il, ne peut rien décider sans le vote de son saint-synode composé des ­évêques. Cet esprit collectif, démocratique, associant les fidèles, ­hommes et femmes, François veut l'insuffler à tous les niveaux de gouvernance de l'Église catholique, ­paroisse, diocèse, conférence épiscopale, Saint-Siège. Il a lancé pour cela, en 2021, un synode spécial sur la­ ­« synodalité » dans toute l'Église ­catholique. Il se déroule en 2022 dans tous les diocèses. Une ­session finale et décisive aura lieu à Rome en ­octobre 2023. Elle votera des propositions que François entend mettre en œuvre à l'aube de 2024.

Inspiré de la gouvernance des Églises orthodoxes mais aussi des Églises protestantes, cette « révolution », si elle advient, serait un changement de culture complet du monde catho­lique habitué à suivre les décisions de la hiérarchie. Elle inquiète profondément à Rome, au vu de l'expérience en cours d'un synode local dans l'Église allemande qui rivalise d'audaces réformistes sur les dossiers sensibles : mariage des prêtres, ­accueil des personnes homo­sexuelles, place des femmes. Le ­Vatican veille, mais il semble avoir perdu le contrôle sur cette initiative. Le pape François a mis en garde l'Église allemande contre une éventuelle sortie de route, mais il a curieusement nommé au poste clé de ­ « rapporteur » du prochain synode romain sur la « synodalité » un prélat qui soutient les orientations… Du ­synode allemand. Il s'agit de l'archevêque du Luxembourg, Mgr Jean-Claude Hollerich, un jésuite très ­proche de François créé cardinal en 2019. Il s'est prononcé à plusieurs ­reprises en faveur d'une évolution du discours de l'Église sur l'homosexualité – « les positions de l'Église sur le caractère peccamineux des relations homosexuelles sont erronées », pense-t-il –, estimant que le prochain ­synode devra aussi revoir la façon de parler des questions éthiques. En janvier dernier, il confiait à La Croix que « les prêtres homosexuels » devraient pouvoir « en parler à leur évêque sans que ce dernier les condamne ». Il se ­posait aussi cette question : « En ce qui concerne le célibat dans la vie sacer­dotale, demandons franchement si un prêtre doit nécessairement être ­célibataire ? »

Des propos qui lui ont valu les protestations publiques d'un autre cardinal qui n'a pas sa langue dans sa poche, le cardinal australien George Pell. Mi-mars, il a sommé la Congrégation pour la doctrine de la foi d'intervenir officiellement contre les propos du cardinal Hollerich et contre les prises de position similaires du président de la conférence des évêques allemands, Georg Bätzing, qui pilote le fameux synode allemand ­devenu, en réalité, une sorte de laboratoire d'Église.

Contre le retour en arrière

Des visions de l'Église s'opposent et se combattent ouvertement sous ce pontificat. Le pape ne se pose pas en arbitre. Il est dans le parti de la réforme, comme il l'a confié en septembre dernier à des jésuites slovaques qu'il rencontrait à Bratislava. Il leur a dit sa « souffrance » de voir s'installer dans l'Église « l'idéologie du retour en arrière » spécialement « dans certains pays » parce que « la liberté fait peur », ­estimait-il.

C'est le combat contre cette « idéologie du retour en arrière » qui a aussi motivé, leur a-t-il confié, sa décision de donner un coup d'arrêt réglementaire en juillet 2021 afin de stopper le développement des paroisses selon le rite tridentin, un phénomène français et américain. Ce qui n'est pas passé dans le monde traditionaliste. Il sera toutefois intraitable. « Je continuerai dans cette voie », a-t-il confié à ces jésuites, s'insurgeant contre les jeunes prêtres qui, « à peine ordonnés » demandent l'autorisation à l'évêque « de célébrer en latin ». Il faut les faire « atterrir sur la terre », a-t-il martelé.

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Des mères de prêtres arrivent à pied de Paris à Rome pour la liberté de la messe. La Voie Romaine.

La ligne est dure. Un groupe français d'une trentaine de mères de prêtres, âgées entre 60 et 70 ans, vient de se rendre à pied de Paris à Rome pour demander un adoucissement de cette réforme. Une seule a pu saluer le pape le 4 mai, lors de l'audience générale hebdomadaire, au même titre qu'une centaine d'autres personnes. Une ­minute pour des mères de cet âge qui ont marché de tout leur cœur pendant huit semaines en parcourant 1500 kilomètres, c'est tout de même peu donner pour un pape qui prêche « la miséricorde ».

«Je suis encore vivant»

Illustration également française de cette volonté papale de contrer « l'idéologie du retour en arrière », des nominations comme celle du nouvel archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich. Il est dans la ligne de François sur beaucoup de sujets, dont l'immigration, et rompt de facto avec l'héritage du cardinal Lustiger. La ­première décision de Mgr Ulrich sera sans doute de lancer un synode à ­Paris comme il le fit à Lille et à Chambéry, ses deux précédents diocèses. Ce choix du pape a mis sous le choc une majorité des 500 prêtres de Paris, les jeunes en particulier. Or, ces ­prêtres ne seraient pas là sans l'action prophétique du cardinal Lustiger issu du judaïsme qui reprit de 1981 à 2005 un diocèse en perte de vitesse laissé par le cardinal Marty. Sans Lustiger et son héritage, l'Église ­florissante de Paris – qui a aussi ses gros défauts – pourrait être compa­rable aujourd'hui, à celle, crépus­culaire, de Bruxelles qui opta pour le progressisme, notamment sous la conduite du cardinal Godfried ­Danneels. Mort en 2019, très actif au conclave de 2013, ce dernier fut l'un des hommes clés de l'élection du pape François. Il le plaça d'ailleurs à son côté lors de sa première apparition ­publique sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, le soir du 13 mars 2013.

Deux visions de l'Église, donc. Certainement complémentaires mais plutôt opposées actuellement avec, au centre, la question du sacerdoce. À Rome, beaucoup se demandent si cette Église catholique synodale, moins ­pyramidale, pourra remédier à la chute des vocations sacerdotales. ­Elles se maintiennent seulement en Afrique et dans certains pays d'Asie, mais elles ont baissé de 28 % depuis dix ans en Italie… Soit une alerte rouge au royaume du catholicisme et maintenant au Vatican.

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Respecté par François, le cardinal Pell, australien, est un redoutable critique. Vandeville Eric/ABC/Andia.fr

Un Vatican qui va mal, à vrai dire. Il y a tous ces dossiers et puis il y a une autre affaire qui empoisonne l'atmosphère. Une affaire de trop. C'est le ­procès en cours au tribunal du Vatican du cardinal Angelo Becciu, ancien ­numéro 3 du Vatican, démis par le pape en septembre 2020 pour un ­investissement immobilier à Londres. Les séances font apparaître que ce haut responsable avait agi, pour cet inves­tissement imprudent, sous les ordres du… Pape. Le verdict est loin d'être prononcé, mais dans ce petit monde du Vatican, « la confusion » est effectivement à son comble.

Dans cette atmosphère délétère de « fin de règne » certains cardinaux préparent l'avenir ou plutôt… Le prochain conclave. Le pape François lui-même l'a reconnu devant ses amis jésuites ­slovaques. Ses propos, enregistrés et publiés dans la revue jésuite de référence, La Civiltà cattolica, sont certains : « Je suis encore vivant, leur a-t-il dit, nonobstant ceux qui voudraient me voir mort. Je sais que se sont tenues des rencontres entre prélats qui pensaient que le pape allait plus mal que ce que l'on disait. Ils préparaient le conclave. ­Patience ! Grâce à Dieu, je vais bien. »

Déjà des «papabili»

Ce pape est redoutablement bien ­informé, car il sait en prendre les moyens. Ce qui crée aussi au Vatican un irrespirable climat de suspicion. De fait, plusieurs réunions de ce genre ont eu lieu. Comme de normal du reste. En 1998, quand le parkinson de Jean-Paul II fut reconnu, le même scénario se produisit. Ces réunions dénoncées par François ne concernent toutefois pas que des « conservateurs ».

À l'initiative d'un jésuite américain, le père Mark Massa, une réunion qui se voulait très discrète, voire secrète, s'est tenue par exemple à Chicago les 25 et 26 mars avec d'éminents cardinaux et prélats du monde entier. L'idée était de comprendre « l'opposition à François ». Le cardinal Oscar Rodríguez Maradiaga qui s'y trouvait a confié ­ensuite au National Catholic Reporter : « Cette “opposition au pape” essaye de construire des murs, de revenir en ­arrière, de regarder l'ancienne liturgie ou des choses d'avant Vatican II. »

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Mgr Bätzing, président des évêques allemands, figure progressiste. dpa Picture-Alliance via AFP.

Le père Massa milite pour la « synodalité ». C'est « la chose la plus importante », elle permettra « d'éliminer le processus de recours à Rome » et ­précise : « Nous voulons montrer que l'opposition au pape François est dans une large mesure une opposition au concile Vatican II. » Propos carica­turaux où personne ne se reconnaît à Rome. L'Église est plus subtile que cette vision en noir et blanc. Cette initiative américaine souligne l'enjeu du synode sur la synodalité qui ­s'annonce effectivement comme la dernière et grande bataille du pape François, fut-il immobilisé.

Quant aux listes de papabili, elles commencent à circuler à Rome. C'est une habitude. Elles n'ont ­jamais contribué à élire un pape. Deux noms reviennent pour l'heure avec insistance : le cardinal Matteo Maria Zuppi, archevêque de ­Bologne, issu de la communauté de Sant'Egidio et très proche de François. Et, étonnamment, le cardinal de Budapest, Péter Erdo, plutôt conservateur. Ce ne sont que de ­pures spéculations. Une chose est en revanche certaine : avec la prochaine promotion de cardinaux que nommera François cet automne ou au printemps prochain, ce pape aura choisi les deux tiers des cardinaux du prochain conclave. Soit la majorité nécessaire pour élire un successeur. « François suit tout, au détail près », prévient l'un des collaborateurs.


