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https://fr.novopress.info/220458/il-y-a-bien-plus-inquietant-pour-notre-pays-que-ce-virus/

virus progressisme

 

Il y a bien plus inquiétant, pour notre pays, que ce virus !

 

Le conflit majeur de notre époque, en Occident, est celui du progressisme et du conservatisme. Il ne s’agit pas d’une opposition entre deux conceptions politiques qui puissent se succéder au pouvoir, comme les Libéraux et les Conservateurs au Royaume-Uni pendant le XIXe siècle. Il s’agit d’une lutte à mort en ce que le progressisme consiste à détruire ce que, justement, les conservateurs veulent conserver. Mais c’est un conflit qui transcende les États-nations et, d’une certaine manière, reprend ce que les marxistes appelaient la lutte des classes. Simplement, au lieu d’opposer un prolétariat conquérant à une bourgeoisie décadente, elle oppose une oligarchie mondiale triomphante aux peuples humiliés. Warren Buffett, pendant un temps l’homme le plus riche du monde, disait sur CNN, en 2005 : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner. »

Il y a une oligarchie mondialiste qui est constituée de puissances financières qui contrôlent la majorité des médias et une partie essentielle des réseaux sociaux. Elle règne sur un certain nombre d’instances internationales et diffuse son pouvoir dans les États occidentaux par le biais de représentants locaux. Son objectif est clair : diluer les volontés politiques nationales afin de substituer à la démocratie une technocratie des « sachants ». Le gouvernement mondial, dont « l’État profond » américain et l’Europe « bruxelloise » sont les étapes, est l’objectif final. Son terrain de prédilection est la lutte contre des ennemis, certes non humains, mais qui oblige « moralement » à contrôler davantage les hommes : le réchauffement climatique, malheureusement un peu abstrait, ou le virus, beaucoup plus convaincant parce qu’il parle à chaque individu de sa propre mort.

Mais il faut, aussi et surtout, en finir avec les nations, c’est-à-dire les peuples conscients de leur identité historique, parce qu’ils sont capables d’exprimer leur volonté, comme le montrent les votes hostiles des nations européennes à l’encontre de leur fusion dans une Europe fédérale. Pour cela, trois processus sont en œuvre : d’abord, l’immigration de remplacement qui prive les peuples de leur unité et de la transmission de leur identité ; ensuite, le matraquage de la cancel culture, c’est-à-dire de la dénonciation et du renversement de la culture occidentale grâce à une culpabilisation de l’Histoire, des héros et des œuvres qui en font la richesse ; enfin, l’atomisation des sociétés en une poussière d’individus consommateurs et hédonistes, après la destruction des familles fondées sur la nature et l’évidence des sexes. La violence et l’intolérance des attaques contre le populisme, c’est-à-dire contre la réaction légitime et démocratique des peuples désirant persévérer dans leur être, contre le conservatisme sociétal lorsqu’il s’oppose à l’avortement ou au « mariage unisexe », témoignent du caractère acharné, littéralement « terroriste » et, en somme, totalitaire de cette offensive : il s’agit non de vaincre momentanément l’adversaire, mais d’empêcher toute alternance, d’interdire tout retour, de bâillonner sa pensée par le biais de lois liberticides, d’inciter les médias à lui refuser la parole. Bref, il s’agit de l’anéantir.

C’est ce que vivent Trump et ses partisans aujourd’hui, c’est ce qui tente de s’installer en Europe avec la mise à l’écart de Salvini en Italie, avec la mise à l’index de la Hongrie ou de la Pologne, avec la mise au pas des Français par la Macronie qui profite du Covid-19 pour museler l’opposition, effacer tout autre débat, décourager les manifestations et même gommer les élections – ces fâcheuses récréations démocratiques. Les Français, contents ou pas de l’action d’un gouvernement qui a multiplié les erreurs, ne pensent plus qu’à ça, et c’est ce qui compte, car face au risque, tout le monde se tourne vers l’État protecteur, bon ou mauvais, plus que vers l’opposition verbeuse.

Christian Vanneste

Tribune reprise de Boulevard Voltaire

 

 I 



 II 

 

  • .... livres ..revues.. vidéos glanés ouverts qu'aux amis et proches inscrits
 

"Covid-1984", la vision d’un philosophe sur la période actuelle

 

 

 

 

 

  III 

 

... fil d'Ariane de mes/nos dires "de  circonstance" ...... l'ensemble est en élaboration ....

 

8   début d'année 2021
 

 

mémoireS de circonstanceS

 

 

 

 «Le vrai moment de l’amour,

c’est quand on est là pour fermer les yeux de l’autre*

Paul Meurisse*

 

7  fin d'année 2020  
 

 

Serotonine

..... et le Docteur Riousse ...mon psy ....

 
 

 

GOLF Ile Fleurie

 

 
 

 

Skypes

mémoires père-enfants


 
 

 

CARTE de VOEUX

2021

 

 

 

6      fin 2019-deb 2020    
   

...NON .... à ce qui est artificielle " LE MONOcoq", il faut des espaces " CLOS * ....... OUI... à ce qui est VRAI la NATURE suffit à peine.

   
     

.........f-h-enfant........

ENtre-FOYER au possible MARIAGE d'AMOUR -comm-UNion tryadique

   

 

 

 

https://www.homocoques.com/aaa_aaa_TRYPTIQUE.htm

https://www.homocoques.fr/index.php/2-articlesaccesregistered/1672-carnets-de-la-valise-vvv-de-robert-l-alsacien

de l' ART DE VIVRE*  
 Métanoïa ou la mort*  
4 années 2009-2010  
  Portes Ouvertes au 18  

 

2       1 avril 2002  
 

 

..de proches EN proches ...chac-un(e)...chaque Nous ... de se voir ...

"...EN acteur-spect-acteur EN..." 

responsable de ... ses JEux ...de ses NOUS ...EN ... l' Â Totalité... 

voir " l'escamoteur " nettoyé ? dans le texte*....

 

 

 

  IV 

 

  ..... et autreS propositions de mémoireS ds circonstanceS ...

 

l'homme - l'humain - inhumain * humanisme*  humanité

 

du mono ...du dualisme... du trinitaire *

 

phimosis * *- circoncision

.......

esclavagisme * -réification * -salarié *

 

... de mère EN mère ....*

 

 conservatisme* - progressisme *

 

consentement *

 

le O ( le zero)  et le 1 ( le un ) 

 

le mal - la tentation -réussir sa vie *

 

les différents âges de la vie

 

metier-vocation

 

vie extérieure-vie intérieure

 

 les ENtres

 

les évolutions  -  révolution

 

les langues maternelles - traductions * *

 

 

 

 

 

 

  

 

CITATIONS

 

 

« Ce qui différencie absolument notre système actuel de ses prédécesseurs, c’est qu’en plus des contraintes physiques et économiques, il exige de nous une complète reddition de l’âme : une participation active et constante au MENSONGE général, bien connu de tous. Cette corruption de l’âme, cet asservissement spirituel, aucun homme ne peut l’admettre tant qu’il désire être homme  ...ou femme.
Quand César nous a déjà pris ce qui revient à César et plus instamment encore exige de nous ce qui revient à Dieu – malheur à nous si nous lui cédons !
La part essentielle de notre liberté est intérieure, elle dépend de notre volonté. Si nous la cédons nous-mêmes à la corruption – nous n’avons plus le nom d’homme...ni de femme .....

Des voix sous les décombres Soljenitsyne*

 

  "La conséquence logique de l'individualisme c'est le meurtre, et le malheur ; il est donc légitime de commencer par déblayer les sources d'optimisme creux. En revenant à une analyse plus philosophique des choses, on se rend compte que la situation est encore plus étrange qu'on le croyait. Nous avançons vers le désastre, guidés par une image fausse du monde ; c'est un cauchemar dont nous finirons par nous éveiller. Nous n'échapperons pas à une redéfinition des conditions de la connaissance, de la notion même de la réalité ; il faudrait dès maintenant en prendre conscience sur un plan affectif. Tant que nous demeurerons dans une vision mécaniste et individualiste du monde, nous mourrons. Cela fait cinq siècles que l'idée du moi occupe le terrain ; il est temps de bifurquer."

  LE SENS DU COMBAT de MICHEL HOUELLEBECQ

 

 

Les personnes matérialistes ne vivent qu'à travers le désir qui voient en lui la satisfaction, le bonheur, l' évolution. Or, le désir et assez nuisible puisque l' on rentre dans un cercle vicieux : plus je possède, plus je désire.

L'homme et la femme, être de désir

 

 

Toutes les vérités deviennent plus lumineuses les unes par les autres.

                                                                            Bernard Le Bovier de Fontenelle

 

...homme - femme ... l'altérité fondatrice *

                                                          François de Muizon

 

 ....l'amour n'est pas un sentiment...

.... c'est la substance même de la Création * ....

                                                        Christiane Singer*

...

 "je dis toujours l'amour commence à la maison"

                                                      Mère Teresa, la sainte des " TENEBRES"

 

« Au commencement est la relation » 

                                                                       Bachelard ..

 


Le philosophe pense que l'esprit tire sa force de son inscription dans la durée.
Bergson

« La vie s'emploie à conserver le passé et à anticiper sur l'avenir, plus lourde est la masse qu'il pousse dans l'avenir pour presser contre les éventualités : son action se décoche avec d'autant plus de force en avant que sa représentation était tendue vers l'arrière. »

 

La notion clé pour comprendre la physique des processus complexes est celle de propriété émergente. Il s'agit d'une propriété que possède le tout sans qu'aucune de ses parties ne la possède en propre.