À VOIR AUSSI - Qui est Laurent Ulrich, désigné par le pape François archevêque de Paris?

 
 

 

journal-lytique des IRRADIATIONS

 

 

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Chaque personne entretient un rapport différent à sa petite voix intérieure.

 

«Le phénomène de la petite voix intérieure n’est pas universel»

 

Celine

 

Sans couple, sans enfants, sans privations: elles ont fait du célibat leur mode de vie

 

Agiter Dieu

 

L'esprit de guerre, l'immuabilité de la nature humaine et le sujet radical

 

 

 

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 Chaque personne entretient un rapport différent à sa petite voix intérieure.

 

 

Un dessin montre deux silhouettes qui interagissent dans la tête d'une personne.

PHOTO : iStock

 

 

 

.D’ailleurs, le génie des mots va dans ce sens : nous n’opposons pas « expliquer » à « comprendre » dans le langage ordinaire ; nous expliquons pour comprendre et nous comprenons quand on nous a expliqué ; même s’il y a dans compréhension quelque chose d’irréductible, voire de génial, il n’est pas de compréhension qui ne doive se justifier pour se communiquer ; par conséquent qui ne doive donner ses raisons et les faire valider. Si on coupe « comprendre » d’« expliquer », on tombe dans le subjectivisme de la compréhension.

Cette dialectique est la clé de ce qui a été appelé le cercle herméneutique: en toute compréhension le sujet est impliqué d’une façon sans parallèle dans la connaissance naturelle par objet. Mais que veulent dire « sujet » et « objet » ?

De ces questions radicales dépend la juste compréhension du cercle entre « compréhension de texte » et « compréhension de soi ». C’est la juste compréhension de ce cercle herméneutique qui est l’horizon de notre problème. Mais nous ne pouvons commencer par là ; il faut y arriver par le long détour d’une théorie du texte. Ainsi, serons-nous fidèles à notre manière au mot de Heidegger :

« Le problème n’est pas d’éviter le cercle, mais d’y entrer correctement » 

 

 

 

 

 

 

 

 

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"La fin d'une civilisation par Marcel de Corte

 

Soucieux du réel, De Corte se garde de parler de LA Civilisation mais d'UNE Civilisation, précisant d'emblée que «l'appel à l'universalité est pour une civilisation l'appel de la mort».

Peu soucieux d'être à la mode, il ne craint pas d'affirmer : «Il existe des civilisations gonflées de sève et des civilisations stagnantes. La loi de la vie et de l'être est l'inégalité concrète.»


Cet inlassable observateur, à l'instar du vieux Georges Sorel, socialiste révolutionnaire intégral, ne croit pas aux illusions du progrès : «Nous voyons l'une après l'autre les fonctions de la vie civilisée : les mœurs, l'art, la science, la philosophie, la politique, la société, la religion, atteintes par un implacable processus de décadence.» Et il ajoute : «Ce monde n'est plus qu'une terre abstraite, grise, uniforme?»
Les causes de ce déclin sont pour lui évidentes : la rupture de la liaison avec la nature et la tendance à s'universaliser (on dirait aujourd'hui à se mondialiser). En un mot, il s'agit d'un abandon des racines et des traditions.
Curieusement, ce disciple de Simone Weil rejoint Nietzsche quand il évoque «la notion ésotérique du cercle», cet éternel retour, car «le cycle n'est pas une chose, il est la vie elle-même».

Son analyse, à qui veut réfléchir, est imparable :
Critiquant tout à la fois d'égalitarisme et l'individualisme, la civilisation de masse ou le nihilisme, il énumère les réalités qui seules à ses yeux, pourraient enrayer le processus d'une décadence qui semble irréversible : ce sont la famille, le métier, la commune, la région (qui est pour lui la vraie patrie)
«C'est à la restauration et à l'adaptation aux conditions actuelles de ces communautés concrètes où les hommes, par leurs échanges continus, se sentent responsables les uns des autres et soumis à un même destin, que nous devons, contre vents et marées, nous attacher. En ces cellules sociales relativement réduites (…) où les hommes se situent concrètement les uns par rapport aux autres.»
Même si la situation peut apparaître désespérée, il faut pourtant lutter : «Il s'agit donc pour l'homme moderne de tenir coûte que coûte, s'il le faut avec héroïsme, les foyers de vie authentique, au niveau élémentaire qui subsiste encore.»


Ce chrétien reste un homme de la terre, de la Création : «Toute vie commence par en bas, par la souche. A tout prendre, l'homme n'est peut-être qu'un végétal raisonnable dont les racines plongent jusqu'aux mystérieuses sources nourricières.»
Langage qu'un authentique païen ne pourrait certes récuser.


Une civilisation par Marcel de Corte

 

Une civilisation vivante - et même une civilisation morte, dans la mesure où nous tentons d'en ressusciter l'âme - ne laisse d'ailleurs pas d'être mystérieuse et de diffuser sur nous plus de lumière que nous n'en projetons sur elle. Mais cette structure spécifique de la civilisation nous permet précisément d'en dégager l'axe principal. Si la civilisation nous détermine plus que nous ne la déterminons, si elle constitue, selon un mot fameux, un état dont nous recevons davantage que nous ne lui donnerions par le travail personnel de toute existence, c'est parce qu'elle ne dépend que dans une faible mesure de la lucidité humaine et des buts que celle-ci se fixe rationnellement. En fait, homme travaille, souffre et parfois meurt pour édifier une civilisation, mais le résultat de son effort est moins l'oeuvre de son esprit et de sa volonté que d'une exigence d'être et de vivre qui l'habite. Projeté dans le monde par sa naissance, c'est le rapport de son être au monde qui exige en lui ce mode d'expression que nous appelons civi­lisation. En ce sens, la civilisation est un phénomène tout aussi naturel que la croissance d'un arbre ou le développement d'un animal. L'action de l'être universel sur son être tend invinciblement, comme toute action, à se traduire et à s'expri­mer. On pourrait dire à cet égard que la civilisation est la réceptivité créatrice par excellence : elle capte les messages du monde, non pas à la manière d'un mécanisme monté par homme, mais à la façon d'un organisme vivant, et elle leur confère, par le pouvoir créateur de sa vitalité, une significa­tion et un contenu humains : elle charrie vers homme l'es­sence du monde qu'elle distille. Il n'est donc pas étonnant qu'une civilisation naissante soit très proche des aspects du monde les plus immédiats et les plus sensibles : par la sen­sation, homme s'enracine directement dans l'univers et la civilisation où il s'exprime à ce stade a quelque chose de l'é­paisseur et de l'obscurité amorphe de cette puissance d'ac­cueil que traversent parfois des éclairs, ainsi que nous le montrent les vestiges de l'art préhistorique.

Or expression et impression sont corrélatives. La capacité de don est équivalente à la capacité d'ouverture et plus homme dilate son âme en présence du monde : son prochain, la nature, la beauté, Dieu, les mille et un secrets que murmure l'être, plus il est apte à les exprimer, d'une manière quelconque, tels qu'ils sont.

Celui qui se ferme, au contraire, ne tirera de soi-même qu'une émanation de soi dont l'image se superpose au réel et le masque ou l'étouffe. Le langage vul­gaire est ici très significatif. Nous disons d'une parole, d'un tableau, d'un chant, d'un silence ou d'un regard qu'ils sont expressifs, non pas en ce qu'ils révèlent simplement un état d'âme, mais en ce qu'ils découvrent une présence réelle et en ce qu'ils communiquent la relation que l'âme a nouée avec elle. Ces modes d'expression « disent quelque chose » dans la mesure où elles ont perçu « quelque chose », et l'activité qui s'exonère dans l'expression n'est pleinement créatrice que lorsqu'elle est pleine d'une présence effective qu'elle a captée. Ainsi en est-il de l'expression-type que nous appelons civilisa­tion : elle crée parce qu'elle reçoit, elle fleurit et fructifie parce qu'elle plonge dans l'univers des racines qui en ramas­sent les sucs nourriciers. Ces deux mouvements n'en font qu'un et, loin d'être opposés comme le haut et le bas séparés l'un de l'autre, ils sont complémentaires et participent à la même verticale.

Dans l'univers dont la civilisation traduit le rapport à homme et qu'elle rend humain, se détache homme lui­même, uni à son semblable par des relations physiques; par des liens de sang et de parenté qu'il n'a pas créés de toutes pièces et qui s'imposent à lui avec la force irrésistib]e d'une évidence naturelle. Ce n'est pas l'esprit, la raison ou la volonté délibérée qui les engendrent, mais la vie et son vceu inné d'ex­pansion. Le rapport de homme à homme au sein du groupe familial est antérieur au rapport de homme au monde et s'éprouve comme la plus immédiate des données. Il est inclus dans la chair de l'être humain et il constitue homme tout entier. Il n'est pas le produit de l'art, de la technique ou de l'industrie, mais le jet qui jaillit de la source même de la vie, lance homme dans l'existence, corps et âme, avec tous ses caractères concrets, et le place en face de son semblable dans une relation première au-delà de laquelle ne se situe aucune autre, sauf celle qui le relie au principe même de l'être. Toutes les civilisations ont leur origine en ce rapport primitif qu'au­réole un nimbe religieux. Partout, les civilisations naissantes sont associées au groupement social pris en son sens orga­nique de communauté parentale (famille, clan, tribu, genos,)

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https://www.lefigaro.fr/actualite-france/je-ne-comprends-pas-ce-qu-on-attend-de-nous-au-concours-enseignant-le-depit-des-candidats-saques-par-le-jury-20220707

 

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/10/uber-files-une-strategie-du-chaos-assumee-pour-conquerir-le-monde_6134211_4408996.html

 

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..  Plaidoyer pour une Civilisation nouvelle ..

 ...suivi de L'Enracinement un trésor politique pour "temps de crise" ....

par Simone Weil

https://www.homocoques.com/d0301.23_Enracinement.htm

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Tout semble converger vers ce point de grandeur où, comme l'écrit Simone Weil, «le génie créateur de beauté, le génie révélateur de vérité, l'héroïsme, la sainteté sont indiscernables». Tout prend sa source dans la notion sacré, en effet, et tout y converge. En développant, en ouverture de son «grand oeuvre», une déclaration, non pas des droits mais des devoirs de l'homme envers l'être humain, Simone Weil pratiquait consciemment rupture avec l'idéologie des droits de l'homme de 1789. C'est la lumière du bien absolu dont l'exigence habite au coeur de l'homme qui va imprégner  tous les développements qui suivent, car « la foi est plus réaliste que politique réaliste». Les grandes notions de liberté, de démocratie et de droits de l'homme appartiennent à ce qu'elle appelle la zone des valeurs moyennes. Surplombant ces valeurs moyennes, et destinée à les enrober et à les élever à une notion supérieure, que Simone Weil appelle le « bien pur» et qui était pour Platon le soleil du Bien, doit servir de ciment à une reconstruction de la cité. «Au-dessus des institutions destinées à protéger le droit, les personnes, libertés démocratiques, il faut en inventer d'autres destinées à discerner et à abolir tout ce qui, dans la vie contemporaine, écrase les âmes sous l'injustice, le mensonge et la laideur»

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Aider ses contemporains à sortir de « l'atroce misère au fond de laquelle [ils] gisent», aider la France à retrouver son âme, telle est la mission que Simone Weil s'est donnée, du fond de son isolement et bien qu'elle ne nourrisse plus d'illusion quant à la prise en considération de ses écrits. Ce plaidoyer pour une civilisation nouvelle, dont Michel Alexandre, disciple d'Alain, a pu écrire que cela « rouvre tout (sans utopie! - dominant Marx, reprenant l'Évangile et Kant) », surmonte le désespoir par le recours à cette certitude empruntée aux Anciens que «ce qui fait obéir la force aveugle de la matière n'est pas une autre force, plus forte. C'est l'amour». Ce «grand oeuvre» abandonné fait apparaître dans les dernières pages un ultime face à face de la force et de l'amour: «[l'homme] n'est certes pas le seigneur et maître de la nature..... mais il est le fils du maître, l'enfant de la maison. La science en est la preuve. Un enfant tout jeune dans une riche maison est en bien des choses soumis aux domestiques; mais quand il est sur les genoux de son père et s'identifie à lui par amour, il a part à l'autorité. » Cette intuition d'un rapport filial s'énonce au même moment, en termes plus philosophiques, dans le «carnet de Londres» avec une référence implicite à Platon : « Quelque chose de mystérieux dans cet univers est complice de ceux qui n'aiment que le bien". » 

C'est donc sur un message d'espoir que se clôt ce maître livre, cependant que son auteur, une femme de trente-quatre ans, va bientôt mourir, et de désespoir; car elle a oublié qu'elle était, elle aussi, la fille du maître, l'enfant de la maison. >>>>>>>>>>>>>>>>

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 https://www.lefigaro.fr/faits-divers/mysticisme-rejet-de-la-science-ecolos-radicaux-dans-le-secret-du-village-d-eourres-la-petite-mecque-du-mouvement-new-age-20220708

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 https://madame.lefigaro.fr/celebrites/actu-people/en-plein-defile-a-paris-north-west-9-ans-brandit-une-pancarte-stop-et-affiche-son-agacement-20220708

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https://www.liberation.fr/sports/tennis/roland-garros-ll-y-a-clairement-un-changement-generationnel-sur-le-sujet-de-la-sante-mentale-20220528_OHCQTFKNH5DJVFGZ2URPSKG7LQ/

 

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Bac: «Jusqu’où ira-t-on dans la facilité, la médiocrité?»

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«Le phénomène de la ( hq : de l'écrit de sa ... )petite voix intérieure n’est pas universel»

https://www.liberation.fr/culture/livres/le-phenomene-de-petite-voix-interieure-nest-pas-universel-20220629_FKNYQCN2SFAABLAYYDQK4FK3RM/

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Paris, le 17 juin : portrait de la linguiste Hélène Lœvenbruck (Paul Rousteau/Libération)

 

Rencontre avec la chercheuse en linguistique et neurocognition Hélène Lœvenbruck, autrice d’un livre qui décortique une activité mentale très commune: se parler à soi-même

 

par Frédérique Roussel

publié le 29 juin 2022 à 17h29
 

Nous nous parlons un quart du temps à nous-mêmes. Une activité silencieuse et industrieuse : lister des choses à faire, réciter des vers, fredonner un air, se motiver pour un rendez-vous, rejouer un conflit… C’est la fameuse «petite voix», si intime, qui semble se démultiplier quand on se rappelle une conversation ou quand on a l’impression d’écouter quelqu’un d’autre parler dans notre tête. Hélène Lœvenbruck les apprivoise et les décortique à sa manière dans le laboratoire du CNRS de psychologie et neurocognition à Grenoble qu’elle dirige (1). Dans un essai richement référencé, la linguiste montre combien le phénomène du langage intérieur se situe à la croisée de plusieurs disciplines, neurosciences, philosophie, psychiatrie, psycholinguistique et littérature, et combien il n’a pas encore livré tous ses secrets. Entretien.

Qu’est-ce que le langage intérieur ?

 

C’est la parole formulée dans sa tête, qui est antérieure à l’émission de la parole à voix haute. On l’appelle endophasie. La strate la plus développée correspond à celle qu’on entend dans sa tête quand on récite un poème par exemple. Mais certaines phases peuvent être moins formulées, parfois juste des mots, parfois seulement un concept. Parfois on décide de parler dans sa tête, consciemment, par exemple en se répétant une liste de courses. A d’autres moments, ce n’est pas conscient.

Comment ça pas conscient ?

C’est le fameux vagabondage mental, que défend Gabriel Bergounioux (1). On pourrait le comparer à une sorte de magma avec des éruptions de temps en temps. Vous regardez la colonne de la Bastille, elle suscite une pensée peut-être pas très intéressante qui va passer sous le seuil de la conscience, puis une autre à laquelle on prête cette fois-ci attention. Mon sentiment, c’est qu’on a une parole intérieure qui est inconsciente et qui émerge parfois à la conscience, avec plus ou moins de sensations auditives associées.

Est-ce lié au monologue intérieur de la littérature ?

Les études et expérimentations littéraires sur le monologue intérieur sont nées au moment où les psychologues et philosophes commencent à s’y intéresser à la fin du XIXe siècle. Aux Etats-Unis, William James parle de «flux de conscience» ; en France, Victor Egger consacre sa thèse de philosophie à la Parole intérieure et même Hippolyte Taine avait commencé à réfléchir sur les phénomènes mentaux, en particulier le langage intérieur. Ces recherches ont nourri l’imaginaire des écrivains de l’époque : Edouard Dujardin avec son roman entier en monologue intérieur Les lauriers sont coupés, James Joyce dont on peut citer le soliloque de Molly Bloom à la fin d’Ulysse et qui se réclamait lui-même de Dujardin, Dorothy Richardson, Valéry Larbaud, Virginia Woolf, chacun d’entre eux l’ont retranscrit à leur manière… Tout un faisceau international d’écrivains s’est intéressé à la manière de rendre le flux de pensées d’un personnage à l’écrit, en étant le plus juste possible. Avec le progrès des outils qui permettent de sortir de l’introspection et de la subjectivité, et de réaliser des mesures, les neurosciences se sont emparées de la question.

Est-ce que ce sont des propos toujours cohérents que nous nous tenons intérieurement ?

Certaines personnes ont tendance à utiliser une parole intérieure développée, avec de belles phrases, alors que pour d’autres il s’agit de bribes, d’abrègement du langage. Cela va de la condensation à la dilatation. Le monologue final de Finnegans Wake de James Joyce est un modèle d’endophasie condensée. Ce continuum d’un extrême à l’autre qui dépend des individus a été décrit par de nombreux auteurs. La situation influe aussi : si on doit préparer une conférence, on aura à l’esprit plutôt des mots et des phrases bien posés. De même, si on fait sa valise, on va énumérer les différents objets à emmener. A d’autres moments où il faut aller très vite, on sera moins précis dans notre formulation interne.

Est-ce qu’on ne s’adresse pas aussi à soi-même dans sa tête et même parfois à autrui ?

C’est la deuxième dimension de la voix intérieure. Dans le monologue, on utilise le «je». Certaines personnes disent que c’est leur propre voix qu’elles entendent, d’autres qu’elle est différente, plus neutre, sans inflexion. Un autre cas de figure, c’est l’imitation mentale de quelqu’un d’autre. Exemple : je peux parler dans ma tête en m’imaginant que je suis Dark Vador avec sa respiration terrifiante. Et puis, il y a la possibilité de simuler des dialogues. On peut revivre une conversation de la veille, souvent quand elle s’est mal passée, et imaginer ce qu’on aurait pu répondre. On peut aussi jouer un dialogue intérieur pour se préparer à une conversation à venir. Simuler des dialogues avec autrui, c’est ce qu’on appelle la dialogalité. On peut aussi explorer dans sa tête plusieurs perspectives ou arguments sur une même idée. Je peux dire : «Ah tiens, je vais voter pour X pour telle raison» et puis en fait : «Ce serait mieux Y pour telle autre raison». Dans une enquête pour le Guardian sur la voix dans la tête, Sirin Kale a interviewé une femme qui lui a raconté que quand elle avait une décision importante à prendre dans sa vie, cela prenait la forme d’un dialogue vif entre deux personnes, un couple d’Italiens alors qu’elle est anglaise. Et elle choisit à la fin celui qui a le meilleur argument.