Ce processus universel se construit par expansion spatiotemporelle, par enrichissement des architectures et par sophistication des régulations ; bref, par une triple montée en complexité.

Friedman et Lemaître avaient bien compris que l'univers est en expansion.

Heisenberg avait bien compris que l'univers élabore des poupées russes architecturales.

Prigogine avait bien compris que l'univers génère des régulations dissipatives globales.

Teilhard de Chardin avait bien compris que l'univers évolue vers toujours plus de complexité.

Il suffit à présent d'allier tout cela pour comprendre les enjeux de la physique des processus complexes.

 

 

 

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https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/21/le-tournant-emotionnel-de-la-vie-intellectuelle_6064060_3232.html

 

Le tournant émotionnel de la vie intellectuelle

Par Nicolas Truong

Publié le 21 décembre 2020

 

« Les penseurs de l’intime », une série du « Monde » en 10 épisodes

 

La crise sanitaire a autant affecté notre santé que notre intimité. La présence de la maladie a aussi bien exacerbé nos failles et nos fragilités que révélé certaines ressources cachées, et forces insoupçonnées. Le confinement a fragilisé les corps, mais aussi touché les cœurs, suspendu les libertés et bouleversé nos sensibilités. La sidération, la peur, la claustration, l’incertitude, la vulnérabilité, l’attente, la solitude mais aussi la solidarité et la sollicitude ont scandé ces moments de rupture, d’élans et d’abattements. La crise a perturbé le délicat équilibre entre le contact et la distance. La pandémie a chambardé l’économie, mais elle s’est également immiscée dans les plis de nos vies.

Ainsi, cette crise sanitaire n’est-elle pas tant révolutionnaire que « révélationnaire », selon la formule du philosophe Paul Virilio (1932-2018). Elle a révélé que nous étions entrés dans l’ère de la « synchronisation de l’émotion » qui fait qu’une déflagration, par l’effet de sa propagation mondiale et virale, provoque un « communisme des affects ». Car un événement – un attentat ou une pandémie – peut désormais former une « communauté d’émotions instantanées », expliquait l’auteur de L’Administration de la peur (Textuel, 2010).

  Lire aussi Les songes d’une nuit de Covid-19

Bien sûr, cette vision comporte une part d’illusion. Car derrière l’unité morale, il y a la disparité sociale. Unis face à la casse, mais séparés par les rapports de classe. Ensemble, mais si différents à la maison et derrière les fenêtres des appartements.

Les affects sont socialement construits. Et les émotions ont une histoire. Certaines naissent dans des contextes historiques précis, d’autres se modifient, s’estompent ou tombent dans l’oubli. Ainsi la nostalgie est-elle née à la fin du XVIIe siècle, afin de désigner ce « mal du pays », cette maladie qui dévastait soldats et esclaves, colons et exilés, avant de devenir un sentiment romantique valorisé. Ainsi l’acédie, ce désœuvrement inquiet de l’âme qui conduisait les moines à désespérer du salut au Moyen Age, s’est-elle évanouie, alors que la « solastalgie », cette façon d’être affecté par les ravages écologiques comme la disparition des espèces et le saccage des paysages, est apparue au début du XXIe siècle devant l’effroi provoqué par l’extractivisme et la disparition de la biodiversité à l’ère de l’anthropocène.

Sur les traces d’Alain Corbin

C’est pourquoi cette crise a mis en relief une génération de penseurs qui s’attachent à comprendre les ressorts de notre histoire, tout comme les possibilités du présent grâce à l’étude des affects et des émotions. Inspirés par les historiens Alain Corbin et Arlette Farge, les anthropologues François Laplantine et David Le Breton, la sociologue Eva Illouz et le philosophe François Jullien, ils ont pris acte du passage de l’histoire des mentalités à celle des sensibilités. Et accentué le tournant émotionnel de la vie intellectuelle. Bien sûr, ce qu’on a appelé le « sensual turn » ne date pas d’hier et a notamment été théorisé par l’anthropologue canadien David Howes qui, dès 2003, affirmait que les « relations sensuelles sont aussi des relations sociales ».

En France, Lucien Febvre (1878-1956), le fondateur de l’école des Annales, avait déjà demandé dans les années 1940 « l’ouverture d’une vaste enquête collective sur les sentiments fondamentaux des hommes et leurs modalités ». Avant d’ajouter : « Que de surprises à prévoir ! » Celles-ci n’ont pas manqué. Notamment grâce à l’œuvre inaugurale, subtile et originale de l’historien Alain Corbin qui, depuis les années 1990, s’attache à retracer la généalogie de nos perceptions sensorielles : métamorphose de l’odorat et désodorisation progressive de nos sociétés, désir de rivages, apparition des bains de mer et invention de la plage, paysages sonores des campagnes du XIXe siècle.

Alain Corbin a montré qu’on pouvait faire l’histoire d’une odeur de jonquille, de la fraîcheur de l’herbe, du silence, du vent et de la pluie, mais aussi des manières de jouir. Comme le dit Georges Vigarello, lui-même historien de la virilité et de la fatigue, dans la revue Critique de juin-juillet 2019, Alain Corbin a transformé le sensible en objet historique.

Une époque gouvernée par les émotions

Dans son sillage, une génération a compris qu’« il n’est pas d’autre moyen de connaître les hommes du passé que de tenter d’emprunter leurs regards, de vivre leurs émotions » (Le Territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage, 1988, Flammarion, rééd. 2010). Les plus déterminés et convaincus de la nécessité de donner corps à ce « véritable tournant historiographique », dit Alain Corbin, se sont précisément réunis au sein de la revue Sensibilités.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Sensibilités » se penche sur l’intime

Publiée depuis 2016 par les éditions Anamosa, rapidement devenue l’une des maisons d’édition les plus exigeantes et novatrices dans le domaine de la non-fiction, la revue s’est fait une place dans la vie des idées. Animée par une bande de quadragénaires brillants et enthousiastes, Quentin Deluermoz, Thomas W. Dodman, Anouche Kunth, Hervé Mazurel et Clémentine Vidal-Naquet, cette revue semestrielle s’est emparée du « charisme », des « sens de la maison » ou de « la société des rêves ». Le dernier numéro, consacré au deuil, remet notamment en cause l’idée que la mort serait évacuée de nos sociétés (« Et nos morts ? », Anamosa, à paraître en janvier 2021). Une volonté d’ouvrir le champ des sensibilités à toutes les disciplines. « Du rapport à l’argent à la question de l’insensibilité, nous avons des sommaires de numéro jusqu’en 2050 ! », s’enthousiasme Clémentine Vidal-Naquet.

« [Tous ces auteurs] inventent un nouveau rapport à l’écriture de l’histoire » Chloé Pathé, directrice éditoriale des éditions Anamosa

L’idée fut également largement portée par l’historien Christophe Granger, récemment couronné du prix Femina essai pour Joseph Kabris ou les Possibilités d’une vie, et qui a dirigé un numéro de la revue Vingtième Siècle consacré à l’histoire des sensibilités (Presses de Sciences Po, n° 123, juin-septembre 2014). Mais pourquoi ne pas créer un espace qui soit complètement consacré à cette thématique ? Soulevée par cet élan et la grâce des commencements, la revue Sensibilités est née un an après les attentats de 2015, qui avaient mis la France en état de choc. Car ce regain d’intérêt pour les sensibilités est contemporain d’une époque gouvernée par les émotions. Et le changement de génération est solidaire d’un regain de politisation.

« Tous ces auteurs sont portés par un sentiment d’urgence, explique Chloé Pathé, directrice éditoriale des éditions Anamosa. Ils sont très engagés dans l’espace public, mais aussi dans leurs sujets de recherche et inventent pour cela un nouveau rapport à l’écriture de l’histoire. » A la manière de Thomas Bouchet qui, après s’être plongé dix ans durant dans les archives de l’année 1832, a préféré sortir des clous et imaginer quatre voix de femmes qui n’ont pas existé afin de faire « sentir ce que le désœuvrement, l’extrême fatigue, la maladie, la blessure ou la jouissance font à leurs esprits et à leurs corps » dans De colère et d’ennui (Anamosa, 2018).

Analyse critique de la société

« Une certaine histoire culturelle et des sensibilités penchait plutôt à droite, explique Christophe Granger, alors que nous étions clairement engagés à gauche. » La bande des « sensibilisés » se retrouve en effet souvent dans les manifestations contre la réforme des retraites ou le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. La couleur rouge écarlate éclate sur la couverture du numéro consacré à « la chair du politique », coordonné par Ludivine Bantigny, Déborah Cohen et Boris Gobille (n° 7, 176 pages, 22 euros), qui revient notamment sur le soulèvement des « gilets jaunes » avec les photos « sans clichés » de Serge D’Ignazio donnant à voir et à penser « le camaïeu de sentiments » perceptibles sur les visages des policiers et des manifestants. Demeure toutefois chez tous, rappelle Hervé Mazurel, une nécessaire méfiance pour « les arguments idéologiques moulés dans des enquêtes historiographiques », comme disait Michel de Certeau (1925-1986).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ludivine Bantigny : « Le thème des “communs” apparaît central dans les réflexions sur le monde d’après »

Car la nouvelle raison sensible devient un outil prisé pour mener une analyse critique de la société. Philosophe de la nuit et du temps de la consolation, Michaël Fœssel explore et mobilise les ressorts d’une « démocratie sensible » contre « la défaite des sentiments » et l’insensibilité grandissante aux incessantes privations de libertés. Penseur de l’émancipation, Jacques Rancière fonde l’articulation de la politique et de l’esthétique sur le « partage du sensible ». Dans le sillage des surréalistes, qui ont voulu « repassionner la vie », l’écrivaine Annie Le Brun en appelle, dans son livre Du trop de réalité (Stock, 2000), à l’insoumission face « au grand crime qui a commencé de se commettre contre la vie sensible ». Car « tout se tient, poursuit-elle : la culture de masse correspond au crabe reconstitué, le matraquage médiatique aux pluies acides, le relookage des villes à la chirurgie esthétique ».