Quelle est la troisième dimension ?

C’est la différence entre endophasie intentionnelle et non intentionnelle, les fluctuations entre des moments où on sait qu’on parle dans notre tête et des moments de vagabondage mental. On peut décider quand démarre et s’arrête la parole délibérée, intentionnelle. La non intentionnelle survient sans qu’on sache pourquoi. On a des stimuli mentaux qu’on se crée soi-même, mais dont on ne contrôle absolument pas ni l’initiation, ni l’interaction. Cela pose plein de questions sur le contrôle de nous-mêmes, de notre pensée, de notre conscience et même de notre libre arbitre. Parfois cela peut aller jusqu’à ne pas savoir si ce qu’on entend on l’a formulé soi-même.

Est-ce entendre des voix à la Jeanne d’Arc ?

Oui, et beaucoup d’écrivains le disent. Dickens affirmait entendre ses personnages et écrire les dialogues sous la dictée. Les chercheurs en endophasie du projet «Hearing the voice» de l’université de Durham ont mené une enquête en 2014 auprès d’écrivains, nombre d’entre eux disaient ne pas avoir la sensation d’être l’auteur de leurs écrits. Le dysfonctionnement d’un des mécanismes du cerveau peut produire l’impression de ne pas être l’auteur de nos pensées, et que la voix vient de l’extérieur. C’est là où on est Jeanne d’Arc, quelqu’un qui entend des voix. Pour moi, comme pour mes collègues à l’université de Durham, il y a une sorte de continuum entre la parole intérieure inconsciente et peu intentionnelle, qui a l’air d’arriver spontanément, et la vraie hallucination auditive, où l’on perçoit une voix avec l’impression que c’est autrui qui nous parle dans notre tête.

Pouvez-vous l’observer scientifiquement ce dysfonctionnement ?

A l’imagerie cérébrale, les régions de la motricité du langage et les régions auditives sont activées normalement. Mais, alors qu’habituellement elles sont connectées, cette boucle semble interrompue chez la personne qui entend des voix. Donc elle entend quelque chose dans sa tête, mais elle n’a pas la sensation de l’avoir produit elle-même. On ne sait pas expliquer cette déconnexion dans le cerveau. On commence à en avoir des traces objectives par l’imagerie mentale. Lucile Rapin, une doctorante de notre laboratoire qui a travaillé avec un spécialiste des hallucinations mentales chez les patients schizophrènes à l’université de British Columbia à Vancouver, a ainsi pu observer par l’imagerie mentale cette absence de connexions entre ces deux régions, et également une activité des muscles et des lèvres de la personne en train d’avoir une hallucination auditive grâce à de petits capteurs électromyographiques.

A-t-on tous une petite voix intérieure ?

Plein de théories ont été élaborées à partir de l’acception que tout le monde se parle à soi-même. Si on remonte aux travaux d’Hippolyte Taine, de Francis Galton aux Etats-Unis et même Jean-Martin Charcot, ils avaient commencé à percevoir que nous ne sommes pas universels dans notre façon de mentaliser le monde. Charcot avait remarqué que des patients affirmaient ne pas avoir de visuel dans la tête. Mais cela n’avait jamais constitué un vrai objet d’études, jusqu’à ce qu’en 2010, le neurologue anglais Aden Zeman tombe sur le cas d’un patient qui disait ne plus voir dans sa tête depuis une opération d’angioplastie. Par exemple, quand on lui demandait d’imaginer un tigre, il savait bien que c’était un félin à rayures, mais il n’avait pas de sensation visuelle. Après avoir publié son article, Zeman a reçu des centaines de courriers de gens qui disaient être ainsi depuis leur naissance et que cela n’avait rien de spécifique. Avec son équipe, ils ont inventé le terme d’aphantasie, qui peut être visuelle mais aussi auditive. Si on demande à un aphantasique d’imaginer un bruit de klaxon, il ne peut pas. Il sait ce que c’est qu’un klaxon, reconnaît le son, mais il ne peut pas le simuler dans sa tête. De même pour le goût, l’odorat, le contact… On en est venu à parler d’aphantasie multimodale, soit une modalité, soit plusieurs, soit toutes en fonction des individus. Le phénomène de petite voix intérieure n’est donc pas universel, et on estime selon les études, que l’aphantasie concerne entre 2 et 6 % de la population.

Est-ce que cela complique l’existence ?

Dans certains cas, c’est un inconvénient : quand on a besoin de visualiser, de retenir des choses comme un numéro de téléphone. Personnellement, si je ne me le dis pas dans la tête ou si je ne le vois pas écrit, j’ai du mal à m’en souvenir… Les aphantasiques trouvent une autre stratégie. Ils ont une mémoire acérée du factuel, mais qui n’est pas riche en détails sensoriels. Par contre, ils n’ont pas de flash-back et sont moins à la merci d’images intrusives en cas de stress post-traumatique. Un deuxième avantage, sur lesquelles nous effectuons actuellement des mesures à Grenoble, tiendrait dans une plus grande rapidité de traitement.

A quoi sert la voix intérieure ?

Tout ce qui est autocritique («J’aurais dû faire ça», «J’ai encore oublié ça…») contribue à s’améliorer. La voix intérieure contribue à l’autorégulation, l’automotivation, l’autoencouragement… Elle a un grand rôle dans ce qu’on appelle l’autonoèse, la connaissance de soi. C’est plus que la conscience d’être soi-même, c’est se construire une identité stable dans le temps. On n’est pas le même aujourd’hui que dans l’enfance ou qu’il y a dix ans, et pourtant on a le sentiment très fort d’être la même personne. Et ce sentiment se nourrit de tout ce qu’on se dit sur soi-même, de souvenirs évoqués, de ce qu’on se projette sur ce qu’on sera plus tard, cette capacité qu’on a de se faire des récits intérieurs.

(1) D’autres labos en France travaillent sur le langage intérieur, en particulier le programme Monologuer coordonné par Stéphanie Smadja à l’université Paris-Cité et le Laboratoire ligérien de linguistique à l’Université d’Orléans sous la direction de Gabriel Bergounioux.
Hélène Lœvenbruck, le Mystère des voix intérieures, Denoël, 350 pp., 19 € (ebook : 13,99 €).

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8 avril 2014 à 16 h 04

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Vous lisez ce texte et il est plus que probable que vous vous entendiez le lire dans votre tête. Ce phénomène porte un nom: inner speech, traduit en français par parole intérieure. «C’est la petite voix que l’on entend à l’intérieur de notre tête, qui nous ancre dans notre personnalité et qui joue un grand rôle dans notre quotidien, en nous facilitant la vie ou en nous causant des problèmes», affirme Lucile Rapin, chercheuse postdoctorante au Département de linguistique. La jeune femme est l’une des auteures d’un article paru récemment dans la revue Behavioural Brain Research faisant état des avancées de la recherche sur la parole intérieure.

À ce jour, les chercheurs s’entendent pour définir deux types de parole intérieure. La parole intérieure volontaire – lorsque, par exemple, on compte des objets dans notre tête ou qu’on se repasse le récit d’une journée – et la parole vagabonde ou spontanée. «Celle-ci survient surtout en état de repos ou en début de phase de sommeil», explique la chercheuse.

Depuis l’avènement de l’imagerie cérébrale, on sait que les deux types de parole intérieure activent des réseaux neuronaux différents dans le cerveau. «Plusieurs recherches ont été réalisées sur le sujet, mais il reste encore beaucoup de questions sans réponse, car il n’y a aucun corrélat externe pour analyser le phénomène dans toute sa complexité», précise Lucile Rapin.

Un rôle cognitif

Les récentes études attribuent à la parole intérieure un rôle crucial sur le plan cognitif. La petite voix dans notre tête serait un atout précieux à la mémoire de travail, nous aiderait à passer d’une tâche à une autre et à résoudre des problèmes. Elle entrerait aussi en jeu dans la régulation de notre attention et de nos comportements.

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Lucile Rapin. Photo: Nathalie St-Pierre

La parole intérieure est toujours présente, souligne Lucile Rapin. «C’est l’état mental de chacun qui détermine si elle est utilisée à bon escient ou non. Parfois c’est un choix conscient, alors que d’autres fois ce sont des conditions psychologiques et/ou psychiques hors de notre contrôle qui nous poussent à ruminer certains événements. C’est le cas notamment des personnes dépressives, qui peuvent avoir de la difficulté à restreindre leurs pensées négatives, ou alors des schizophrènes, qui ont des hallucinations auditives.»

La chercheuse connaît bien les hallucinations auditives verbales des schizophrènes, puisqu’elle y a consacré sa thèse de doctorat à Grenoble. «La schizophrénie est un désordre de la parole intérieure, souligne la chercheuse. Les schizophrènes sont convaincus que les voix qu’ils entendent ne proviennent pas de leur propre tête.»

Notre voix intérieure

Savoir que c’est la nôtre constitue d’ailleurs l’une des caractéristiques les plus fascinantes de cette petite voix intérieure qui nous accompagne au quotidien. «Nous avons conscience que c’est notre voix et non pas celle de quelqu’un d’autre, explique Lucile Rapin. On voit aussi ce phénomène sur le plan moteur quand on tente de se chatouiller soi-même. C’est impossible car le cerveau bloque cette réponse-là. Il sait que c’est nous qui le faisons.»

Chez les schizophrènes, la comparaison voix intérieure/voix extérieure ne fonctionne pas. Ils entendent leur voix intérieure avec la même forme linguistique, la même hauteur et le même ton que si c’était la voix d’autrui. Pire, ils entendent plusieurs voix, sans être capables de reconnaître qu’ils en sont les producteurs.