Un acte de résistance

Le tournant émotionnel de la vie intellectuelle est un acte de résistance à l’offensive en cours sur la vie affective, notamment menée par une industrie de la disruption qui colonise l’économie de l’attention. Chacun sait qu’il est risqué d’abandonner le souci de soi au développement personnel et la colère sociale au populisme ressentimental. Sociologue des sentiments du capitalisme, Eva Illouz a notamment montré la façon dont les individus atomisés s’approprient les stimuli qui leur sont proposés, transformant leurs propres émotions en marchandises (Les Marchandises émotionnelles, Premier Parallèle, 2019).

La philosophie est revenue à des questions qui furent les siennes dès ses commencements grecs et qu’elle avait parfois délaissées

C’est parce que le capitalisme est parti « à l’assaut du sommeil », selon l’analyse de l’historien d’art américain Jonathan Crary, que le philosophe Eric Fiat fait l’éloge de la (bonne) fatigue, afin de « ne plus lutter contre elle mais de se mettre à l’écoute de ce qu’elle dit de notre humanité » (Ode à la fatigue, éditions de L’Observatoire, 2018). C’est parce que « les ruptures nous construisent peut-être plus encore que les liens » que la philosophe Claire Marin remarque qu’« il faut parfois rompre pour se sauver » (Rupture(s), éditions de L’Observatoire, 2019).

Car la philosophie a également opéré sa mue et s’intéresse autant aux affects qu’aux concepts. Des philosophes qui étaient initialement partis sur d’autres chemins, tel François Jullien, ont mené une savante philosophie de « l’entre » et questionné à nouveaux frais l’intimité – ce mot venu du latin intimus, qui signifie « le plus intérieur » et dont saint Augustin fut l’un des premiers théoriciens (De l’intimité, François Jullien, Grasset, 2013).

« Les savants sont des êtres sensibles »

Disons plutôt que la philosophie est revenue à des questions existentielles qui furent les siennes dès ses commencements grecs et qu’elle avait parfois délaissées, comme le rappelle l’écrivaine Ilaria Gaspari, qui a passé six semaines à vivre selon les préceptes des écoles pythagoriciennes ou stoïciennes afin de se remettre d’une douloureuse séparation amoureuse (Leçons de bonheur. Exercices philosophiques pour bien conduire sa vie, PUF, 204 pages, 17 euros). Renouant également avec Montaigne et Rousseau, qui pensaient à partir de leur propre vie et expérience, « la philosophie s’enracine davantage dans le vécu », avance Claire Marin. Après l’ego-histoire, l’autofiction, peut-être assistons-nous à l’émergence d’une « autophilosophie ». Puisque « la société marche aux désirs et aux affects », il est important que « les sciences sociales redécouvrent les émotions », résume l’économiste Frédéric Lordon, qui met toutefois en garde contre la tentation d’une régression vers un « individualisme sentimental » (La Société des affects. Pour un structuralisme des passions, Seuil, 2013).

Lire la critique : « Leçons de bonheur », d’Ilaria Gaspari

L’intime et le sensible sont partout, dans la sociologie de la violence émeutière (Le Vertige de l’émeute, Romain Huet, PUF, 2019), dans la philosophie de la perte (Apprendre à perdre, Vincent Delecroix, Rivages, 2019) ou l’anthropologie des affects (Penser l’intime, François Laplantine, CNRS éditions, 165 p., 18 euros), comme dans l’histoire de l’œil (Peuples en larmes, peuples en armes, Georges Didi-Huberman, Editions de Minuit, 2016) et des sanglots (Les Larmes de Rome. Le pouvoir de pleurer dans l’Antiquité, Sarah Rey, Anamosa, 2017). Il faut dire que, loin des images caricaturales du chercheur perçu comme une « machine à penser », « les savants sont des êtres sensibles », assure l’historienne Françoise Waquet dans Une histoire émotionnelle du savoir. XVIIe-XXIe siècle (CNRS éditions, 2019). D’où l’envie de rencontrer et de faire découvrir ces penseurs de l’intime au moment où l’histoire universelle affecte chacun au cœur de sa vie personnelle.

 

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http://metapoinfos.hautetfort.com/archive/2021/01/09/quand-les-membres-d-une-societe-n-ont-plus-rien-en-commun-i-6289578.html

 

" Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, il est inévitable qu’elle se disloque"...

Alain de Benoist : « L’individualisme libéral, c’est quand l’État de droit conteste le droit de l’État… »

, voici quelques semaines, déclarait vouloir lutter contre le « séparatisme musulman ». Christophe Guilluy évoque, dans ses ouvrages, une coupure radicale entre les grands centres urbains et la « France périphérique », tandis que Jérôme Fourquet parle d’une « archipelisation » de la société française. Pourquoi la France semble-t-elle plus divisée que jamais ?

Les causes sont nombreuses, mais il y en a une qui est essentielle, c’est que nous sommes désormais entrés dans la société des individus.

Celle-ci trouve son origine dans l’idéologie libérale, historiquement associée à la montée de l’individualisme, puisque ses fondements théoriques postulent un homme dessaisi de ses appartenances, n’ayant à subir en amont de lui-même aucune « fatalité » historique, culturelle, familiale ou sexuelle, cherchant en permanence à maximiser son meilleur intérêt, entièrement privatisé, c’est-à-dire propriétaire de lui-même, titulaire de droits naturels lui permettant de s’émanciper du lien social et donc de se construire lui-même à partir de rien. La poussée individualiste emporte avec elle une valorisation hédoniste de la sphère privée, un désintérêt, voire une hostilité larvée, vis-à-vis des affaires publiques, un désengagement politique, un mépris des « grands récits » passionnels des deux siècles derniers. L’homme n’est plus un héritier : refusant d’être « assigné » à quoi que ce soit, il est « celui » qu’il veut être – ce qui revient à dire qu’il n’y a plus de singularités que subjectivement choisies, et que la passion de la désappartenance en est le moteur. Il en résulte des transformations civilisationnelles capitales, de nature sociologique, politique, anthropologique et surtout juridique.

La société des individus est aussi la fille de l’idéologie des droits de l’homme, qui fait du sujet de droit un homme en soi, hors-sol, un homme abstrait, de partout et de nulle part. Le premier de ces droits est celui de faire sécession d’avec ses semblables. L’individu, dit Marcel Gauchet, est « le premier acteur social de l’histoire humaine en droit d’ignorer qu’il est en société, au nom même des droits qui lui sont reconnus par la société ».

Le terme d’individu fait pourtant parfois l’objet d’appréciations laudatives par opposition au collectivisme. C’est une erreur ?

Ce n’est pas au collectivisme que s’oppose la société des individus – laquelle s’accommode, par ailleurs, fort bien de toutes les formes de conformisme –, mais au commun. Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, plus de sociabilité commune, plus de valeurs partagées, que plus rien ne les réunit, il est inévitable qu’elle se disloque. On peut bien alors en appeler au « vivre ensemble », ce n’est au mieux qu’un vœu pieux.

L’individu ne doit pas être confondu avec la personne, pas plus qu’on ne doit confondre l’individualisation avec l’individuation, cette dernière définissant la capacité pour une personne de juger de sa situation et d’adopter une conduite autonome responsable. Marcel Gauchet écrit encore, très justement : « Individualiser signifie, du point de vue de la logique collective, décharger les acteurs de l’obligation de produire et d’entretenir le lien de société […] L’individu que l’on peut dire “individualisé” est celui qui se pense spontanément comme existant par lui-même, indépendamment de sa société, alors qu’il n’existe que par elle et en elle. » Une telle société produit les individus qui la produisent, en sorte que nous habitons désormais des « sociétés qui travaillent à fabriquer par le droit des individus sans société ». On ne saurait mieux dire.

Vous parlez de « transformations capitales ». Lesquelles ?

La société n’étant plus la réalité première, c’est l’individu qui vient en premier. C’est lui qui fonde le droit, et c’est à partir de lui que le social doit être compris (c’est ce qu’on appelle l’« individualisme méthodologique »). Le « holisme » disparaît. Dans la société des individus, nul ne se sent plus partie d’un tout, que ce tout s’appelle un peuple, une culture ou un pays. La société étant vue comme un assemblage aléatoire d’individus, qui ne s’associent volontairement que pour défendre leurs intérêts (c’est le mythe du contrat social), mais restent toujours potentiellement des rivaux les uns des autres, on perd de vue que ce tout possède des caractéristiques qu’il ne possède que parce que le tout excède les parties qui le composent. C’est ce que voulait dire Margaret Thatcher quand elle prétendait que « la société n’existe pas ». Elle aurait bien pu dire que les forêts n’existent pas, puisqu’elles ne sont jamais qu’une addition d’arbres isolés !