L’apparition de la petite voix

Comment se développe cette petite voix intérieure? «Certains théoriciens, comme Vygotski [NDLR: un psychologue russe du début du XXe siècle],  croient que la parole intérieure est développementale, c’est-à-dire que très jeunes, les enfants expriment tout ce qui leur passe par la tête à voix haute, explique Lucile Rapin. Ils développent ensuite le langage semi-privé, où ils se parlent à eux-mêmes oralement. Ils font des jeux de rôle avec leurs jouets, ils discutent seuls, c’est l’âge des copains imaginaires. Ensuite ce langage privé serait intériorisé.»

Mais d’autres théories n’associent pas nécessairement la parole intérieure au langage. «Des études récentes ont démontré que des bébés distinguent les mots de deux syllabes des mots de trois syllabes alors qu’ils ne parlent pas encore, note la chercheuse. Ce qui supposerait une forme de pensée qui précéderait l’acquisition du langage.»

Il y a encore plusieurs recherches à mener sur la parole intérieure pour comprendre ses formes et ses rôles, poursuit Lucile Rapin, qui participe présentement à une recherche afin de mieux saisir comment notre cerveau peut nous faire entendre la voix de notre mère, par exemple, en parole intérieure. Il s’agirait d’un sous-type de la parole intérieure volontaire qui intrigue les chercheurs.

Postdoctorat

Sous la direction de la professeure Lucie Ménard, Lucile Rapin travaille aussi sur la production et la perception de la prosodie chez des enfants autistes âgés entre 6 et 10 ans, plus spécifiquement sur l’absence d’emphase contrastée. «L’emphase contrastée, c’est quand on accentue une partie d’un message linguistique, comme dans C’est cet arbre! On hyperarticule, on met l’accent sur le mot. Puisque les enfants autistes ont souvent des troubles de communication, on essaie de comprendre si ce trait est déficitaire. Les premières études démontrent qu’ils ont plus de difficulté à reconnaître cet accent et à le produire. Je me penche sur l’aspect articulatoire, pour vérifier si leur contrôle de mâchoire et de

 

 

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Thomas Dutronc : « Mon père m’impressionnait, je sentais qu’il n’était pas comme les autres »

Le chanteur évoque avec émotion la tendresse et la fantaisie de son père, Jacques, avec qui il partage la scène en tournée cet été puis à la rentrée.

Par

Publié le 01 juillet 2022
"Thomas Dutronc, enfant, dans les bras de son père, Jacques."

 

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« C’est ma mère qui a pris cette image de mon père et moi, tout petit. Elle faisait toujours des photos de nous, avec un téléobjectif, serrés de près, et remplissait de très beaux albums, qu’elle a encore aujourd’hui. Ce cliché a sûrement été pris dans le jardin de la maison, à Paris, que mes parents avaient autrefois. Mon père me tient tendrement dans ses bras. Ça me touche de le voir tout doux. Même s’il était très aimant et très affectueux, ce n’était pas son genre d’être comme ça. Il était plutôt du style à tout faire pour me faire rire.

Ma mère et ma grand-mère maternelle, qui était très présente, étaient plus strictes, me donnaient un cadre, lui était plus léger. Je me souviens d’un jour, quand j’avais 5 ou 6 ans, où, comme ça, il m’avait donné un « Pascal », un billet de 500 francs. Je m’étais empressé d’aller avec lui au magasin de jouets acheter un bateau pirate. De retour à la maison, il s’était fait sacrément engueuler. Il m’impressionnait, parce que je sentais qu’il n’était pas comme les autres pères. Il adorait déjà les gadgets. Dans sa voiture, une sorte d’énorme 4 × 4, il avait un distributeur de boissons. C’était dingue.

Petit minet de père en fils

Il y a quelque temps, quand on a commencé à chanter ensemble, je me suis retrouvé dans sa voiture, un grand van. Et puis, un soir, il s’est mis à actionner une télécommande pour baisser le rideau entre les sièges avant et arrière. Il était tout content, et moi aussi, comme quand il me montrait le café qui tombait dans les gobelets de sa voiture. J’étais à nouveau un gosse. Ce petit gars qui, sur la photo, porte un blouson de cuir, comme son papa.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Musique : Dutronc et Dutronc, accords à deux voix

J’ai un vague souvenir de cette veste, d’ailleurs très jolie. Plus tard, on m’a affublé d’habits pas possible, des anoraks fluo… Il a fallu attendre l’adolescence pour que je retrouve des habits dignes. Et j’allais piquer dans son armoire. Je me souviens lui avoir chourré un portefeuille de bikeur avec une tête de mort sur lequel était écrit : « Live to ride, ride to live ». Je me baladais avec un peigne, des chaussures en cuir, un blouson Harrington. Un vrai petit minet… Sur ce point-là, comme sur tant d’autres, il a été un vrai modèle. »

Dutronc & Dutronc, cet été à Montreux, Aix-les-Bains, Nîmes, Carcassonne, La Rochelle, Patrimonio… Puis à la rentrée dans toute la France et le 21 décembre à l’AccorHotels Arena.

 

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Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Jacques Dutronc, né en 1943, a mis du poil à gratter dans les années 1960 avec ses chansons aux mélodies accrocheuses sur des textes insolents de Jacques Lanzmann. Thomas Dutronc, né en 1973, est tombé amoureux de la guitare en écoutant Django et a fait la pompe pour ses amis gitans avant de se risquer dans la chanson. Pour la première fois, ils montent ensemble sur scène, et c’est à Montreux que la fabuleuse jonction a eu lieu en première suisse.

A lire: Quand Jacques Dutronc s’éveille

Père et fils attaquent avec Et moi, et moi, et moi, un protest song de 1966 dont ils se partagent les couplets. Evidemment, les paroles sont un tantinet obsolètes. Les 500 millions de Chinois ont triplé depuis 1966 et le nom de Catherine Langeais ne dit plus grand-chose aux jeunes générations. Peu importe: la dénonciation de l’indifférence à autrui reste d’actualité: «J’y pense et puis j’oublie C’est la vie, c’est la vie…» Ils enchaînent sur La Fille du Père Noël, rugueux comme le rock du bayou, et On nous cache tout, on nous dit rien, excellente prémonition des fake news contemporaines.

Swing manouche

A la section rythmique (batterie, basse, claviers) s’ajoutent deux guitares, tenues par Rocky Gresset, tsigane fiévreux, et Basile Leroux, bluesman déchirant – sans oublier Thomas qui n’est pas manchot. Ils attaquent à trois guitares J’aime plus Paris, une chanson de Dutronc le jeune, vraie fête du swing manouche. A la fin, le gamin demande à son daron: «Tu n’avais pas aussi une chanson sur Paris?». «Un peu facile comme enchaînement», le gourmande le paternel qui entonne toutefois le merveilleux Il est cinq heures, Paris s’éveille. Ils règlent à deux voix leurs comptes avec l’autorité (Fais pas ci, fais pas ça), puis partent en goguette avec J’aime les filles. «De chez Renault», bien sûr, mais aussi «du canton de Vaud» et «de toute la Suisse». Ambiance, bonne humeur…

Avec les Dutronc, la nostalgie s’avère souriante, légère, émue. Les deux polissons nous ramènent aux folles années 1960, ils nous réconcilient avec le temps envolé. La ressemblance physique entre Jacques et Thomas est troublante, elle paraît relever davantage du clonage que de l’hérédité. Leurs voix se ressemblent. Celle du père est étonnamment conservée malgré les abus; celle du fils, plus claire, sonne comme celle du père un demi-siècle plus tôt – mais le blanc-bec ne trouve pas la modulation indispensable au «encore» qui relance Les Playboys.

Crac boum hue!

D’une qualité indéniable, les chansons du benjamin ont un impact moindre que les tubes cinquantenaires de l’ancien, car elles ne sont pas chargées de souvenirs. Tout fringant, Jacques n’en est pas moins fatigué. Il prend des pauses au bar du fond de scène, mais tourne ses 79 balais en dérision. Il remercie l’organisateur d’avoir mis à sa disposition un tabouret et non un déambulateur. Il esquisse quelques pas de twist arthritique et troque ses santiags contre des charentaises…

Samedi soir au Montreux jazz: Diana Ross, «the boss» pour toujours

Deux chansons tendres, Gentleman cambrioleur et Le Petit jardin, précèdent la séquence émotion, une adresse à Françoise Hardy, atteinte dans sa santé. Son image apparaît au fond du bar pendant une version instrumentale du Temps de l’amour, son grand succès. Puis les deux godelureaux chantent à l’unisson Les Playboys et leur «joujou extra qui fait crac boum hue». Les spectateurs assurent à gorge déployée les «choup choup bi dou-ouah» structurant les couplets. Merde in France balance impeccablement lorsque survient une… coupure de courant! Flottement, Jacques se retire, les musiciens improvisent un blues poignant, Rocky interprète en virtuose What A Wonderful World. L’électricité revient, Jacques aussi et, cacapoum, cacapoum, ça redémarre à plein pot. Il reste à finir en beauté avec Les Cactus, immarcescible dénonciation des cruautés de l’existence. «Le monde entier est un cactus, il est impossible de s’asseoir». Aïe aïe aïe! Ouille! Et merci pour tout.