Dans la société des individus, l’économique remplace le politique, le bien-être remplace le bonheur, la « vie en couple » remplace le mariage, le sociétal remplace le social, le consommateur festif remplace le citoyen. L’individu supplante à la fois les personnes et les masses, l’État de droit conteste le droit de l’État. L’être est rabattu sur l’avoir. Sous l’œil intéressé du capital, le sens de la vie se ramène à se distraire et à consommer : Homo œconomicus et festivus. La religion est perçue comme une opinion parmi d’autres, comme une option strictement individuelle, ce qui rend incompréhensible toute idéologie religieuse qui cherche à convertir, ce que le mot « religion » signifiait dans le passé. Mais je ne fais là qu’esquisser à grands traits une réalité qui demanderait à être examinée plus en détail. C’est une révolution silencieuse qui s’est accomplie sous nos yeux.

Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 janvier 2021)

Cette installation aussi puissante qu’un réacteur nucléaire nécessite d’abattre 1000 hectares de bois.

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En l’absence de recours bloquant, Engie et Neoen ne prévoient pas de débuter les travaux avant 2024. Un branchement au réseau ne surviendrait pas avant fin 2025-début 2026. Un champ de panneaux solaires en Bulgarie. 243152433/diyanadimitrova - stock.adobe.com

Remplacer une forêt de pins maritimes par un champ de panneaux solaires. Le projet présenté mardi par les énergéticiens Engie et Neoen, à 20 kilomètres au sud de Bordeaux, fait grincer les dents. Baptisé Horizeo, le dossier est novateur sur le plan industriel. Il s’agit de construire une centrale photovoltaïque géante de 1000 mégawatts (l’équivalent d’un réacteur nucléaire), qui deviendrait la plus grande de France. Le tout sans un euro de subvention. L’électricité produite, très compétitive, serait vendue directement à des entreprises.

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La centrale serait couplée à un data center et à des batteries de stockage. Elle alimenterait aussi une unité de production d’hydrogène vert. Le tout présente un investissement de 650 millions d’euros. Engie et Neoen avaient tous deux repéré cet emplacement, «un site exceptionnel et rare» à Saucats, explique le directeur du projet, Bruno Hernandez. Plutôt que de se concurrencer, ils ont donc décidé de s’associer.

Le terrain réservé est aujourd’hui une pinède privée et grillagée dédiée à la sylviculture et à la chasse à courre, précisent les énergéticiens. Las, le projet suppose de raser 1 000 hectares de pins (sur les plus de 600.000 que compte la forêt des Landes). «Engie et Neoen s’engagent à réaliser un projet exemplaire en termes de démarche environnementale et sociétale à chaque étape du projet, situé en dehors de tout zonage réglementaire de protection environnementale et sur une chasse privée entièrement clôturée et non classée en zone agricole», précisent les responsables du projet.

Nous sommes pour les énergies renouvelables, mais détruire 1000 hectares de pins maritimes [...] cela ne peut pas nous plaire

Daniel Delestre, président de la Sepanso, association environnementale régionale

Malgré les engagements des industriels, ONG et élus régionaux s’inquiètent déjà. «Comment est-ce possible qu’on rase une forêt au nom de l’écologie ? s’interroge Daniel Delestre, président de la Sepanso, association environnementale régionale. Nous sommes pour les énergies renouvelables, mais détruire 1000 hectares de pins maritimes pour installer des plaques de cristaux de silicium et charcuter la terre pour y enfouir des réseaux de câbles divers et variés, cela ne peut pas nous plaire.»

Le projet représenterait à lui seul plus de 15 % de l’ambition régionale de développement des énergies renouvelables, font valoir Engie et Neoen. Pas de quoi séduire les élus de Nouvelle Aquitaine. «En tant qu’écologiste, je ne peux pas cautionner ce projet, prévient Françoise Coutant (EELV), vice-présidente de la région Nouvelle Aquitaine en charge du climat et de la transition énergétique. Horizeo va à l’encontre de notre schéma régional d’aménagement du territoire, qui précise que le solaire doit être développé “préférentiellement sur des terres artificialisées”. Même sans toucher aux terres agricoles et forestières, nous avons de quoi atteindre nos objectifs de développement des énergies renouvelables.»

Débat public

Même opposition à droite: l’élu régional de la France rurale (affilié LR), Eddie Puyjalon, se dit contre le projet. La pression des développeurs de projets photovoltaïques est très forte dans cette région ensoleillée, en particulier dans la périphérie de Bordeaux. Vu la taille du projet d’Horizeo et les oppositions qu’il suscite, Engie et Neoen ont obtenu lundi que se tienne un débat public. Il devrait durer entre quatre à six mois. «Nous entendons les inquiétudes, promet Bruno Hernandez. Nous sommes pour l’instant sur un projet dont seules les bases sont posées à ce jour. Il évoluera en fonction des échanges avec les acteurs locaux.»

Horizeo n’en est qu’à ses prémices. En l’absence de recours bloquant, Engie et Neoen ne prévoient pas que le premier coup de pelle soit effectué avant 2024. Un branchement au réseau ne surviendrait pas avant fin 2025-début 2026. Si le projet aboutit. Au vu des oppositions politiques locales, nul doute qu’il sera un des enjeux de la campagne pour l’élection régionale de juin prochain.

https://www.lefigaro.fr/sciences/wwf-preserver-nos-forets-pour-prevenir-les-prochaines-pandemies-20210113

 

L'ONG rappelle que préserver nos forêts est essentiel pour prévenir les prochaine pandémies.

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L'Amazonie brésilienne fait partie des zones les plus concernées . CARL DE SOUZA / AFP

Quelque 43 millions d'hectares de forêts, soit la taille d'un pays comme l'Irak, ont été perdus sur les vingt-quatre «fronts» principaux de la déforestation dans le monde entre 2004 et 2017, selon un rapport du WWF publié mercredi. L'agriculture commerciale, qui défriche pour les cultures et l'élevage du bétail, est la principale cause de cette déforestation, notamment en Amérique du Sud, selon l'ONG. Le secteur minier, mais aussi les infrastructures, notamment routières, l'industrie forestière et l'agriculture vivrière, surtout en Afrique, sont aussi d'importants facteurs identifiés.

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Sur ces vingt-quatre «points chauds» de la déforestation mondiale, neuf se trouvent en Amérique Latine, huit en Afrique et sept en Asie-Pacifique. Ils concentrent à eux seuls plus de moitié (52%) de la déforestation tropicale mondiale, selon l'ONG. Les zones les plus affectées sont l'Amazonie brésilienne et la région du Cerrado au Brésil, l'Amazonie bolivienne, le Paraguay, l'Argentine, Madagascar, et les îles de Sumatra et Bornéo en Indonésie et Malaisie. La région brésilienne du Cerrado est, par exemple, principalement affectée par le développement de l'agriculture, avec une perte de 3 millions d'hectares de forêts entre 2004 et 2017 et une disparition de plus de 30% de sa surface forestière totale depuis l'an 2000.

Par ailleurs, près de la moitié (45%) des forêts restantes dans ces vingt-quatre zones ont subi des dégradations ou fragmentations, les rendant plus vulnérables, notamment aux incendies comme les méga feux qui se sont multipliés ces dernières années. Cette fragilisation met en danger les écosystèmes vulnérables que les forêts abritent, et donc les habitats de nombreuses espèces. Et favorise les contacts entre espèces sauvages et humains, et donc le passage à l'homme de maladies d'origine animale (zoonoses), comme l'a illustré la pandémie de Covid-19. Les forêts sont également de très importants puits de carbone, permettant d'absorber une importante quantité des gaz à effet de serre émis par l'activité humaine.

Le rapport appelle États et secteur économique à lutter contre la déforestation, notamment en garantissant les droits des populations autochtones. Il appelle aussi les populations à éviter les produits favorisant ce phénomène, en modifiant notamment leur régime alimentaire vers moins de protéines animales. «La mauvaise gestion des forêts mondiales favorise les émissions de carbone, ravage la biodiversité, détruit des écosystèmes vitaux et affecte la subsistance et le bien-être des communautés locales et des sociétés en général», avertit Marco Lambertini, directeur général du WWF.

La patronne de la branche française de l'ONG, Véronique Andrieux, a de son côté souligné «l'importance de protéger la nature et en particulier de préserver nos forêts, notamment pour prévenir les prochaines pandémies. (...) Sans forêts vivantes, nous n'aurons pas de planète et d'humains en bonne santé.»

En septembre dernier, un rapport de la FAO, agence de l'Onu qui supervise le secteur, avertissait que la forêt avait perdu «presque 100 millions d'hectares» sur la planète en deux décennies, tombant à 31,2% (4,1 milliards d'hectares) de la surface terrestre en 2020, contre 31,5% en 2010 et 31,9% en 2000.

Sujets

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-persecution-des-chretiens-dans-le-monde-s-aggrave-20210113

 

Selon un rapport, le nombre de tués en raison de leur foi a augmenté de 60 % en 2020.

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Des chrétiens de Chine prient lors de la messe de Noël, le 24 décembre 2020, à Pékin. Près de 18.000 églises ont été ciblées depuis sept ans dans ce pays. KEVIN FRAYER/Getty Images/AFP

Année après année, les statistiques publiées par l’association protestante évangélique Portes ouvertes, membre de la Fédération protestante de France et présente depuis 66 ans dans 70 pays pour aider les chrétiens persécutés, laissent un goût amer. Son «Index mondial de persécution des chrétiens», portant sur les chiffres de 2020 et publié le 12 janvier, montre que le nombre de chrétiens tués en raison de leur foi est passé de 2.983 à 4.761, soit une augmentation de 60 %. «Sur un plan mondial, cela fait 13 chrétiens tués par jour pour leur foi», commente l’un des responsables de l’association.