 

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05.07.22

Violences sexuelles

Inceste: le «syndrome d’aliénation parentale», travail de sape de la parole des mères

Article réservé aux abonnés
Ne reposant sur aucune base scientifique, le syndrome est souvent invoqué pour discréditer les mères, accusées d’instrumentaliser leurs enfants qu’elles tentent de protéger de leur père violent. La commission sur l’inceste, la Ciivise, s’en alarme.

par Marion Dubreuil

publié le 5 juillet 2022 à 19h32
(mis à jour il y a 39 min)

«Quand je l’ai quitté en juillet 2018, il a commencé à me suivre au travail, à m’inonder d’appels et de SMS, raconte Karine (1), originaire de la région Centre-Val de Loire. J’ai mis ça sur le compte de la séparation.» Karine passe l’éponge, elle veut «arrondir les angles pour les enfants», les deux filles âgées de 3 ans et 18 mois dont elle et son ex-conjoint partagent la garde. Un soir d’octobre 2018, Fanny (1), l’aînée, se recroqueville sous la douche et dit à sa mère : «Papa me donne des tapes sur le “zouzou”» en mimant le geste de taper son sexe. Dès le lendemain, Karine dépose plainte pour atteinte sexuelle. Lors de son audition face à trois gendarmes, la petite fille pleure et hurle «non» dès qu’on lui pose une question, puis se réfugie sous la table et murmure «peur». Le père, convoqué en audition libre, admet qu’il donne des fessées à sa fille quand elle fait «une grosse crise». Fanny a dû confondre les fesses et le sexe, avance-t-il. L’homme «soupçonne son ex-conjointe d’avoir monté cette histoire pour obtenir seule la garde des enfants». Sept mois plus tard, l’enquête est classée sans suite faute de preuves, comme 70% des plaintes pour violences sexuelles sur mineurs.

En septembre 2019, le juge aux affaires familiales tranche pour la première fois sur la garde des enfants : il concède un droit de visite en journée au père pour Fanny et une garde partagée pour sa petite sœur Sarah (1). Jusqu’au mois de janvier 2020, où Sarah se plaint de fortes douleurs à la vulve. Un médecin urgentiste constate un œdème et des rougeurs sur le sexe de la petite fille de 2 ans et demi. Karine dépose une deuxième plainte pour atteinte sexuelle. Lors de son audition, le père accuse son ex-conjointe : «Elle manipule mes filles.» Il mentionne un article sur l’aliénation parentale consulté sur Internet : «C’est exactement ce que je vis.»

 

«Le procès d’Outreau, un terreau favorable»

Le syndrome d’aliénation parentale (SAP) a été théorisé par le psychiatre américain Richard Gardner en 1985 comme «un trouble de l’enfance qui survient dans le contexte de conflits relatifs à la résidence des enfants. Sa première manifestation est la campagne de dénigrement injustifiée menée par l’enfant contre un parent» après un «lavage de cerveau». D’après lui, 90% des mères sont aliénantes dans les divorces conflictuels, et lorsqu’il y a des allégations d’inceste, elles seraient alors fausses.

«Le procès d’Outreau et la remise en question de la parole des enfants a été un terreau favorable pour l’émergence du SAP en France dans les années 2000», déplore Marie Grimaud, avocate spécialisée dans la protection de l’enfance. Le psychiatre Paul Bensussan, expert judiciaire cité par la défense au procès d’Outreau de 2004, assure depuis vingt ans la promotion de l’aliénation parentale. C’est lui qui a expertisé Virginie (1) en décembre 2013. Cette mère qui réside en région parisienne avait déposé plainte pour viols et agressions sexuelles incestueux sur sa fille Camille (1), 3 ans, dont le comportement avait brusquement changé : «Dans le bain, elle positionnait la tête d’un jouet dans l’entrejambe de l’autre. Elle disait avoir la bouche sale et évoquait un secret avec son papa.» Une enquête pénale est ouverte. Dans son rapport d’expertise, que Libération a consulté, Paul Bensussan conclut, sans avoir rencontré la petite fille : «Camille a une représentation anxiogène de la figure paternelle : ce qui est bien sûr compatible avec l’hypothèse d’un abus sexuel mais tout aussi compatible avec celle d’un abus fantasmé, dont sa mère n’est évidemment pas en mesure de la protéger, puisqu’elle est elle-même très envahie par une conviction proche d’une certitude inébranlable.»

Le SAP, «controversé et non reconnu»

«Les accusations d’aliénation parentale sont un moyen d’isoler, contrôler et contraindre le parent protecteur et l’enfant», estime Andreea Gruev-Vintila, docteure en psychologie sociale, spécialiste du contrôle coercitif. En 2018, le ministère de la Justice émet une note interne pour informer du caractère «controversé et non reconnu» du SAP. Ce syndrome n’a pas de fondement scientifique, il n’a d’ailleurs jamais été inscrit dans le registre américain des troubles mentaux qui fait référence. Paul Bensussan est aujourd’hui visé par une plainte collective au civil et devant le conseil de l’ordre portée par quatre structures spécialisées dans la lutte contre les violences sexuelles et la protection de l’enfance. Révélée par Mediapart et également consultée par Libération, cette plainte demande des sanctions disciplinaires à son égard et son retrait de la liste des experts près la cour d’appel de Versailles dans des dossiers de violences sur mineurs. Contacté par Libération, Paul Bensussan n’a pas souhaité s’exprimer, «préférant réserver ses réponses aux juridictions compétentes». Le 23 juin, l’audience de conciliation devant le conseil de l’ordre des médecins des Yvelines a échoué, et la plainte transmise à la chambre disciplinaire de l’ordre d’Ile-de-France. «Paul Bensussan se range du côté des pères, regrette Laurent Layet, président de la Compagnie nationale des experts psychiatres près les cours d’appel. Ce n’est pas la place d’un expert dont le rôle est d’éclairer une procédure.»

Paul Bensussan n’est pas le seul professionnel convaincu par l’aliénation parentale. Le SAP a imprégné durablement les pratiques de la chaîne judiciaire. «C’était un outil commode», admet Jean-Michel Permingeat, membre du comité directeur de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. A la retraite depuis deux ans, il a exercé pendant trois décennies comme juge des enfants et juge aux affaires familiales : «Le SAP permettait de catégoriser les comportements d’un parent cherchant à faire obstacle entre les relations d’un enfant et l’autre parent.»

«Quand il est associé à une plainte du père pour non-représentation d’enfant et à un classement sans suite pour violences, le syndrome d’aliénation parentale contribue à acter le transfert de garde vers l’agresseur», analyse le docteur en sociologie Pierre-Guillaume Prigent, qui a mené avec la chercheuse Gwénola Sueur des entretiens auprès de vingt femmes accusées d’aliénation parentale. C’est ce qui est arrivé à Virginie. Le 25 février 2014, elle perd la garde de sa fille au profit du père, moins d’un an après sa plainte. Entre-temps, l’enquête pour viols est classée sans suite et Virginie condamnée deux fois pour non-représentation d’enfant. Sur les 702 condamnations prononcées à ce sujet en 2018, 80% concernaient des femmes. La juge aux affaires familiales a reproché à Virginie d’avoir une «attitude intransigeante» et de «refuser même l’hypothèse d’une mauvaise interprétation de sa part». Camille a été remise à son père dans un commissariat, et Virginie a dû se contenter de visites sous la surveillance d’un psychologue.

C’est la menace qui pèse aujourd’hui sur Karine. Depuis trois ans, elle refuse de remettre ses filles à leur père, qui a déposé 45 plaintes pour non-représentation d’enfant. Lui a toujours été entendu libre sur les allégations d’inceste le visant ; elle a déjà fait trois gardes à vue. Le 30 mai, Karine a été jugée pour non-représentation d’enfant au tribunal correctionnel du Mans. Rapidement, le juge met en doute les allégations d’inceste, «le discours presque robotique» de ses deux filles. «Des rougeurs sur le sexe, ça arrive fréquemment chez les enfants», affirme le magistrat, qui interroge Karine sur l’inceste qu’elle aurait elle-même subi. Le juge reprend les allégations de son ex-conjoint à ce sujet, que Karine conteste pourtant. Selon lui, elle chercherait à obtenir justice par procuration à travers ses filles. «Le SAP colle véritablement à ce dossier, plaide Me Aouatef Braber, avocate du père. Madame se sert de ses enfants pour faire du mal.» Karine a finalement été condamnée, le 22 juin, à dix mois de prison avec sursis probatoire et injonction de soins pendant deux ans ainsi que 2000 euros de dommages et intérêts. Elle a immédiatement fait appel.

Culture de la protection

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a recueilli plus de 300 témoignages de «mères en lutte» s’affirmant en situation de déni de justice et demandant la mise en place d’une culture de la protection. Dans un avis d’octobre, la Ciivise préconise de suspendre l’autorité parentale et les droits de visite du parent poursuivi pour inceste, mais aussi de suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfant contre l’autre parent.

Un mois plus tard, le Premier ministre a pris un décret qui demande aux magistrats de vérifier les allégations de violences sur mineur quand un parent est poursuivi pour non-représentation d’enfant et de faire appliquer l’état de nécessité, c’est-à-dire reconnaître qu’un parent était obligé d’enfreindre la loi pour protéger son enfant. Ce décret est en vigueur depuis le 1er février mais il est difficile d’en mesurer l’impact.

En attendant, le SAP est une étiquette qui colle à la peau. Cela fait huit ans que Virginie n’a pas le droit de voir sa fille Camille seule. Il y a deux ans, elle a cessé de jouer le jeu judiciaire des visites en présence d’un tiers. «J’ai dit à ma fille “je refuse de te voir sous surveillance alors que je ne suis pas dangereuse. Ma porte t’est ouverte, elle le sera toujours”. Les décisions que je prends aujourd’hui sont importantes pour sa construction demain.»

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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Jésus, nouvel Adam ...Maurice Zundel

 https://mauricezundel.com/jesus-nouvel-adam/

.Jésus ressuscité tire Adam des Enfers. Eglise Saint-Sauveur-in-Chora, Istanbul.

 

.Jésus est l’Homme, non pas seulement un homme, mais Celui qui porte toute l’espèce, Celui qui rassemble toutes les générations, Celui qui est à l’intérieur de chacun pour l’orienter vers tous les autres.