Avec un terrible record, au Nigeria, où 3.520 chrétiens ont été assassinés en une année. Ce pays est en proie aux islamistes de Boko Haram et à la radicalisation des Fulanis, un peuple de bergers nomades majoritairement musulmans, surnommés les Peuls. «91 % des chrétiens tués l’ont été sur le continent africain en 2020», souligne l’association. C’est «la montée en puissance des groupes djihadistes en Afrique subsaharienne» qui explique cette forte augmentation des chrétiens tués en 2020, car ces mouvements «ont profité des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de Covid pour étendre leurs champs d’opération».

Si les églises, autre élément statistique, ont été moins ciblées en 2020, passant de 9.488 à 4.488, cela vient du fait que l’année 2019 avait atteint un sommet en la matière, par destruction pure et simple, par fermeture administrative ou par élimination des croix. La palme des attaques contre les églises revient cette année à la Chine. L’index recense 3.088 églises ciblées dans ce pays en 2020, pour 5.576 en 2019. «Nombre d’églises fermées n’ont pas rouvert cette année, précise Portes Ouvertes, il y a donc moins de “cibles”.» Quant à ces «attaques», elles vont «de l’obligation d’enlever les croix, souligne le rapport, à la destruction complète.Près de 18.000 églises ont été ciblées depuis sept ans en Chine».

Enfin, troisième indice annuel, celui des chrétiens emprisonnés «arbitrairement» pour leur foi: ils sont passés de 4.811 en 2019 à 4.277 en 2020, soit une légère baisse. L’association conclut: «Plus de 340 millions de chrétiens ont été fortement persécutés ou discriminés en raison de leur foi dans les 50 pays répertoriés.» Elle ajoute - à partir de critères très précis et maintenant rodés depuis plus d’une décennie - que «la violence antichrétienne a subi une intensification de 10 % par rapport à 2019».

Un outil sophistiqué

Cet organisme a mis au point, en effet, un outil statistique fondé sur la comptabilité effective des persécutions connues. Elle complète ces chiffres par un système de critères d’analyses qui repèrent, selon les pays, les entorses à la liberté des chrétiens dans leur vie privée, familiale, sociale, civile et ecclésiale. Une fois repérés, ces faits sont ensuite méticuleusement classés au fil des mois selon deux grandes catégories: «la persécution marteau», physique ou matérielle, souvent «brutale», note le rapport. «La persécution étau», moins visible, mais «insidieuse» avec des rejets, des oppressions discrètes, des dénis de droit, des exclusions.

L’association dénonce ainsi «l’utilisation de loi sur le blasphème au Pakistan à des fins personnelles dont les chrétiens sont victimes de manière disproportionnée.» Ou, en Somalie, des chrétiens, surnommés «les croisés» qui sont notamment accusés de «diffuser le virus» de la pandémie.

 Pour la présentation de l’index 2021, l’Iran a été mis en exergue, avec l’invitée spéciale Dabrina Bet Tamra. Réfugiée en Europe, cette chrétienne évangélique engagée est harcelée par les autorités iraniennes, tout comme sa famille. Elle a été arrêtée plusieurs fois. Elle a subi deux accidents de voitures étranges. Elle a été emprisonnée. «En Iran, explique-t-elle, qui affiche pourtant la liberté religieuse, les chrétiens évangéliques sont considérés comme une menace contre le régime. Avec les convertis issus de l’islam au christianisme, ils souffrent beaucoup: ils n’ont pas de liberté de religion, pas le droit de se rassembler ni de posséder du matériel religieux. Ils n’ont pas le droit d’élever leurs enfants selon leurs convictions religieuses. Ils ne peuvent pas être fonctionnaires. L’accès à l’enseignement supérieur leur est interdit. Ils n’ont pas le droit d’hériter, ni le droit d’adopter. Et en prison ils sont privés d’avocat.»

Sur un plan mondial, cela fait 13 chrétiens tués par jour pour leur foi.

L’association protestante évangélique Portes Ouvertes

Le point fort de cet «index mondial de persécution des chrétiens», devenu une référence, est d’être nourri par un réseau et des informations de terrain dans des pays parfois opaques. Les Églises évangéliques sont souvent de petites structures, discrètes, très actives pour l’évangélisation mais indépendantes donc très libres vis-à-vis des institutions. Portes ouvertes a ainsi joué un rôle de premier plan ces deux dernières années dans l’amélioration de la situation des chrétiens en Algérie dont elle avait dénoncé auprès des instances internationales, européennes en particulier, la politique de fermeture des lieux de cultes évangéliques. «Cette politique de fermeture s’est arrêtée, c’est une des bonnes nouvelles de l’année, note un responsable, même si ces églises sont toujours fermées.»

ENTRETIEN - L’académicien démonte les ressorts de la rivalité entre de Gaulle et Pétain dans une uchronie menée avec une virtuosité qui rappelle celle de Jean d’Ormesson. Son nouveau roman se lit comme une aventure picaresque, sur fond de Résistance et de collaboration, où les folies de l’Histoire finissent par se fondre dans l’implacable marche du temps.

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«Je suis personnellement gaulliste, mais un gaulliste critique. Je peux admirer de Gaulle comme j’admire Richelieu qui, lui non plus, n’était ni tendre ni compatissant», confie Jean-Marie Rouart. Serge Picard

LE FIGARO MAGAZINE. - Et si le maréchal Pétain avait quitté Vichy le 11 novembre 1942 afin de rejoindre Alger où venaient de débarquer les Américains? Telle est l’hypothèse qui fonde votre nouveau roman. Pourquoi avez-vous éprouvé le désir de réécrire l’Histoire à travers une uchronie?

Jean-Marie ROUART. - L’uchronie permet au romancier une totale liberté pour réécrire l’Histoire. Il peut laisser libre cours à sa fantaisie, s’amuser, en espérant aussi amuser le lecteur, tout en abordant des vérités que les historiens professionnels délaissent. J’ai écrit ce livre en pensant à ce jugement de Napoléon: «L’Histoire est un mensonge qu’on ne conteste plus.» Et la période que j’ai choisie, celle qu’illustrent de Gaulle et Pétain, est l’objet d’un formidable manichéisme. On est en noir et blanc. Dans une forme de bondieuserie saint-sulpicienne pour célébrer le général de Gaulle et, à l’inverse, dans une diabolisation totale de Vichy. Cela est satisfaisant pour les grandes commémorations, mais non pour la vérité, telle que les contemporains ont pu la vivre.

Beaucoup de gens restent insatisfaits de la version officielle qu’on nous donne de cette époque: tous les laissés-pour-compte, soldats pris entre deux camps, hauts fonctionnaires déchirés, gaullistes excommuniés par de Gaulle comme l’amiral Muselier. Depuis longtemps, je me passionne pour cette période tragique puisqu’elle a confronté cruellement la France à elle-même: j’ai parlé avec beaucoup de résistants comme Alain Griotteray, Claude Bourdet ou François Mitterrand, qui me disait: «L’opposition aujourd’hui n’est pas entre gaullistes et pétainistes, elle est entre ceux qui ont connu cette époque et ceux qui ne l’ont pas connue.»En effet, on cède trop au défaut de ne pas contextualiser les événements. Il est vrai que les passions idéologiques et les a priori historiques de M. Paxton ne nous y aident pas beaucoup. C’est ce contexte humain, surprenant, déroutant, que je m’efforce de décrire.

Entre le général de Gaulle, au caractère abrupt, et le maréchal Pétain, à l’ambition plus affable, il semble parfois que votre cœur balance. Adhérez-vous à la thèse du glaive (de Gaulle) et du bouclier (Pétain)?

Je me garderai bien de toute tentation révisionniste. Je suis personnellement gaulliste, mais un gaulliste critique. Je peux admirer de Gaulle comme j’admire Richelieu qui, lui non plus, n’était ni tendre ni compatissant. Il a porté très haut la valeur de la France, à un moment tragique, avec un courage, une témérité qui, à elles seules, légitiment la place qu’on lui accorde. Quant à l’homme, en dépit des réserves que je fais sur son inhumanité, son caractère méprisant, son ingratitude, je lui reconnais une prodigieuse intelligence qui puise dans une extraordinaire culture littéraire. C’est d’ailleurs son aspect de mystique, de moine-guerrier, de croisé de la France libre que j’ai souligné dans mon roman. Est-ce pour autant qu’il incarnait toute la Résistance? Non. La France résistante comprenait autant de réseaux, de chapelles, d’organisations, aussi disparates et concurrentes que les tribus gauloises à Alésia. Il y a eu de grands réseaux de résistance non inféodés à de Gaulle comme Combat de Frenay. J’éprouve une immense admiration pour tous ces résistants qui ont tout risqué pour un idéal.

Que Pétain ait eu un caractère plus gracieux, un plus grand souci humain, il l’a prouvé pendant la Grande Guerre, et de là est venue sa légende. Cet aspect positif a été éclipsé par l’abject décret sur les Juifs d’octobre 1940. Mais Weygand et Pétain étaient loin de souhaiter la victoire de l’Allemagne. Ils ont voulu, comme on l’a dit, sauver les meubles en attendant une intervention américaine. La théorie de l’épée et du bouclier a mauvaise presse aujourd’hui. Car le passif de Vichy entre la fin de 1942 et la Libération est très lourd, le maréchal n’est plus qu’un prête-nom. Si, comme le lui demandait Roosevelt, il avait rallié les Américains, ce que j’imagine dans mon livre, alors oui, l’hypothèse de l’épée et du bouclier eût été tout à fait concluante.

De Gaulle lui-même n’a-t-il pas accrédité cette thèse?

Oui. Il l’a reconnu avec une angoisse rétrospective: «Si Pétain avait gagné Alger en novembre 1940, que serais-je devenu? Il aurait été acclamé, les Anglais se seraient résignés, les Américains auraient applaudi, et, à la Libération, il aurait remonté les Champs-Élysées sur son cheval blanc.» Reste que, sur ce point aussi, on a des œillères: on voudrait effacer l’admiration que de Gaulle a toujours éprouvé pour Pétain (et il n’était guère prodigue en matière d’admiration). Cela apparaît dans ses Mémoires, mais aussi dans son désir de lui éviter l’humiliation d’une condamnation et la prison, jusqu’à la gerbe qu’il fait déposer sur sa tombe de l’île d’Yeu en novembre 1968. Pétain aurait tout à fait accepté que de Gaulle remplisse le rôle d’une Jeanne d’Arc à Londres. Tout s’est détraqué quand cette Jeanne d’Arc a voulu détrôner Charles VII. D’où ces terribles conflits entre deux légitimités qui ont égaré beaucoup de braves Français incertains de leur devoir et qu’on condamne un peu facilement aujourd’hui.

Les mythes politiques dont nous ornons notre ciel, et qui ont remplacé les mythes religieux, nous sont nécessaires comme des références humaines d’exception.

Jean-Marie Rouart

Dans votre roman, on voit de Gaulle, sous le choc de cette incroyable volte-face, songer au suicide, puis s’embarquer avec quelques fidèles sur un navire pour une destination inconnue. Parmi les passagers se trouvent Joseph Kessel, Raymond Aron et Maurice Druon. Avez-vous voulu signifier par là que la littérature est inséparable de l’Histoire?

Dépressif, de Gaulle, oui ; suicidaire, il l’a avoué au moment de la malencontreuse affaire de Dakar. C’est un cyclothymique, un bipolaire comme tous les grands artistes. Il n’est jamais satisfait, d’où son caractère de dogue. Le but qu’il s’était fixé comme pour tous les artistes était inatteignable. La réalité, bonne ou mauvaise, ne pouvait jamais satisfaire son exigence. Pour les écrivains, c’est autre chose: il admirait Malraux, Bernanos, Mauriac, Claudel, non seulement pour leurs œuvres, mais parce qu’ils portaient quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes. C’est une complicité d’amateurs d’absolu et de fanatiques de la grandeur.

Comment expliquez-vous que le général de Gaulle ait pu, en dépit de son caractère difficile, réussir à rallier derrière lui tant d’hommes de qualité? Est-ce parce qu’il a su mieux que les autres recourir aux symboles politiques et user des mythes et mythologies de l’Histoire?

Comme tous les grands hommes, de Gaulle était attaché à son image dans la postérité. Il a compris, comme Napoléon, l’importance des symboles, car ils parlent moins à l’intelligence qu’à l’imagination. Et c’est elle qui guide les hommes. Malraux à sa droite au Conseil des ministres, la célébration de Jean Moulin, la croix de Lorraine, tout cela nous aide à constituer les mythes dont nous avons besoin pour nous hisser au-dessus du terre à terre de la politique et de l’Histoire qui, par bien des aspects, n’est pas jolie jolie. Ces mythes politiques dont nous ornons aujourd’hui notre ciel, et qui ont remplacé les mythes religieux de Jeanne d’Arc, de Saint Louis, qu’ils s’appellent Jaurès, Clemenceau, Blum, ils nous sont nécessaires comme des références humaines d’exception. Il est possible que son caractère indomptable, impitoyable, ait été un élément de la fascination qu’il a exercé sur ses fidèles. Reste que son inhumanité qui apparaît souvent, et qui se manifestera vis-à-vis des rapatriés d’Algérie, et atrocement vis-à-vis des harkis, attriste les gaullistes eux-mêmes.

On compare souvent le gaullisme et le bonapartisme. Vous êtes d’ailleurs l’auteur d’une vie de Napoléon. Distinguez-vous entre lui et de Gaulle des analogies dans leur façon de conquérir et d’exercer le pouvoir?

Napoléon montre une envergure incomparable ; comme homme, comme génie militaire, comme reconstructeur de la France, il ne peut être comparé à personne. S’il est devenu à raison un mythe, c’est qu’il incarne un destin humain inconnu dans l’époque moderne. Il faut remonter à Alexandre ou à César. Napoléon a eu à cœur de faire accompagner sa gloire par tous ceux qui y avaient contribué, que ce soit dans l’ordre civil et militaire: de Talleyrand à Fouché, de Murat à Desaix, il les a tous magnifiés, couverts d’or et associés à son apothéose. Il ne s’est jamais montré ingrat. Peut-on en dire autant du créateur de la Ve République…? Il a préféré une gloire hautaine et solitaire.

Croyez-vous, comme Robert Brasillach, que l’Histoire est écrite par les vainqueurs? Et qu’elle est donc, comme le disait Raymond Aron, nécessairement tragique?

Toujours tragique. Mais parfois, on peut espérer limiter les dégâts. L’hypothèse de mon roman, qui n’a tenu qu’à un fil puisque les Américains étaient tout prêts à accueillir Pétain à Alger, eût certainement été moralement discutable (pas plus que celle de Darlan dont les Alliés se satisfaisaient), mais elle aurait eu l’avantage d’éviter les excès de l’épuration. Car si des hommes ont pu mériter le nom de traîtres, beaucoup de ceux qu’on a condamnés comme le gouverneur général Boisson, l’amiral Esteva, ont été victimes de règlements de comptes qui auraient été évités. C’est le privilège du romancier qui tente d’enchanter la vie d’essayer de reconstruire l’Histoire qui aurait pu être en lui donnant des lumières plus humaines et moins cruelles. Sinon à quoi serviraient les romans?

 
«Ils voyagèrent vers des pays perdus», de Jean-Marie Rouart, Albin ­Michel, 336 p., 21,90 €. ,

Par Nicolas Truong

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/31/l-intime-est-la-part-de-l-existence-sur-laquelle-ni-l-etat-ni-la-societe-ni-meme-la-medecine-ne-devraient-avoir-autorite_6064876_3232.html

 

Publié le 31 décembre 2020 à 03h14 - Mis à jour le 31 décembre 2020 à 18h01

Professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, Michaël Fœssel a récemment publié Récidive. 1938 (PUF, 2019). Spécialiste de l’œuvre d’Emmanuel Kant, il explique pourquoi l’intime est une question politique et devient, dans une société démocratique, « un objet de revendications ».

Vous avez été atteint du Covid-19. Que vous a révélé l’expérience et l’épreuve intime d’être affecté par une maladie planétaire ?

Une maladie contagieuse nous ramène à un régime permanent d’auscultation de soi et d’inspection des autres. Aussi longtemps que l’on n’est pas atteint par un virus devenu le principal, sinon l’unique, thème de préoccupation planétaire, il se présente comme une sorte de menace abstraite. On n’a pas l’expérience de la maladie, mais celle de ses effets sociaux. Lorsque l’on apprend qu’on a contracté le virus, quelque chose d’étrange se produit : c’est comme si les discours et les alertes qui rythment l’actualité depuis des mois étaient subitement entrés dans votre corps.

« Subi sur un mode anodin, le Covid-19 est une expérience où l’intime et le public s’entrelacent, au point que l’on ne sait plus si l’on souffre d’un virus singulier ou du mal du siècle »

J’ai eu des symptômes tout à fait bénins, j’imagine que pour ceux qui ont développé des formes graves la maladie est devenue, comme toute pathologie sérieuse, un combat intime. Mais le vécu de cette épidémie n’est pas seulement fonction de sa gravité objective. Subi sur un mode anodin, le Covid-19 est une expérience où l’intime et le public s’entrelacent, au point que l’on ne sait plus si l’on souffre d’un virus singulier ou du mal du siècle. Il est difficile de se convaincre que ce n’est « que cela » (encore une fois, dans mon cas), alors que cette maladie est représentée dans tous les esprits et sur tous les écrans. C’est un peu comme si un fait géopolitique d’ampleur inégalée s’était logé en soi et que le moindre accès de fièvre annonçait la fin du monde.

Comme d’autres, j’ai fait l’expérience qu’il n’est guère difficile de susciter l’attention dès que l’on a contracté ce virus. Il faut d’ailleurs noter qu’à cette occasion le secret médical a volé en éclats : il n’est pas une personnalité publique morte du Covid dont on ignore la cause du décès. Cette attention mondiale s’est, hélas, accompagnée d’une mise entre parenthèses d’autres maladies, pourtant bien plus graves.

Dans quelle mesure la gestion sécuritaire de la crise sanitaire conduit-elle à ce que vous avez appelé la « privation de l’intime » ?