.

Et, si on peut parler d’une humanité une, d’une humanité qui constitue une seule histoire à travers les siècles, à travers l’espace, c’est dans la mesure où il y a Quelqu’un qui la totalise en Lui, qui la vit dans tous ses foyers, qui est intérieur à chacun de ses membres et qui permet à chacun, en se dépassant, de devenir tous les autres, en apportant justement à la communauté ce bien commun qu’il est devenu, en faisant fructifier en lui la grâce et la Présence de Dieu.

Il y a là quelque chose qui nous touche dans nos fibres les plus humaines. Notre Seigneur, justement parce qu’Il est une humanité infiniment réelle, mais une humanité dépouillée de toutes frontières, une humanité d’une qualité unique, une humanité absolument transparente, une humanité infiniment ouverte sur chacun de nous, parce qu’Il est chez Lui à l’intérieur des autres, Notre Seigneur est seul capable de nous rassembler.

Jésus est infiniment ouvert, du côté de Dieu comme du côté de l’homme, puisque c’est la même chose.

Et, si l’on peut parler d’une humanité, d’une histoire humaine, d’une vocation humaine qui va du premier couple jusqu’à la fin du monde, c’est dans la mesure où le Christ en est le centre, où l’histoire fait en Lui un nouveau départ, où Il est la nouvelle origine, où tout l’univers reprend en Lui une nouvelle naissance, c’est dans la mesure où il est véritablement le Second Adam.

Nous voyons bien qu’une telle plénitude et une telle ouverture supposent que Jésus est infiniment ouvert, du côté de Dieu comme du côté de l’homme, puisque c’est la même chose. Quand nous nous fermons à Dieu, nous nous fermons aux autres… Quand nous nous ouvrons à Dieu, nous nous ouvrons aux autres.

C’est justement de là que nous devenons peu à peu des personnes, que nous émergeons de notre moi animal et propriétaire, que nous devenons à la fois un élan vers Dieu et un élan vers l’humanité. Et, si Notre Seigneur est dans cette ampleur intime le Fils de l’Homme, c’est parce qu’Il est à un degré infini, unique et incomparable, le Fils de Dieu.

Nous retenons donc que Notre Seigneur, dans son humanité, est à la fois le sacrement vivant et inséparable du Verbe de Dieu en qui Il subsiste, le sacrement vivant qui nous communique la Divinité et, en même temps, le Médiateur entre les hommes, Celui qui les représente, qui les unit, qui les vit tous et chacun comme une mère, comme la plus parfaite des mères.

Cela suppose, dans l’histoire et dans la carrière de Notre Seigneur, une tragédie qu’il est absolument impossible de se représenter, puisque, dans une vie si brève qui tient en trente-trois ans au maximum, dans une vie si brève et en un point du temps et en un point de l’espace, dans ce petit canton de la Galilée et de la Judée, il a dû vraiment assumer toute l’Histoire.

 

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07.07.22

Sois toi et change le monde - Et si c'était le moment ?

 
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La résurrection de la chair

https://catechese.catholique.fr/references/nos-publications/loasis/loasis-7-resurrection-chair/

 

L'Oasis n°7 couverture

 

L’éditorial

« Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » (Genèse 3,19).

Le mercredi des cendres, nous avons commencé ainsi notre carême. Le texte hébreu originel fait plus écho à la « terre » qu’à la poussière. Il se réfère à cette terre que Dieu, grâce à son souffle, a modelé en homme et femme, à la différence de tous les autres êtres créés. Donc au début de la création, face au péché originel, la Parole de Dieu n’était pas une menace de vengeance mais plutôt une promesse et une révélation inouïe.

Cette « terre » ne coïncide pas non plus avec la terre promise vers laquelle Moïse et son peuple marchaient. Il ne s’agit pas d’un territoire mais d’une liberté, d’un don.

La terre nouvelle à laquelle, par la grâce de Dieu, nous parviendrons après la victoire sur la mort est celle d’une nouvelle chair encore une fois revivifiée par le souffle de Dieu.

Cette chair est déjà celle de Jésus, le Ressuscité. Une chair capable d’aimer dans la plénitude de ses moyens, pour toujours.

Bonne fête de Pâques !

Pietro Biaggi, directeur adjoint du SNCC, rédacteur en chef.

 

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LA LIBERTÉ DE L’HOMME

 

 
COMPENDIUM

DU

CATÉCHISME
DE
L’ÉGLISE CATHOLIQUE

Copyright © 2005 – Libreria Editrice Vaticana, 00120 Città del Vaticano

 https://www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html#PREMI%C3%88RE%20PARTIE

 

 

EXTRAIT

 

363. Qu’est-ce que la liberté?

1730-1733
1743-1744

C’est le pouvoir donné par Dieu à l’homme d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi soi-même des actions délibérées. La liberté caractérise les actes proprement humains. Plus on fait le bien, et plus on devient libre. La liberté tend à sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre bien suprême et notre béatitude. La liberté implique aussi la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Le choix du mal est un abus de notre liberté, qui conduit à l’esclavage du péché.

364. Quel rapport existe-t-il entre liberté et responsabilité?

1734-1737
1745-1746

La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires, même si l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées et parfois supprimées, en raison de l’ignorance, de l’inadvertance, de la violence subie, de la crainte, des affections immodérées, des habitudes.

365. Pourquoi tout homme a-t-il le droit d’exercer sa liberté?

1738
1747

À tout homme appartient le droit d’exercer sa liberté, car celle-ci est inséparable de sa dignité de personne humaine. Un tel droit doit donc toujours être respecté, notamment en matière morale et religieuse. Il doit être civilement reconnu et protégé, dans les limites du bien commun et de l’ordre public juste.

366. Quelle place tient la liberté humaine dans l’ordre du salut?

1739-1742
1748

Notre liberté est fragile à cause du premier péché. Cette fragilité devient plus aiguë avec les péchés ultérieurs. Mais le Christ « nous a libérés, pour que nous soyons vraiment libres » (Ga 5,1). Par sa grâce, l’Esprit Saint nous conduit à la liberté spirituelle, pour faire de nous ses libres collaborateurs, dans l’Église et dans le monde.

367. Quelles sont les sources de la moralité des actes humains?

1749-1754
1757-1758

La moralité des actes humains dépend de trois sources : l’objet choisi, c’est-à-dire un bien véritable ou apparent, l’intention du sujet qui agit, c’est-à-dire la fin qui motive l’acte, les circonstances de l’acte, y compris les conséquences.

368. Quand l’acte est-il moralement bon?

1755-1756
1759-1760

L’acte est moralement bon quand il y a en même temps la bonté de l’objet, de la fin et des circonstances. L’objet du choix peut à lui seul vicier toute une action, même si l’intention est bonne. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’en résulte un bien. Une fin mauvaise peut corrompre l’acte, même si son objet en soi est bon. À l’inverse, une fin bonne ne rend pas bonne une conduite qui est mauvaise en raison de son objet, car la fin ne justifie pas les moyens. Les circonstances peuvent atténuer ou augmenter la responsabilité de l’auteur, mais elles ne peuvent modifier la qualité morale des actes eux-mêmes. Elles ne rendent jamais bonne une action mauvaise en soi.

369. Y a-t-il des actes toujours illicites?

1756, 1761

Il y a des actes dont le choix est toujours illicite en raison de leur objet (par exemple le blasphème, l’homicide, l’adultère). Leur choix comporte un désordre de la volonté, à savoir un mal moral qui ne peut être justifié par la considération des biens qui pourraient éventuellement en résulter.

 

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08.05.22

 

L’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe dans « un état très grave » après avoir été blessé par balle

 

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https://www.homocoques.com/aurobindo4page.JPG

 

 

I Satprem - Sri Aurobindo ou l'aventure de la Conscience

 video-lecture Jean Naroun

 

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Agiter Dieu

 

Dans la mystique juive, à la quelle tu ne t'es jamais intéressé, et sans doute est-ce ma faute, on dit qu'il faut agiter Dieu pour qu'il parvienne. Agiter Dieu.

Toi, mon petit, tu n'agites pas grand chose, n'est-ce pas?

Agiter Dieu.

Dieu n'existe pas mais on lui fait une place, on fait un petit pas en arrière pour qu'il vienne au monde et tous les jours et plusieurs fois par jour et pendant toute une vie. Il n'y a de réel qu'en sa volonté, le monde mon garçon, c'est ce que nous voulons impatiemment.

Yasmina Reza, Une désolation, p55

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Traces d'anthropologie mystique dans Le sujet radical d'Aleksandr Douguine

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/10/13/traces-d-anthropologie-mystique-dans-le-sujet-radical-d-aleksandr-douguine.html

René-Henri Manusardi

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/cenni-di-antropologia-mistica-sul-soggetto-radicale-di-aleksandr-dugin?fbclid=IwAR30-k1SaDcG11wd4fdiCw1U1YbikqIMDwP8530Fugsfqn960YCjNBQoyUU

 

 

Tradition ist nicht die Anbetung der Asche, sondern die Weitergabe des Feuers. La tradition n'est pas le culte des cendres, mais la transmission du feu. (Gustav Mahler)

L'esprit de guerre, l'immuabilité de la nature humaine et le sujet radical

Le Sujet Radical - dans lequel résident le Soleil, la Lumière et la Tradition - est cette épreuve ultime, la fin de la descente cyclique et, peut-être, l'éclat d'un Nouveau Départ. C'est une réalité qui doit être créée, par un esprit actif et radical, qui n'apparaît qu'au moment le plus critique du cycle cosmique.