Si l’intime désigne ce que l’on désire cacher, ou du moins soustraire au jugement de la société, il est clair qu’une maladie contagieuse le fragilise. L’« ennemi invisible » affecte des corps bien visibles qui deviennent facilement suspects. Les applications destinées à tracer chacun de nos mouvements, l’obligation de s’enregistrer dans les restaurants ou la recherche administrative des cas contacts entraînent un effacement de la sphère intime.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Claire Marin : « Il va falloir peut-être admettre que 2020 nous prépare douloureusement à l’idée de devoir vivre autrement »

On a prétendu que le confinement était une occasion de retrouver des expériences intimes en mettant entre parenthèses certaines contraintes sociales. Cela revient à confondre l’intime et le privé. L’impératif de « rester chez soi » relève d’un recentrage sur la sphère privée (familiale ou individuelle) supposée plus sûre que les interactions sociales, ce qui est loin d’être toujours le cas. A la différence du privé, l’intime est une notion relationnelle : les liens intimes se nouent à l’abri des regards, mais ce sont tout de même des liens.

De ce point de vue, l’interdiction qui a été faite d’accompagner des proches au seuil de la mort, malgré ses justifications sanitaires, a quelque chose de scandaleux. On ne peut pas sacrifier à la vie ce qui humanise la vie. Il n’y a d’ailleurs pas grand sens à dire que nous devons « vivre avec le virus ». C’est avec des gens que nous vivons. L’intime est la part de l’existence sur laquelle ni l’Etat, ni la société, ni même la médecine ne devraient avoir autorité.

Dans quelle mesure l’intime est-il politique ?

L’intime est politique par le seul fait qu’il n’est jamais donné, mais toujours conquis. Au siècle des Lumières, l’invention de l’espace public est contemporaine de la popularisation du journal intime, un moyen pour les femmes d’exprimer leurs sentiments à l’abri du regard de leurs maris et de leurs confesseurs. Pour conquérir le droit d’être un peu moins jugés, il a fallu que les femmes, les couples non mariés, les homosexuels, etc., exposent dans l’espace public leurs formes de vie. De ce point de vue, il n’y a pas d’opposition entre la politique et l’intime.

« On perd une dimension de sa vie lorsque l’on est contraint en permanence de chercher les moyens de la gagner »

Dans une société démocratique, l’intime devient un objet de revendications parce que l’espace domestique est aussi un lieu d’injustices et de violences. Il est dès lors inévitable, et même souhaitable, que ce qui était jusque-là considéré comme relevant de la sphère « privée » devienne visible. C’est bien ce que montre le phénomène #metoo : une politisation de fait des relations entre les sexes, en tant qu’elles demeurent profondément inégalitaires. Cela n’implique pas l’exhibition de soi, ni l’immixtion de l’Etat dans chaque détail de la vie amoureuse ou sexuelle des individus. Cela montre en revanche que la démocratie repose sur ce que Claude Lefort appelait la « légitimité du débat sur le légitime et l’illégitime ».

Il n’y a pas de raison que ce débat ne porte que sur des thèmes institutionnels, économiques ou identitaires jugés nobles sous prétexte qu’ils sont traditionnels. On se rend d’ailleurs facilement compte que ce qui relève du « sociétal » (où l’on cantonne souvent l’intime) engage des questions sociales. La précarité matérielle s’accompagne le plus souvent d’une réduction de l’espace intime. On perd une dimension de sa vie lorsque l’on est contraint en permanence de chercher les moyens de la gagner.

Alors que les réseaux sociaux mettent en scène notre extimité, pourquoi plaidez-vous pour un « partage de l’intime » ?

Le désir de partager ses expériences intimes est naturel : les humains sont en quête de légitimation dans toutes les sphères de leur expérience. Nous discutons de nos amours, faisons le récit de nos fantasmes ou parlons de nos corps parce que nous sommes des êtres de langage soucieux de confronter nos expériences. Le problème est de savoir avec qui ce partage s’effectue, et selon quelles modalités. Fondés sur le désir de montrer qui l’on est et ce que l’on vit, les réseaux sociaux donnent l’illusion que ce partage peut être universel. Ils suggèrent qu’une expérience est réelle à condition d’être partagée par le plus grand nombre.

« Pour être sûrs qu’une expérience amoureuse ou sexuelle a véritablement eu lieu et qu’elle a du sens, nous sommes invités à la confier à nos followers qui la transformeront en objet discursif »

Il me semble que les connexions rendues possibles par Internet exploitent un doute éminemment contemporain sur l’intime. Pour être sûrs qu’une expérience amoureuse ou sexuelle a véritablement eu lieu et qu’elle a du sens, nous sommes invités à la confier à nos followers qui la transformeront en objet discursif. Il en va de même de ces œuvres d’art que nous prenons en photo sur nos téléphones portables et envoyons sur le Web avant même de les regarder.

Cela relève moins de l’exhibitionnisme que d’une incertitude sur la signification de ce que nous vivons. Les « pouces bleus », les « like » ou le nombre d’« amis » sur Facebook répondent à cette incertitude, mais d’une manière qui s’avère le plus souvent illusoire. Une expérience intime se réalise en effet dans le sensible. Elle suppose une proximité des corps et des paroles que les instruments numériques ne peuvent que mimer.

Dans « Récidive », ouvrage dans lequel vous montrez des analogies entre les renoncements politiques, éthiques et sociaux de l’année 1938 et ceux de notre temps, vous parlez d’une « défaite des sentiments ». Pour quelles raisons l’érosion de certains affects menace-t-elle la démocratie ?

En lisant la presse et la littérature françaises de 1938, j’ai été frappé par la concomitance entre la montée en puissance des discours autoritaires et la promotion de l’insensibilité au rang de vertu politique. C’est une année où, bien au-delà des cercles antisémites traditionnels, on parle des réfugiés juifs venus d’Allemagne avec une hostilité déguisée en froideur comptable.

C’est aussi l’année où Sartre écrit L’Enfance d’un chef, une nouvelle où il décrit comment un adolescent devient fasciste en se rendant insensible au monde et en fondant son caractère sur le mépris des juifs et du Front populaire. C’est en 1938, enfin, que Bernanos écrit, dans Les Grands Cimetières sous la lune : « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. » L’abandon des principes démocratiques suppose une sorte de glaciation des subjectivités : un mélange de dureté et de sensiblerie caractéristique des périodes où la peur devient la passion sociale dominante.

Lire l’entretien : Michaël Fœssel : « On n’en a pas fini avec les années 1930 »

La situation actuelle est bien sûr différente historiquement de ce qu’elle était à la fin des années 1930. En revanche, l’alliance entre une raison gestionnaire désincarnée et des passions tristes a resurgi de manière spectaculaire depuis que l’Europe s’est à nouveau installée dans un régime de crise permanente.

Or, la démocratie ne repose pas seulement sur des procédures réglées par le droit. Elle suppose aussi une capacité d’empathie qui est mise à rude épreuve dès lors que l’autre en général – l’étranger, le pauvre et désormais même l’autre corps susceptible de porter le virus – est vu comme une menace. A l’inverse, une démocratie vivante est une démocratie sensible où le fait de devoir vivre les uns avec les autres est perçu autrement que comme une contrainte.

Après les attentats de 2015, les terrasses et les cafés étaient considérés comme des îlots de résistance, ou plutôt comme des lieux de l’affirmation d’une liberté et d’une manière de vivre. Aujourd’hui, ils représentent ce qui nous menace…

L’idée énoncée après les attentats, selon laquelle le désir d’aller au café constitue un acte de résistance, me semble aussi exagérée que celle, développée aujourd’hui, selon laquelle ce désir relève du comble de l’incivilité. On peut néanmoins se souvenir qu’en 2015 les terroristes ont intentionnellement visé des lieux de plaisir qu’ils assimilaient à la décadence des sociétés démocratiques. Rétrospectivement, cela donne un goût amer aux discours actuels qui incriminent l’inconscience des Français, particulièrement des jeunes, accusés de sacrifier les règles sanitaires à leur hédonisme.

Lire notre reportage : « C’est une dernière nuit, une nuit historique. » Le soir où la France est passée au « stade 3 » pour lutter contre le coronavirus

Ces discours manquent de base empirique : on devrait plutôt reconnaître que la plupart des citoyens se plient à des contraintes qui auraient été inimaginables il y a moins d’un an. Surtout, les postures hygiénistes consonnent un peu trop avec des tendances autoritaires qui précédaient la pandémie.

La fête est-elle finie ?

Pour en revenir à l’avant-guerre, Marc Bloch note, dans L’Etrange Défaite, que l’un des manquements de la République française de la fin des années 1930 est de ne pas avoir su offrir de fêtes à ses citoyens. Il compare l’abattement qui a suivi le Front populaire aux fêtes organisées dans le même temps par les Etats fascistes. Non pas, évidemment, que Bloch regrette que les démocraties n’aient pas organisé l’équivalent des congrès nazis de Nuremberg. Tout au contraire, il aurait souhaité des fêtes destinées à renforcer le goût pour la liberté et l’égalité, au plus loin du culte du chef qui réunissait alors les foules allemandes.

Par cette remarque inattendue dans une analyse consacrée à la défaite militaire la plus dramatique qu’ait essuyée la France dans son histoire, Bloch exprime à merveille l’importance du sensible dans l’adhésion à la démocratie.

Une fête authentique est une expérience de l’égalité heureuse où les hiérarchies sociales sont mises en suspens. A la différence des fêtes d’Etat organisées dans les pays autoritaires, elles n’ont pas un centre (le chef) vers lequel convergent les regards de spectateurs réduits à la passivité. Elles rappellent de manière concrète que les rôles sociaux ne sont pas fixés pour toujours, et que la séparation entre la scène et la salle n’est pas intangible.