On a beaucoup parlé de la guerre, et de nombreuses sensibilités différentes ont traversé l'histoire du phénomène belliqueux. De l'Iliade aux Croisades, le sens de l'honneur a prévalu en mettant en exergue l'aspect réparateur des injustices subies. Des Croisades à la Renaissance, la part du lion a été prise par le caractère sacré de la guerre et l'aspect expiatoire de la mort visant l'entrée victorieuse dans le Royaume des Cieux. De la Renaissance à l'ère moderne, la guerre est devenue une technologie de plus en plus raffinée et sanglante, soutenue par le principe "la fin justifie les moyens", propre de la nouvelle amoralité machiavélique. De la Modernité à l'ère post-moderne, la guerre devient idéologique: désintégration des empires, comme but maçonnique; hygiène des peuples, comme but nationaliste et futuriste; justice sociale et vocation impériale, comme but fasciste; impérialisme économique et exploitation des peuples, comme but capitaliste; lutte des classes et matérialisme, comme social-communiste; expansion territoriale bio-ethnique, comme but national-socialiste. Dans notre actualité post-moderne, la guerre devient finalement la nécessité néo-malthusienne, propre du transhumanisme voulu par les seigneurs de l'or qui se réunissent à Davos, ainsi qu'à leur enrichissement financier avec l'industrie florissante de l'armement, notamment l'industrie aérospatiale hautement technologisée.

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Le tableau historiquement complexe, qui est résumé ici, semble donc révéler une mutation de la Weltanschauung sur l'"esprit de guerre", qui, à partir du 16ème siècle, a perdu l'homogénéité éthico-sacrée propre à l'antiquité gréco-romano-barbare et au christianisme romano-germanique, essentiellement théocentriques, au profit d'un anthropocentrisme radicalement renaissanciste, puis s'est poursuivi dans la fragmentation idéologique moderne et s'est finalement éteint dans le nihilisme postmoderne contemporain où la guerre est comprise comme la réalisation d'un nouveau matérialisme à la fois euthanasique, financier, technocratique et transhumain, où la centralité de l'action humaine est remplacée par l'Intelligence Artificielle guidée par d'obscurs lobbies participant du pouvoir supranational, dont les intentions, cependant, sont désormais clairement explicitées par eux et non plus dissimulées par le réseau médiatique.

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Cependant, si l'esprit de la guerre avec ses justifications - des plus spirituelles aux plus matérielles - a changé au cours des Ages historiques, il ne semble pas en être de même pour la nature profonde de l'être humain. La prétendue mutation anthropologique, parrainée par l'identité de genre LGBT, semble être solidement désavouée par les neurosciences en raison de l'ancrage profond de l'ADN humain, immunisé contre la manipulation et la contamination culturelles, ce qui confirme l'adage scolastique natura non facit saltus, malgré l'alarme légitime lancée par la bioéthique depuis des décennies à cet égard. La seule condition pour provoquer une mutation anthropologique reste le transhumanisme, prôné par les seigneurs de l'or qui, à Davos, planifient un avenir mortifère pour l'espèce humaine : cyborgs, c'est-à-dire des êtres humains technologiquement implantés, animaux humanoïdes, robots équipés d'IA.

Cette mutation anthropologique ratée, cette tentative prométhéenne mal résolue par les stratèges sataniques du nouvel ordre mondial, réalise la vérité métaphysique et métapolitique des mots d'Alexandre Douguine sur le sujet radical : "Le sujet radical est l'acteur de la nouvelle métaphysique, son pôle. Le sujet radical apparaît lorsqu'il est déjà trop tard, lorsque tous les autres et tout le reste ont disparu".

Le sujet radical ne peut pas apparaître plus tôt, car il n'est pas prévu. Il est éveillé par la volonté post-sacrée. La Volonté post-sacrée est ce quelque chose qui ne coïncide pas avec le sacré, mais qui ne coïncide pas non plus avec le néant. C'est le principal attribut du Surhomme. En dehors du sacré, il n'y a que le néant. Cela signifie qu'il n'y a pas de Volonté post-sacrée, et pourtant elle existe. Ce n'est que dans ce mode qu'il peut exister".

Si donc il y a encore l'être humain avec sa nature profonde et inaliénable, s'il émerge en tant que Sujet radical lorsque la civilisation humaine semble définitivement éteinte ou en voie d'extinction, alors il y a encore le guerrier, il y a encore l'esprit de guerre - le plus vrai - l'esprit de la Guerre Sainte pour la Tradition, avec sa réalisation métapolitique de l'établissement de la civilisation planétaire multipolaire.

L'Atman comme archétype guerrier du sujet radical

Le sujet radical est immortel, traverse la mort et constitue la racine du sujet normal - c'est un soleil noir situé dans l'abîme intérieur le plus profond. C'est un sujet apophatique (terme désignant le non encore manifesté) situé au sein du sujet positif, dont il constitue la racine immortelle, invisible et indestructible.

Dans la liquéfaction du monde post-moderne, l'Éveil du Sujet Radical est l'éveil d'une conscience guerrière chaotique et en même temps très intuitive, qui émerge au début de la partie finale du Kali Yuga et au moment de l'inversion de l'Apocalypse. Laissant à d'autres la tâche d'approfondir le substrat prophétique et eschatologique des temps, finis mundi, nous tentons ici une ébauche expérientielle synthétique d'un ordre anthropologique mystique, concernant la manifestation éveillée du Sujet radical.

Dans son être-au-monde, l'éveil du Sujet radical - précisément la racine de la personne - à travers un critère perceptif de réduction phénoménologique, se révèle comme une manifestation soudaine de chàos énergétique pré-logique et, en même temps, d'intuition supralogique lucide. Une telle simultanéité de nature expérimentale, non encombrée par les superstructures logiques de l'être, les superstructures émotionnelles de l'être et la conflictualité émotionnelle/rationnelle permanente desdualités corps/mental et cœur/cerveau, est perçue ab intus comme un retour à sa vraie nature, qui est vécue comme la seigneurie de l'Atman/âme, la domination de l'Atman sur le corps et l'esprit, et la manifestation de l'Atman lui-même d'abord comme une lumière soudaine/satori, puis progressivement comme l'obscurité intérieure, la lumière et enfin le feu.

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Le sujet radical manifeste ainsi une constitution anthropologique avec une prédominance de l'âme-spirituelle, où dans la triade corps-esprit-âme émerge la structure même de l'âme comme co-présence ontologique de l'énergie vitale (chàos dynamique) et de l'essence consciente (présence déiforme), que la philosophie hindoue désigne sous le nom d'Atman.

La kénosis de l'Atman, le choix existentiel, le guerrier ardent

"Nous ne voulons pas restaurer quoi que ce soit, mais revenir à l'Éternel, qui est toujours frais, toujours nouveau : ce retour est donc un mouvement en avant, et non en arrière. Le sujet radical, en outre, se manifeste entre un cycle qui se termine et un cycle qui naît. Cet espace liminal est plus important que tout ce qui vient avant et que tout ce qui viendra après" (Aleksandr Dugin).

L'éveil de l'Atman dans le Sujet radical est un éveil guerrier, in interiore homine, une chute libre dans les profondeurs du moi, dans le fondement sans fondement (Urgrund), par une ferme volonté de puissance illuminée par le divin, qui a contemplé la tabula rasa du moi social, familial et individuel et du tissu collectif, déchaînée par la société liquide postmoderne de l'individu atomisé et consumérisé.

Individu à la personnalité intransigeante, doté d'une saine furor angelicus, bellicus et belluinus dans la lutte contre le mal, n'ayant plus de liens avec le passé et la Tradition, qui par un effort surhumain et cathartique se jette dans l'abîme, le Sujet radical trouve dans cette première kénosis, dans ce vidage, la mort de l'ego et la lumière du chàos primordial, celui de sa propre énergie vitale.

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Dans cette "vision intuitive de l'essence de sa propre nature" (D. T. Suzuki) - le satori de la lumière, la vision de son âme qui est la lumière qui donne tout son sens à son existence - il est consciemment placé devant un choix. Le choix de vivre le solipsisme de l'orgueil luciférien, en se contentant de sa propre lumière réfléchie qui, à jamais séparée de sa source divine, mute en ténèbres et, ainsi, devient un opérateur d'iniquité dans la liquidité postmoderne. Ou le choix d'aller au-delà de sa propre lumière, d'entrer dans la grande tribulation, la terrible Nuit des sens et de l'esprit, la seconde kénosis ou nihilité absolue, pour finalement être rétabli comme l'Homme de la Tradition, qui vient devant le feu de la Présence Divine, origine de la Lumière immortelle, et là s'immerge pour devenir un esprit guerrier du Chàos, qui de l'essence ouverte du Chàos lui-même va construire le Kosmos, l'Ordre divin.

Pénétrant ainsi le Chàos primordial avec la lumière de l'énergie vitale, et acceptant même la limitation d'une vie vagabonde et impersonnelle pour le bien de la cause, le Sujet radical va plus loin. En sombrant dans le nihilisme du moi, jusqu'à l'anéantissement de l'esprit, jusqu'à atteindre l'essence de sa propre âme qui est la pleine conscience de soi et qui se manifeste comme un feu, un feu ardent participant au feu divin, au-delà du bien et du mal, le Sujet radical, désormais mieux identifiable comme le Soi radical, devient ainsi un nouvel archétype guerrier : non plus le guerrier de la lumière comme l'étaient les anciens guerriers, mais le guerrier de feu, gardien du feu de la Tradition, enveloppé de l'Esprit Saint qui est feu, pour transmettre comme un archer les fléchettes ardentes de la Tradition qui reconstruisent le Kosmos. Et à ce moment-là, une épée lui sera délivrée d'en haut, signe - visible et intérieur - de sa nouvelle âme.

"Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu séparer le fils du père, la fille de la mère, la belle-fille de la belle-mère, et les ennemis de l'homme seront ceux de sa maison". (Évangile de Matthieu 10:34-36)

 

 

 

 

 

 

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