Le couvre-feu abolit une partie de la vie nocturne. Pourquoi, d’un point de vue sanitaire ou sécuritaire, les nuits sont-elles autant surveillées ?

Il faut reconnaître que la nuit n’est pas un espace propice au respect scrupuleux de la distanciation physique. Non seulement en raison des comportements excentriques qu’elle favorise, mais aussi du fait de l’obscurité relative qui y règne. La morale de la vigilance et de la précaution qui prime lors de la présence d’une maladie contagieuse suppose un usage performant de la vue. Là encore, on ne sort pas du sensible et de ses liens avec la politique. Pour pouvoir calculer les risques, il faut y voir clair. C’est précisément ce que la nuit rend plus difficile.

« La crise sanitaire est survenue dans un contexte déjà dominé par le sécuritaire, donc hostile au crépuscule »

Je n’ai aucune compétence pour juger de la pertinence du couvre-feu du point de vue sanitaire. Mais cette mesure, qui n’est rien d’autre qu’un confinement appliqué au temps nocturne, relève aussi de la défiance traditionnelle des autorités à l’égard de la nuit. Pour s’exercer efficacement, le pouvoir doit voir les corps, il cherche même à prévoir leurs comportements. Comme la nuit est le lieu de l’imprévisible, elle constitue un défi à l’ordre.

Bien avant la pandémie, la multiplication des caméras de vidéosurveillance, la lumière blanche des néons et les restrictions administratives en matière de vie nocturne trahissaient le désir de domestiquer la nuit, de la rendre aussi transparente que le jour. La crise sanitaire est survenue dans un contexte déjà dominé par le sécuritaire, donc hostile au crépuscule.

Passé cette épreuve où le clair-obscur apparaît comme une menace, on peut espérer que le désir de nuit, c’est-à-dire celui de ne pas être reconnu, retrouvera ses droits. La nuit, nous sommes moins regardés, donc aussi moins regardants. Cette tolérance du regard est liée à la démocratie comme valorisation sensible des libertés.

Pourquoi les gens sont-ils beaux la nuit, comme le dit un personnage du film « La Maman et la Putain », de Jean Eustache ?

Alexandre (Jean-Pierre Léaud), qui prononce cette phrase, est un personnage qui tente de justifier son goût pour la nuit alors même qu’il provoque sa séparation d’avec sa compagne qui, elle, a choisi de vivre le jour. Ce n’est pas que les gens sont objectivement plus beaux la nuit, c’est que le beau devient ici une dimension du regard, davantage qu’un attribut des corps. En plein jour, c’est par comparaison que l’on déclare quelqu’un « beau » (mais aussi élégant, doué, intéressant, compétitif, etc.).

Lire aussi Michaël Fœssel : « La nuit est propice aux expériences égalitaires »

Dans un système économique concurrentiel, le critère du jugement est la performance. La nuit, les comparaisons sont plus difficiles du fait de l’obscurité. Au point que l’on a dû inventer un personnage spécifiquement assigné à cette tâche : le physionomiste, qui, à la porte d’un bar ou d’un club, décide qui a le droit d’entrer et qui doit rester sur le seuil. Dire, comme Alexandre, que les gens sont beaux la nuit, c’est dire que le clair-obscur rend indulgent à l’égard d’excentricités qui seraient mal vues en pleine lumière.

Que va-t-on chercher dans la nuit, sinon un suspens de la logique de la comparaison ? Cela ne vaut pas seulement de la nuit festive, mais aussi de la nuit contemplative du promeneur. Le nocturne n’abolit pas la vision, il permet de voir et de percevoir autrement et avec davantage de bienveillance. Là encore, la politique n’est pas loin. Une tradition héritée du droit romain veut que les témoignages nocturnes sont irrecevables par un juge. Du fait de l’obscurité, on ne peut donner un crédit entier à ce que le témoin prétend avoir vu. En conséquence, le juge passe l’éponge sur les accusations. La nuit le rend lui-même plus indulgent.

Comment peut-on retrouver le sens de la fête, de la nuit et de la démocratie après l’épreuve vécue par un pays coincé entre la pandémie et les attentats, le sanitaire et le sécuritaire ? Que nous est-il permis d’espérer en 2021 ?

Il faut peut-être partir de ce que la crise sanitaire a révélé, en provoquant parfois de l’exaspération : une extension considérable du domaine du pouvoir d’Etat. Il sera plus difficile de dire que nous vivons dans un monde postpolitique, uniquement régulé par l’économie et peuplé d’individus consommateurs, maintenant que nous avons tous fait l’expérience que les gouvernements et les administrations peuvent du jour au lendemain décider du droit des citoyens à franchir leur porte. Un libéral se scandaliserait de cette incursion de l’Etat dans l’intime.

« La situation actuelle nous apprend que la politique n’est pas un vain mot et que dans une démocratie tout se tient : les mesures en matière de santé publique, les libertés civiles et les expériences les plus ordinaires »

On a beaucoup stigmatisé l’infantilisation dont faisaient l’objet les Français, souvent à juste titre. Mais puisque nous sommes à la période des vœux, on peut risquer un pari plus optimiste. Ceux qui aiment la fête, mais aussi ceux qui ont un goût pour les promenades impromptues, les rencontres à visage découvert, les voyages à plus d’un kilomètre de leur domicile, les activités sportives, les cultes religieux, etc. pourront se dire que leurs désirs sont liés à l’état de l’hôpital et à la pratique des gouvernants.

Ces dernières années, l’attachement aux libertés a souvent été présenté comme un luxe de privilégiés, inconscients des enjeux sécuritaires. On s’aperçoit en général de leur valeur existentielle au moment où l’on en est privé. La situation actuelle nous apprend que la politique n’est pas un vain mot et que dans une démocratie tout se tient : les mesures en matière de santé publique, les libertés civiles et les expériences les plus ordinaires.

Je ne pense pas que l’on puisse attendre quoi que ce soit de bon d’une épidémie. Mais il est permis d’espérer que les mesures qui ont été prises pour lutter contre elle seront l’occasion d’un regain d’intérêt pour la politique. Le fait que le pouvoir se soit invité dans les vies intimes peut susciter un désir de participer collectivement à son exercice, sans lequel il n’y a pas de démocratie.

Michaël Fœssel, penseur de la démocratie sensible

Peut-être faudrait-il passer une nuit avec lui pour éprouver sa philosophie. Car Michaël Fœssel aime cette vie nocturne qui lui permet de « vivre sans témoin » (La Nuit, Autrement, 2018). Ainsi ressemble-t-il à « la chouette de Minerve [qui] ne prend son vol qu’à la tombée de la nuit », comme l’écrit Hegel dans Principes de la philosophie du droit, paru en 1821. C’est en tout cas dans ses déambulations nocturnes qu’il s’attache à « devenir hibou ». Comme au Berghain, gigantesque club de techno berlinois installé dans une ancienne centrale électrique désaffectée de l’ère communiste, caverne antiplatonicienne dans laquelle « se dévoile un certain rapport à la vérité ».

Une inclinaison qui lui vient sans doute de l’enfance, puisque « la nuit légitime toutes sortes de candeurs : celle de l’enfant réel ou celles de celui que l’on tente de redevenir ». La sienne fut « questionnante ».

Né en 1974 à Mulhouse, ce « gamin sensible » qui a grandi auprès de parents professeurs dans le secondaire hérite d’une « immense curiosité » pour les choses de la vie. Au point qu’il découvre, à l’âge de 16 ans, La Symbolique du mal, de Paul Ricœur, ouvrage notamment consacré à l’herméneutique du péché. Car son adolescence est marquée par « une crise mystique ». Une empreinte spirituelle qui teinte une grande partie de son œuvre, notamment La Privation de l’intime (Seuil, 2008) dans lequel il relève que « le mot “intime” fait son entrée dans le vocabulaire philosophique avec saint Augustin, qui déclare dans Les Confessions que Dieu est “plus intérieur que ce que j’ai de plus intime” ».

Foi et politique

Après la fin du monde (Seuil, 2012) et Le Temps de la consolation (Seuil, 2015) portent la marque de la philosophie chrétienne : « Je ne parviens pas à penser sans les catégories héritées du christianisme, sans que cela engage nécessairement la croyance en Dieu », assure-t-il. Sans compter que « la foi est une expérience sensible ».

Spécialiste de Kant, auquel il a notamment consacré sa thèse (Kant et l’équivoque du monde, CNRS, 2008), Michaël Fœssel est aussi un philosophe politique, ancré à gauche, critique à l’égard de « la banalité sécuritaire » (Etat de vigilance, Le Bord de l’eau, 2010, réédité chez Points Seuil en 2016) et des risques de basculement dans un régime autoritaire (Récidive. 1938, PUF, 2019).

Une pensée politique qui dessine les contours d’une « démocratie sensible », comme en témoigne « Le mythe de l’impuissance démocratique », dossier qu’il a coordonné pour la revue Esprit (n° 468, octobre 2020) à laquelle il collabore depuis 1998. Un concept qui est « une manière de rendre à la liberté et à l’égalité une dimension d’expériences concrètes, pas seulement de principes rationnels ». Une façon de pratiquer la philosophie comme « une tentative pour reconquérir une puissance d’interrogation et de contestation inscrite dans le sensible ». Et qui permet de comprendre pourquoi Michaël Fœssel s’attelle aujourd’hui à l’écriture d’un livre destiné à montrer qu’« il y a un sens politique à retrouver son regard d’enfance ».